Au voleur ! {PV : Nishiki}

Une soirée qui s'annonçait on ne peut plus banale. Célestin, accompagné de son sac  sur une épaule et de son carton sous l'autre, était à la recherche d'un lieu tranquille et pas trop sale pour finir sa nuit. En effet il avait été dérangé par des ivrognes et avait du s'en aller pour ne pas avoir de problème. Il n'était jamais bon de discuter avec ces gens-là qui n'avaient pas toujours toute leur raison. Concentré sur les ruelles éloignées de quelques bars l'albinos ne remarqua pas la personne derrière qui le bouscula, manquant de tomber, et de faire s'écraser ses précieuses lunettes sur le sol. Heureusement, il se retint.

Il ne remarqua que la disparition de son sac lorsqu'il le vit sur l'épaule de la personne qui l'avait bousculé. Dans les premières secondes son sang se figea avant de lui courir après.  Il lâcha automatiquement son carton. Ca personne ne lui prendrait...

«  Rendez-le moi !  »

Au pas de course, Célestin courrait aussi vite qu'il le pouvait. Après une vingtaine de secondes il reçu son sac, ouvert, pas besoin de plus réfléchir pour savoir qu'il lui manquait sa bourse. Non qui volait un sans abris ? Remettant son sac sur son dos après une pause de même pas cinq secondes le blandinet se remis à courir vers le voleur qui venait de tourner au croisement d'une rue. Tournant lui aussi, il n'avait pas pu voir qu'une personne en sortait.

BIM.
Il tomba au sol.

Contre toute attente il lâcha un simple «  Pardon !  » avant de se relever au quart de tour et de reprendre sa course, il fit quelques enjambées jusqu'à un autre carrefour mais c'était trop tard : il l'avait perdu.

Une fois arrêté, essoufflé, Célestin fût pris d'une quinte de toux et se pencha, posant ses mains sur ses cuisses, haletant et malade, reprenant de l'air comme il pouvait, tremblant un peu, sa vision n'était pas très claire. Faire un effort aussi long avec un bout de pain dans le ventre depuis ce matin n'était pas une bonne idée.

Le blandinet dont la capuche était tombée depuis le début de la course  eut enfin un regard pour la personne qu'il avait bousculé… Aurait-il des ennuis… ?

Nishiki marchait dans les rues désertes de la ville, son pas allongé et rapide de quand il était seul résonnant sur les pavés dans un rythme presque régulier dû à la légère claudication de sa jambe. Il sortait tout juste de chez Fritz, chez qui ils s’étaient réunis avec plusieurs connaissance pour faire le point sur la disparition soudaine de leur amie commune depuis déjà bien trop de jours.
Ils avaient fini par réussir à avoir quelques pistes grâce à leur appel à information à leurs connaissances respectives et avaient appris que Juliana était censé se rendre à une petite réception le soir de sa disparition, mais également qu’elle compter organiser une petit surprise à l’homme qui partageait désormais sa vie. Sauf qu’évidemment, si la jeune femme s’était vantée de la chose auprès de ses amies proches, elle n’avait révélé à personne la nature de cette surprise en question. La connaissant, Nishiki redoutait un peu ce qu’elle était aller chercher. Elle avait le don de toujours se mettre dans des situations invraisemblables.
Pour dire, il n’avait même pas pris la peine de se changer avant de quitter la demeure du ministre ce soir, ne s’étant détaché les cheveux qu’après avoir déjà bien entamé sa route.

Le majordome était d’ailleurs en route pour rendre visite à une des meilleures amies de Juliana – du moins à l’époque du Chabanais – pour lui poser des questions à ce propos. Les deux femmes avaient auparavant l’habitude de tout se raconter et il espérait très fortement que cette dernière auraient des précisions à lui apporter concernant les petits jeux de Juliana. Au fond, il savait pourtant qu’il n’aurait pas dû s’amuser à ce jeu là, qu’il aurait dû laisser la police faire son travail après que Jonas ne se soit rendu à la caserne mais… Il ne pouvait simplement pas rester sans rien faire. Et au pire, s’il trouvait quelqu’un qui savait quelque chose de vraiment important, il irait expliquer ce qu’il savait et comment à qui de droit.
Mais il ne resterait pas sans essayer de l’aider.
Il ne le pouvait juste pas.

Il traversait un carrefour quand il entendit des bruits de pas venir de sa gauche. Relevant ses yeux gris pour jeter un coup d’œil dans la direction du bruit et évita de justesse un jeune homme qui manqua de lui foncer dessus à la sortie du virage et qui détala sans le moindre regard en arrière sous le regard légèrement perplexe du valet, qui entendait encore des bruits de pas…
Il ne réussit pas à éviter la seconde collision.
Une jeune homme le percuta de plein fouet alors qu’il était en pleine course. Nishiki tituba légèrement sous l’impact et la douleur qui en suivit, le choc un peu trop proche de sa blessure lui envoyant une longue décharge poignante le long de la cuisse. Il voulut malgré tout aider la pauvre personne qui s’était retrouvée à terre mais le temps qu’il se reprenne, cette dernière s’était déjà remise seule sur ses pieds pour détaler à son tour. Shiki le suivit des yeux, légèrement essoufflé. Courait-il après le premier gars qui l’avait dépassé ? Le pauvre petit n’avait pas l’air très bien…

Nishiki hésita un instant. Il était pressé et n’aurait pour le coup pas dit non pour s’asseoir mais… il soupira intérieurement. Une minute ne changerait pas grand-chose et lui permettrait de s’assurer que le jeune qu’il avait bousculé ne s’était pas fait trop mal.
Il le rejoignit donc, cet étonnant petit homme aux cheveux blanc, au moment où ce dernier se retourner vers lui et lui offrit un sourire chaleureux.

- Je suis désolé, je n’ai pas réussi à m’écarter à temps. Tu ne t’es pas fait trop mal ?

Il s’arrêta à quelques pas de lui… Histoire de ne pas trop se montrer menaçant, vu la carrure du petit gars.

- Tu courrais après la personne que j’ai vu passer juste avant toi ? Est-ce qu’elle t’as… agressée ?

Il n’avait pas l’air d’être particulièrement blessé cela dit mais… On n‘était jamais trop prudent et mieux valait poser la question et sa préoccupation était sincère.

Un seul regard envers la personne qu'il venait de bousculer suffit à le faire blêmir – enfin, façon de parler, mais au moins l'inquiétude se lisait dans son regard-. Déjà c'était un homme, grand, vraiment grand, assez carré d'épaule et la musculature semblait aller de paire. Bien habillé, en plus. Est-ce que c'était un bourgeois ou un noble qu'il avait bousculé ? Pour autant, le faciès de l'homme n'avait pas l'air de montrer de la colère, au contraire, il se montrait assez souriant, en fait, c'était surprenant.

En plus de tout ça, l'homme s'excusait auprès de lui… En voilà une bonne, c'était lui qui n'avait pas regardé ou il courrait, trop préoccupé…

«  Oh euh, non, je-… C'est moi qui suit désolé, je ne regardais pas où j'allais…  »

Mis à part aux poumons, notre jeune serviteur au chômage n'avait pas l'air d'être blessé. L'adrénaline jouait encore son rôle car il avait une éraflure au niveau du mollet mais, rien de grave de toute façon. Il fut encore pris d'une légère quinte de toux avant de pouvoir répondre aux questions de cet inconnu de la rue… C'était bien étrange…. Pourquoi… ? Pourquoi cette personne semblait se préoccuper de lui ? Il avait l'air si propre sur lui, en plus… Il avait l'air pourtant si sincère que s'en était troublant….

«  Il… Il m'a volé ma bourse…  »

Célestin n'avait pas encore eu l'occasion de vérifier le reste de son sac alors il l'ouvrit et regardait, oui, juste sa bourse manquait, ses lunettes teintées étaient encore là…

«  Oui, juste ça…  »

Il eut un soupir presque rassuré avant de se demander ce qu'il allait bien manger pendant les jours qui suivront. Il n'avait jamais mendié et ne préférait pas s'y risquer… Il pouvait croiser n'importe qui…

Sentant le vent dans ses cheveux son coeur s'accéléra soudainement en se rappelant qu'il n'avait plus sa capuche. Mince ! Alors il se dépêcha juste de remettre sa capuche et de la tirer correctement pour que l'on voit moins son visage… Enfin, l'inconnu devait certainement avoir déjà vu sa bouille… Bon. Il n'allait pas prendre racine ici, n'est-ce pas ? Il devait récupérer son carton et trouver un endroit où passer le restant de la nuit avant de trouver une solution pour manger. Son ventre avait l'air tout à fait d'accord vu qu'il fit le bruit si significatif du vide. Que c'était gênant.

«  Je… Je vous remercie de votre sollicitude, je… Je vais rentrer chez moi…  »

Célestin s'inclina. « Rentrer », bel euphémisme.

Comme d’habitude lorsqu’il rencontrait quelqu’un pour la première fois, sa carrure ne laissa pas de marbre – malgré sa perte de poids récente… Mais il en avait l’habitude depuis le temps et ne faisait même plus attention aux réactions des gens… exceptées les réactions un peu trop négatives. Comme celle du petit en face de lui qui ne fit qu’adoucir un peu plus son visage. Non vraiment, pas la peine de s’inquiéter… Et c’était ce qu’il voulait montrer. D’ailleurs, le jeune homme s’excusait à son tour et Nishiki se contenta de simplement hocher la tête, nullement choqué. On avait tous droit à ses moments d’inattention et lui-même aurait peut-être pu éviter cette déconvenue avec un peu plus de réflexes.

- Ce n’est rien, ça arrive.

Quand le petit se mit à tousser, Nishiki s’approcha d’encore un peu, l’observant avec attention. Il n’avait pas l’air bien solide ce jeune homme. Un visage un peu tiré et malgré la rougeur de ses joues qui devait sans doute être dû à la course, il semblait bien pâlichon. S’il était malade, ce genre d’effort ne devait certainement pas arranger son affaire… Surtout qu’il lui annonçait qu’on venait de lui voler sa bourse. Ah ! Tout de suite, ça expliquait cette petite course poursuite à laquelle il venait d’assister… Flut, il aurait su, il aurait essayer d’attraper la première personne qui passait plutôt que de s’écarter… Et même s’il n’avait pas moyen de le savoir, Nishiki se sentait embêté pour le jeune homme.
Il prit donc le temps de fouiller dans une de ses poches pour en sortir quelques billets qu’il tendis au petit inconnu avec un nouveau sourire.

- Tiens, prends ça. J’aurais dû arrêter l’autre gars quand je l’ai vu débouler, considère que c’est pour m’excuser. Et pas la peine de refuser, j’insiste.

Et puis de toute façon ce n’était pas comme ça si allait réellement lui manquer. Il espérait juste que ça compenserait la perte de la bourse, vu qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait y avoir dedans, mais quitte à faire, il préférait donner trop que pas assez. Vu le bruit de l’estomac du petit, il saurait quoi en faire, de toute façon… Pendant un instant, le valet se demanda s’il ne s’agissait pas d’un jeune en fuite de chez lui… Il n’avait pas l’air très convaincu en parlant de rentrer chez lui. C’était possible. Ah décidément… Sa propre soirée devrait visiblement attendre un peu plus que quelques minutes.

- Pas besoin de me remercier, c’est normal. Tu veux que je te raccompagne ?

Histoire d’éviter les futur voleurs à la tire… Après tout il était plutôt rare qu’on vienne l’emmerder les rues avec sa taille...

Définitivement ce grand homme n'était pas en colère… C'était un soulagement pour Célestin qui n'aurait certainement pas su quoi faire face à cela. Il l'excusa même. En effet les erreurs arrivaient mais tout le monde ne les prenait pas toujours de la même façon. Il ne le craignait plus lorsqu'il s'approchait un peu de lui alors qu'il toussait. Célestin ne reculait pas mais il ne pouvait s'empêcher de demander pourquoi l'homme ne partait pas, il devait certainement avoir d'autres choses à faire que de s'occuper de lui…

En le regardant fouiller dans ses poches il se demandait bien ce qu'il faisait et voilà qu'il lui tendait… de l'argent ? Ha bah, là l'albinos devint tout rouge, gêné… ! S'excuser de ne pas avoir arrêté l'homme ? Vraiment ? Ca existait les gens comme ça ? Alors qu'il s'apprêtait à refuser il insistait clairement… D'un côté il aurait aimé dire non, enfin, non, il aurait aimé être en capacité de refuser. Mais il n'avait plus rien… Et il craignait pour sa santé s'il n'arrivait pas à manger demain…

«  M… Merci beaucoup monsieur…  »

C'était tellement gênant d'accepter, ses petites mains vinrent prendre l'argent, toutes tremblantes… Cette fois il les mis dans son propre manteau, l'argent serait plus à l'abri, on ne lui volera certainement pas mais il devrait faire attention dans les foules…

Voilà que l'homme lui proposait même de le raccompagner, sans doute pour éviter qu'il ne se fasse voler à nouveau. Enfin… quelle probabilité de se faire voler deux fois en une seule soirée… ?

«  Oh euh non je… Je vous remercie mais je… j'habite juste à côté… Et puis vous devez être occupé…  »

Comment quelqu'un pouvait être aussi gentil avec lui.. ? S'il ne faisait pas nuit, cela aurait été tout à fait improbable que l'on ait cru ce petit homme ait quoi que ce soit qui ressemble à un foyer. Pour autant mentir à cette personne lui faisait mal au coeur mais c'était hors de question de l'embêter avec ses problèmes… Célestin fit un pas sur le côté histoire de montrer qu'il habitait par là. En vrai c'était juste là où se trouvait son carton.

«  Hn…  »

Il ressentit soudainement une douleur à la jambe et instinctivement il regarda l'endroit, soulevant son manteau. Son pantalon était un peu humide et il pouvait distinguer du sang.. Mince… Une plaie bénigne dans la rue pouvait tout à fait s'infecter rapidement…

Le jeune homme avait l’air gêné quand il lui tendit l’argent. Une réaction tout à fait normale pour la majorité des gens et pourtant, cela semblait si naturel de faire ce genre de gestes pour Nishiki. C’était d’ailleurs pour ça qu’il insistait dès le départ plutôt qu’attendre un refus poli, il connaissait la réaction générale à ses gestes, quelle qu’en soit la raison. Gêne, méfiance… Et pourtant, si les gens savaient qu’il ne faisait ça que par simple générosité, beaucoup serait surpris. Mais il est vrai qu’ici, cela cache souvent quelque chose. Mais le valet espérait bien ne pas être le seul à savoir se montrer amical avec les autres sans avoir de mauvaises idées derrière la tête.

- Nishiki. Appelle moi Nishiki. Et de rien.

Il donnait son nom comme il donnait son argent, avec une simplicité des plus banale. Mais il avait toujours eu du mal avec l’appellation de monsieur. Mais bon au moins, le petit avait prit l’argent sans trop protester, c’était déjà une bonne nouvelle dans cette soirée, et serait sans doute la seule, au vue de ses nuits précédentes. Et ça éviterait peut-être de futurs ennuis à sa jeune connaissance du soir.

Cette dernière refusa d’ailleurs son offre de le raccompagner. Il habitait juste à côté ? Si le pauvre venait sérieusement de se faire raquetter à deux pas de chez lui, ce n’était vraiment pas de chance… ça et le fait qu’il n’avait pas vraiment l’air de sortir de chez lui non plus, en réalité. Mais bon, il avait l’air partir pour s’en aller alors…

Il l’entendit souffler douloureusement et suivit son regard lorsqu’il écarte légèrement son manteau. Il avait du sang au niveau de la jambe. Par instinct, il s‘approcha encore jusqu’à être à sa hauteur et vint poser sa main sur l’épaule du jeune homme dans un geste de soutient.

- Occupé, oui, mais pas assez pour ne pas aider quelqu’un de blessé. Ma proposition tient toujours si tu veux.

En réalité si, il était très occupé mais… Il ne se voyait pas le laisser là tout seul, même si on avait besoin de lui ailleurs. Enfin, besoin de lui… C’était un grand mot parce qu’au final, il ne faisait que brasser un peu d’air, faute de pouvoir faire mieux pour aider son amie pour le moment. Mais c’était quelque chose de facile à dire… Et ce n’était pas parce qu’il en avait conscience que c’était tout aussi simple de juste abandonner l’idée comme ça. Mais il ne pourrait rien faire de concret pour elle ce soir alors que pour ce jeune homme…

L'homme qu'il ne faisait qu'appeler monsieur sans oser lui demander comment il s'appelait se présenta finalement sous l'unique prénom de Nishiki. Ce n'était pas pour autant qu'il n'allait plus le vouvoyer, il faudrait qu'il le lui dise, et puis, il lui était reconnaissant alors pour le moment…. Et puis si ça se trouve il ne le verrait plus jamais en le quittant, alors, devait-il vraiment s'embêter pour un vouvoiement… ?

«  D'accord… Euh… Je m'appelle Célestin…  »

Se présenter en échange était la moindre des choses. Au moins il serait l'une des personnes à savoir que le SDF aux cheveux blancs qui traînait dans les rues s'appelait Célestin. Mais personne ne connaissait son nom de famille, hors de question, il suffisait que quelqu'un le connaisse et voilà la honte… Et puis, ce n'était pas comme s'il avait le droit de s'y accorder, à la famille Vaneghen…

Lorsqu'il ressentait cette douleur dans sa jambe il ne pouvait pas s'empêcher de regarder et Nishiki en fit de même, s'approchant même de lui, une main sur son épaule. S'il sursauta c'était plus parce qu'il n'avait pas l'habitude qu'on le touche que par crainte… On évitait en général soigneusement de le faire. Il ne respirait pas la propreté et il était malade. Pour autant, l'homme insista pour le raccompagner, encore plus parce qu'il était blessé…

«  Oh… Je…  »

C'était tout à fait gênant et indigne de lui… Mais il ne pouvait pas décemment rejeter une telle proposition après la gentillesse dont avait fait preuve cet homme envers lui… Allait-il se fâcher en apprenant la vérité… ?

«  Je… Je suis désolé, je… Je vous ai mentis je… Je n'ai pas de maison où rentrer… Je vis dans la rue... Euhm.. Si… Si vous voulez reprendre votre argent vous pouvez...  »

Bien sûr que c'était honteux que d'être à la rue et en général il n'avait pas envie que les gens le sachent… Sa main dans son manteau il tenta de lui rendre ses billets, il ne pouvait pas les mériter…

Célestin… Eh bien au moins il pouvait mettre un nom sur un visage, même s’il n’attendait pas forcément une présentation en retour de la sienne. Il sursauta d’ailleurs en sentant la main de Shiki sur son épaule, mais ne chercha pas particulièrement à se défaire du contact et il la laissa donc là où elle était en réitérant sa proposition. Le pauvre homme eut d’ailleurs l’air complètement perdu ou gêné, ou les deux ensemble, et un instant, Nishiki se demanda s’il n’allait pas s’évanouir devant lui. Mais non, il se contenta de s’excuser encore une fois et de… lui dire qu’il lui avait menti. Comme quoi, il ne s’agissait pas d’un fugueur mais d’encore autre chose… Il avait l’air si jeune pourtant, et plutôt de bonne volonté… Comment ne pas se sentir triste ?

- Non, non, garde-le, ce n’est pas un problème.

Il n’allait pas reprendre ce qu’il lui avait donné, voyons ! Outre que ça ne lui ressemblait pas, il aurait bien fallu être stupide ou sans cœur pour avoir un geste pareil. Il n’avait eu que trop l’occasion de voir les dommages que pouvait occasionner une vie dans la rue… Presque toutes les filles du Chabanais en venait, après tout… C’était pourtant des gens comme les autres, au fond. Il suffisait de savoir leur donner une chance. Si l’établissement n’avait pas fermé…
Il lui sourit à nouveau pour lui signifier qu’il n’était pas fâché, retenant difficilement la vague de compassion qu’il pouvait ressentir envers ce jeune garçon. Il n’avait aucun regret à s’être arrêté quelques infants pour lui parler… Même si ça changeait quelque peu ses plans pour la nuit à venir.

- J’ai un petit appartement qui n’est pas très loin si tu veux. On pourra au moins y regarder ta jambe, ça t’irait ? Tu peux t’appuyer sur moi si ça te fait trop mal.

Pour illustrer ses propos, il enleva sa main de son épaule pour simplement lui tendre un bras, qui arrivait à peu près à une hauteur correcte pour qu’il s’appuie. Heureusement en un sens qu’il n’avait pas l’air bien lourd parce que sa propre jambe n’aurait pas forcément apprécié l’exercice, surtout après le petit tumultes qui venait de se passer.

Notre sans abris arrêta donc de fouiller dans son manteau lorsqu'il disait qu'il pouvait garder l'argent qu'il lui avait donné… Vraiment ? Il n'était vraiment pas fâché… ? Vraiment, oui, très gentil, trop peut-être… La carrure qu'il avait n'allait vraiment pas avec l'image que l'on pouvait automatiquement se faire de ce genre d'homme… Mais Célestin était mal placé et n'aimait pas non plus juger sur l'apparence, mais il fallait bien avouer que parfois l'instinct de survie développé dans la rue faisait de mauvais raccourcis…

«  Mer.. Merci…  »

Le sourire de Nishiki le mettait un peu plus à l'aise, Célestin se détendait doucement, du moins, comme il pouvait le faire. A vrai dire il s'attendait à un peu tout mais certainement pas à ce genre de proposition… en général, et là, ce n'était pas vraiment une erreur, les hommes louches faisaient cela… Mais là… cet homme n'était pas louche du tout et l'invitait à venir… regarder sa jambe dans son appartement… ? Pour de vrai ? Bon certes il était un peu méfiant le Célestin mais son instinct lui disait qu'il pouvait faire confiance à cet homme si calme et souriant… Lui aussi était souriant d'habitude, quand on ne venait pas de lui voler ses affaires et quand il n'était pas essoufflé.

«  Si… Si ça ne vous dérange pas… mais est-...est-ce qu'on peut passer récupérer mon… carton…. ?  »

Très important le carton, le sol était froid le soir et s'il ne voulait pas être en hypothermie il devait dormir dessus, et dessous quand il en avait un assez grand, ce qui était le cas.

«  Je… Je vais voir si j'ai mal…  »

Avant d'accepter ou de refuser son aide Célestin voulait s'assurer qu'il pouvait marcher… Apparemment, ça allait, ça faisait moyennement mal, sans plus…

«  Ca…. Ca va… Je peux bien marcher…  »

Il va juste boiter un petit peu… Marchant tranquillement le jeune homme se dirigea quatre ou cinq ruelles plus loin pour récupérer sa maison transportable. Il avait à présent toutes ses affaires et pouvait suivre Nishiki chez lui… Il avait toujours une légère appréhension mais il se disait que ça irait… Il en avait l'impression…

Récupérer son carton ? … Ah oui, forcément. Il était un peu con quand il voulait des fois. Il hocha simplement la tête.

- Ça ne me dérange pas du tout. Je te suis.

Il l’observa essayer de marcher… ça avait l’air d’aller à peu près en effet. De toute façon, comme il allait s’accorder au rythme du plus petit que lui et par la même occasion forcer un peu plus sur sa jambe, il allait aussi avoir un peu la patte traînante. C’était l’un des inconvénient d’être grand, on marchait rarement à son rythme dès qu’on était accompagné. Mais il suivit donc Célestin jusqu’à ce qu’il ait récupéré son carton, le surveillant quand même un peu du coin de l’œil pour vérifier que son boitement ne s’empirait pas, mais ça n’avait pas l’air d’être le cas. Ils devaient faire un sacré duo dans la rue…

- C’est à quelques rues d’ici, on devrait y être en une quinzaines de minutes. Ça va aller, ta jambe ?

Il était toujours prêt à le supporter si jamais il en avait besoin… Surtout qu’il commençait doucement à se diriger vers chez lui. c’était un des avantages à habiter dans le centre de la ville, on arrivait à le rejoindre assez rapidement depuis presque n’importe où… Bon c’était aussi parce que l’appartement avait été assez proche du Chabanais à l’époque… ils auraient même pu passer par la rue, le chemin y était plus court, mais ça faisait parti des choses qu’il n’avait pas forcément envie de faire.

- Tu t’es fait ça en courant tout à l’heure ?

Ou alors c’était une vieille blessure qui s’était rouverte. Cela dit ça n’avait pas l’air très profond non plus, il suffirait sans doute de pas grand-chose et il devrait avoir de toute façon ce qu’il fallait chez lui pour au moins faire en sorte de désinfecter la plaie.
Ils atteignirent l’appartement a peu près dans ses estimations. Bon forcément, il y avait des escaliers… Une fois de plus, il proposa son bras à Célestin au cas où celui-ci aurait besoin d’un petit coup de pouce pour monter les quelques étages avant de s’arrêter devant sa porte. Bon… Il allait quand même complètement poser un lapin à son pote… En espérant que ce dernier ne s’inquiète pas trop le temps qu’il arrive à le contacter.

- On est arrivé. Comment tu te sens ?

Il déverrouilla la porte et entra dans la foulée avant de lui faire signe d’entrer à son tour. L’appartement n’était pas bien grand et l’entrée donnait directement sur le salon ouvert sur une petite cuisine. La décoration était plus que succincte, quelques bibelots articulés d’ingénieurs et quelques cadres photos de sa famille, mais rien de bien grandiose. La seule réelle décoration était dans sa chambre, mais la porte était de toute façon fermée. Ça sentait même un peu le renfermé… Il fallait dire qu’il n’y avait pas mis les pieds depuis un certain temps, avec toutes ces histoires.

- Installe toi sur le canapé, mets-toi à l’aise.

Il évita la phrase banale du ‘fais comme chez toi’ qui aurait peut-être pu vexer le jeune homme et lui désigna le canapé d’un geste du bras. Amusant. La dernière personne à avoir dormi dedans était Gaël… Il n’en avait plus entendu parlé depuis un moment. Il devait certainement être bien occupé… Ou mort comme un con dans un coin de rue. Avec lui tout était possible. Tout en se dirigeant vers la petite salle de bain, Nishiki retira sa veste pour la poser sur le dossier d’une des chaises de la cuisine et alluma une des lampes histoire d’y voir clair.

- Tu veux que je fasse chauffer quelque chose à boire pendant qu’on regarde ta jambe ? J’ai du thé, du café…

Lorsqu'il lui indiqua que sa maison n'était qu'à quelques rues et lui demandait s'il allait aller, Célestin se contenta de hocher positivement la tête. Sa jambe n'avait pas grand-chose et il pouvait largement faire avec. Il se mis donc à marcher, un peu plus lentement que d'habitude, certes, pendant que Nishiki lui posait une question concernant sa blessure et Célestin n'en avait aucune idée en réalité, que des suppositions…

«  Hmm… Peut-être, quand j'ai couru ou quand je suis tombé, je ne me rappelle pas m'être fait mal…  »

A nouveau, une fois arrivé aux escaliers qui menaient à sa demeure, Nishiki lui proposa son bras pour l'aider à monter. Cet homme était d'une incroyable prévenance, il n'avait que rarement vu cela, c'était touchant comme attitude… Pour autant il pouvait monter les escaliers alors il ne s'aggripa pas à lui mais le remercia avec un sourire. Ce n'était pas sa jambe qui lui faisait particulièremeent mal en revanche c'était son souffle, il toussa un petit peu.

«  Je… Ca va aller…  »

Il n'allait pas super bien, certes, mais ce n'était pas la mort non plus. C'était habituel en ce moment. Il ne se permis d'entrer dans son appartement que quand il lui en donnait l'autorisation. Le blandinet posa son carton à l'entrée. Célestin n'était pas le genre de personne à s'imposer dans la maison des autres. Ayant peur de salir le canapé il enleva son sac et le posa sur le sol, puis son manteau qu'il plia pour le mettre sur son sac avant de timidement se poser sur le canapé. C'était vraiment plus confortable que de s'asseoir dehors, c'était certain.

Le regard  de notre jeune homme passa un peu partout pour découvrir l'endroit, il y avait quelques petites choses posées mais pas grand-chose… D'ailleurs Célestin s'étonna de ne pas voir de lumière, l'homme avait-il déjà compris ? Etait-il médecin ? Ou pas. Il alluma la lumière de la cuisine dès qu'il lui proposa de quoi boire quelque chose de chaud. Célestin était plus occupé à se cacher les yeux qu'à répondre à la question. Son corps était pris d'une réaction automatique et il s'était mis contre le canapé pour cacher les rayons lumineux, dissimulant ses yeux sur l'un de ses bras. Son autre main cherchait rapidement sa deuxième paire de lunettes dans son sac. Teintées, cette fois-ci.

Une fois celles-ci bien posées il pu à nouveau ouvrir les yeux, avec ce filtre habituel de couleurs. A présent il devait parfaitement voir sa chevelure blanche et constater que sa peau l'était tout autant.

«  Dé-désolé, je… Mes yeux ne supportent pas la lumière…  »

Célestin ne savait pas trop comment l'homme allait réagir, en général, on trouvait ça bien étrange…

Tout en commençant à arpenter son appartement, Nishiki laissait le jeune homme se mettre à son aise sur le canapé. Il ne remarqua d’ailleurs pas tout de suite sa réaction lorsqu’il alluma la lumière, s’étant presque tout de suite dirigé vers la salle de bain où il récupéra une petite trousse de soin après avoir entrouvert une fenêtre, histoire d’aérer un minimum les lieux, quand même. Ce n’est que lorsqu’il revint qu’il le vit avec ses lunettes teintées et sa peau pâle à la lumière de la lampe. Ne pas supporter la lumière ? Ah… Avait-il des problèmes avec ses yeux ? Enfin, pas que ses yeux vu la vilaine toux qu’il avait aussi et son teint… Il n’avait vraiment pas l’air en très bonne santé… Mais il n’était pas médecin et il ne pouvait pas faire grand chose d’autre que d’offrir quelques moments de calme.

- C’est moi, je ne savais pas… Je n’ai pas de lumière moins vive, je m'excuse.

En même temps, il ne pouvait pas forcément deviner. Il revint poser la petite boite dans laquelle se trouvait ses petites affaires d’urgence : un peu d’alcool, des bandages, de quoi s’occuper des petites plaies de quotidien. Il faudrait d’ailleurs qu’il penser à retourner faire le plein, ce qu’il n’avait pas fait depuis le dernier passage de Gaël… Nishiki retint un nouveau soupir. Il faudrait qu’il arrête de ramener des blessés chez lui, ça serait bien. Plus le temps passait et moins il avait l’impression de réussir à gérer les choses, à gérer sa vie. Ce n’était pourtant pas l’activité qui l’étouffait… Même si le problème venait sûrement de là, au fond. Il releva les yeux vers Célestin, s’apprêtant à lui proposer de regarder son mollet mais… Eh bien à vrai dire, vu son état, ça aurait peut-être été mieux de lui proposer autre chose avant.

- Si tu veux, je peux te prêter une serviette pour que tu puisses prendre une douche… Je te prêterais bien des vêtements mais tu risques de sérieusement nager dedans.

Un sourire amusé à sa propre plaisanterie tandis qu’il essayait de le détendre un peu. Le jeune homme nagerait effectivement dans n’importe laquelle de ses chemises, même ses plus petites… Et si le pauvre vivait dans la rue, il ne devait pas pouvoir accès à de quoi se laver bien souvent. Quitte à essayer de désinfecter sa plaie, autant lui permettre de se doucher au passage, ça serait même encore plus simple. Et puis, un peu d’eau chaude, ça faisait toujours du bien, n’est-ce pas ? Paraissait-il louche avec ses propositions ? Sans aucun doute… Et pourtant, il traitait de la même manière ses amis aussi bien que les inconnus, son ancien collègue en était une belle preuve.

Célestin ne pu s'empêcher de faire un grand nom de la tête lorsqu'il s'excusa de ne pas voir de lumière moins vive… Pourquoi s'excuser alors que ce n'était pas du tout sa faute, ce n'est pas comme s'il le savait avant et avait allumé la lumière à dessein…

«  Oh, non, ne… Ne vous excusez pas, j'ai l'habitude ce n'est rien… Tant que… J'ai mes lunettes, tout va bien…  »

La nuit excepté, le petit blandinet portait toujours ses lunettes teintées… Bien moins pratiques quand il faisait sombre et qu'il voulait y voir quelque chose… Célestin observait la boite qu'il venait de poser qui avait certainement l'air médicale, pour sa blessure à la jambe. Il s'était penché pour soulever son pantalon, enlevant sa bottine mais apparemment Nishiki avait une autre idée et lui proposait d'utiliser sa douche.

«  Pour… Pour de vrai… ?  »

Bah bien sûr, pour de vrai… Pourquoi proposer cela sinon, ce n'est qu'une question rhétorique… La surprise avait remplacé le rire mais il avait l'air plutôt content...

«  Je… Je veux bien…  »

Le petit se leva donc… Bien évidemment qu'il voulait prendre une douche et rougissait un peu… Etait-il d'ailleurs si sale pour qu'on le lui propose cela ou c'était juste par gentillesse ? La deuxième proposition lui paraissait plus logique avec ce qu'il connaissait de cet homme.

Notre serviteur se laissait donc diriger vers la douche avec une serviette. Hésitant il fini par demander à son hôte s'il avait le droit de se laver les cheveux. La réponse positive, il ferma donc la porte et alluma l'eau qui coulait dans la cabine de douche. Il posa soigneusement ses habits. Il entra avec ses lunettes dans la douche avant de les mettre sur un rebord. Il profita pendant de longues minutes de la chaleur mais aussi de pouvoir se décrasser… Quel soulagement, il n'avait pas pris de douche depuis si longtemps… D'habitude il se planquait quelque part et utilisait de l'eau d'une bouteille ou de pluie, d'une petite fontaine… Pour rester présentable surtout quand il allait prospecter pour du travail.

Il ne profita néanmoins pas plus que nécessaire, il n'avait pas l'habitude mais au moins, il avait pu se détendre. Eteignant l'eau, il remit ses lunettes et pris la serviette pour s'essuyer et se rhabiller. Il était propre et c'était une sensation plus que plaisante. L'on ne pouvait pas dire qu'il avait retrouvé des couleurs mais en revanche il semblait voir meilleur mine. Célestin se sécha vigoureusement ses cheveux blancs avant de retourner dans le salon.

«  Merci… Pour la douche… Ça fait du bien.  »

Il lui fit un sourire sincère qu'il n'avait pas eu l'occasion de lui offrir encore. Il se demandait bien comment il allait pouvoir dédommager cet homme… Faisait-il tout cela gratuitement… ?

Timidement, il retourna s'asseoir sur le canapé. Il avait un thé juste en face de lui et des petits gâteaux. Est-ce que c'était pour lui… ?

«  Euhm… Si je peux poser la question vous… Vous faites quoi dans la vie… ?  »

Il avait l'air de quelqu'un de plutôt… Aisé sans avoir la grande maison qui allait avec alors il se demandait… Et puis Célestin aimait bien faire la conversation et papoter.

La réaction du jeune amusa beaucoup le valet qui se contenta de hocher la tête pour toute affirmation. Bien sûr que c’était pour de vrai, il n’allait pas non plus lui proposer ça juste pour lui faire miroiter, quelle idée stupide. Il le laissa donc à la salle de bain après lui avoir prêter de quoi se sécher ainsi que lui avoir affirmer positivement que oui, il pouvait très bien se laver les cheveux… même si la question lui paraissait un peu étrange, ça allait plutôt de paire avec une douche, non ?

Il mit à profit le temps du jeune homme pour faire plusieurs chose. D’une, mettre de l’eau à chauffer et sortir un petit sachet de thé qu’il glissa dans une vieille théière – ancien présent d’une connaissance. De deux, pendant que l’eau était en train de monter en température, ouvrir ses fenêtre un bon coup pour se débarrasser de cette petite odeur rance. De trois, aller simplement ranger sa veste dans le grand placard de sa chambre, dans laquelle il ouvrit également la petite fenêtre donnant sur la rue. Il y jeta un rapide coup d’œil… Si une petite main était passé par là il aurait pu l’interpeller pour faire passer son message mais non, il n’y avait personne en vue.

Il en profita également pour se mettre à l’aise : enlever ses chaussures, changer de chemise foncée pour une plus confortable – entendre un peu plus ample… Même si ses habituelles l’étaient moins de base. Une fois l’eau chaude, il versa le tout dans la théière qu’il amena sur la petite table devant son canapé avec un petit paquet de gâteau qu’il avait en réserve pour les jours où il rentrait de son sport dans cet appartement là. En entendant l’eau se couper, il prit le soin de refaire le tour pour fermer toutes les fenêtres qu’il avait ouverte. Il s’occupait d’ailleurs de la dernière quand Célestin refit surface dans le salon avec un sourire auquel il répondit avec la même sincérité.

- De rien, c’est normal. Et tu as déjà meilleure mine comme ça.

Enfin pas complètement mais au moins il avait l’air un peu requinqué. Il n’eut d’ailleurs pas à l’inviter une seconde fois pour qu’il prenne place sur le canapé. Lui même se servit un grand verre d’eau avant de venir s’asseoir sur une chaise en face de lui. Il avait l’air de se détendre un peu, la preuve, il lui posait même des questions.

- Je suis majordome. Et ce n’est pas la peine de me vouvoyer, tu sais.

Même si ça faisait plusieurs mois qu’il travaillait pour Lüwen, se présenter de cette manière lui était encore un peu… étrange. Pas que le travail ne lui plaise pas, mais il avait tellement vécu au Chabanais, à se présenter jour après jour à des inconnus… Alors qu’il n’en avait pas vraiment la nécessité dans son nouveau travail… Certaines réflexes avaient la vie dure. Il lui fit un geste vers ce qu’il avait disposé sur la table avant de boire une gorgée de son propre verre.

- N’hésite pas à manger, tu dois avoir faim. Je n’ai pas grand-chose de frais, mais c’est toujours mieux que rien.

Dès qu'il lui disait qu'il avait meilleure mine, Célestin sourit. Aucune doute, Nishiki était vraiment gentil. On ne lui avait jamais dis qu'il avait ne serait-ce que bonne mine, on l'avait toujours mis au plus bas : il n'était pas assez présentable pour faire ce métier, pas assez doué, et il mettrait la honte sur son futur employeur. Pourtant il voulait encore y croire… Alors ce petit compliment lui fit chaud au au chaud et comme toute réponse il ne pouvait que s'ouvrir à cette personne. La méfiance qu'il avait pu avoir au début avait disparue.

Il osa même poser une question, ce qu'il faisait comme métier et contre toute attente voilà que Nishiki était majordome ! Wouah ! Tellement… classe ! Célestin avait des petites étoiles dans les yeux. Il remarqua d'ailleurs qu'il avait changé de chemise qu'à l'instant… Du coup contrairement à ce qu'il pensait cet homme n'était pas noble. Plein de questions lui venaient en tête, il voulait en savoir plus et il n'avait pas l'air peu porté à la discussion, ce qui était une aubaine pour quelqu'un qui aimait papoter… Il lui demandait même de le tutoyer… Célestin rougit un peu, il pouvait vraiment le tutoyer ?

Avant qu'il ne puisse répondre il l'invita à manger les petits gâteaux qui étaient disposés sur une assiette, sans doute que le thé était en effet pour lui aussi…

«  Mer.. Merci beaucoup M-… Nishiki…  »

Après un petit regard il se permit donc de prendre un gâteau. Célestin était affamé mais gardait un peu de dignité même si son ventre l'avait déjà exposé…

«  Au… Au début je pensais que vous étiez un noble ou d'une famille bourgeoise...… Euh, que tu étais, je veux dire…  » On ne change pas les habitudes de vouvoyer chaque personne qui passe. «  Euhm… Tu… Tu travailles pour qui… ? Si je peux demander… ? Tu… aimes ton travail… ?  »

Si ça se trouve Nishiki n'aimait pas son boulot, c'était toujours possible, après tout, il n'était pas sûr que son aîné l'apprécie…

Définitivement, le sourire lui allait mieux que l’air qu’il avait quand il l’avait percuté dans la rue. C’était agréable, de voir des gens sourire parce qu’on arrivait à les aider, au moins un peu. Comme quoi, il en était encore capable quand il s’en donnait la peine. Il vit d’ailleurs son regard s’éclairer quand il lui annonça ce qu’il faisait dans la vie et lui-même s’amusa de cette réaction plutôt inhabituelle. Présenté comme ça, ce n’était pourtant pas le métier le plus prestigieux du monde… Enfin, tout dépendait à qui on posait la question. Mais le moins qu’on pouvait dire c’était que Célestin avait l’air intéressé, parce qu’après un remerciement il recommença à lui demander des informations après avoir piocher dans les gâteaux. Il en prit d’ailleurs un aussi, qu’il grignota très lentement.
Il ne put s’empêcher de rire à sa première remarque d’ailleurs. Sa famille, une famille bourgeoise ? C’était loin, très loin d’être le cas et l’idée l’amusait beaucoup… Une de ses sœurs serait bien heureuse de la comparaison, cela dit. Comme quoi il suffisait de porter des vêtements un peu approprié et on se faisait facilement passer pour qui on voulait. Il lui répondit avec un sourire franc.

- Non, je ne viens pas du tout d’une famille noble. C’est même plutôt le contraire.

Serviteur de père en fils… Heureusement que les femmes étaient là pour faire des mariages heureux… Même si ses parents avaient été des gens assez intelligents pour laisser vivre leurs vies à ses sœurs, qui étaient toutes deux parties pour des raisons autre que le statut social. Par amour pour l’une, par exemple… Même si le hasard avait fait que son mari n’était pas forcément moins bien loti qu’eux.

- Et je travaille depuis peu pour un ministre. Mais j’ai longtemps été employé au Chabanais quand il était encore en activité…

Une légère ombre voila son regard un instant sans qu’il ne se départisse pour autant de son sourire. Il évitait de s’attarder sur sa fonction actuelle, Célestin semblait déjà plutôt impressionné et il impressionné n’était pas forcément son objectif. Peut-être avait-il entendu parlé du Chabanais – ça ne l’étonnerait pas, au fond.

- Et j’aime mon métier, oui. C’est parfois compliqué ou épuisant, mais toujours gratifiant. C’est quelque chose qui t’intéresse ?

Pour poser ce genre de questions… Soit il était simplement très curieux, soit il avait en effet envie de s’y mettre.

Célestin rougit un peu quand il riait en lui annonçait ne pas être noble, le contraire, apparemment. Et bien, l'on pouvait vite se tromper grâce aux apparences… Enfin il y avait aussi la prestance de l'homme en face de lui, ce charisme qu'il pouvait ressentir… Après ce n'était que son impression, il n'avait pas rencontré suffisamment de monde pour aiguiser ses sens. Après, l'on était forcément majordome dans une grande maison, un endroit avec beaucoup de serviteurs, et ce n'était pas donné à tout le monde de travailler pour quelqu'un de haut placé…

Nishiki lui annonçait qu'il travaillait pour… un ministre ! Rien que ça ! Wouah numéro deux, impressionnant d'être le majordome d'un ministre… Bon il n'allait certainement pas lui demander lequel, sinon, sans doute que Nishiki lui aurait précisé s'il voulait le dire, l'intimité, tout ça… Il avait aussi travaillé pour le Chabanais… Il n'avait entendu que quelques rumeurs là dessus, enfin, il avait lu dans un journal récupéré dans une poubelle que la tenancière était décédée…

«  Oh… Désolé… Pour le Chabanais…  » Il ne voulait pas poser des questions gênantes… «  Mais, travailler pour un ministre, wouah, c'est impressionnant ! Vous … Ah ! Tu dois être tellement… compétent… !  »

M'enfin si on parlait de la compétence de Ferdinand qui travaillait lui aussi pour le ministre de l'intérieur… Enfin pas que son frère n'était pas compétent mais Célestin pourrait clairement lui reprocher son absence de coeur. Nishiki lui avait l'air d'avoir beaucoup de coeur. Il était certain que son frère n'aurait jamais aidé quelqu'un dans sa situation.

Mince maintenant Nishiki voulait savoir s'il était intéressé par la chose… Il rougit un peu… A nouveau il ne voulit pas mentir à cet homme là, qui en plus, aimait son métier, qui faisait donc directement parti du type de gens qu'il appréciait, en plus de tous les services qu'il venait de lui rendre : aide, douche, discussion…

«  Euh, hm… Comment dire… C'est mon métier… Enfin, j'ai été élevé pour être serviteur mais il ne semble pas que j'y sois très… compétent…  »

Un léger ricanement à la fin de sa phrase. Pour autant il savait qu'on fond de lui il n'était pas si incompétent qu'il voulait bien le dire mais quand une famille vous met une idée dans la tête et que vous vous sous-estimez tout seul… Compliqué…

A nouveau, ce regard presque admirateur. Il s’y attendait un peu… Même si dans sa tête, il essayait de traiter tous ses employeurs avec le même respect et mettait tout autant d’effort dans sa travail. Même si Elena avait été particulière d’une certaine manière. Lüwen l’était aussi, en un sens différent mais tout aussi unique, quand il y réfléchissait. Il retint à rire à cette pensée. Ils étaient bien beau, ses principes… Malgré tout, on ne pouvait pas dire qu’il ne mettait pas de cœur à l’ouvrage. Du moins, il essayait autant qu’il le pouvait. La période n’était pas vraiment propice à ce qu’il se trouve compétent lui-même…

Il balaya les excuse du jeune homme sur le Chabanais d’un simple hochement de tête appréciateur. Il ne pouvait pas savoir et il n’avais pas s ‘excuser pour ça. Il n’y pouvait rien après tout… Et tout ça commençait à remonter, même si ça lui faisait toujours aussi mal de le reconnaître.

- Je ne sais pas. J’essaie juste de faire de mon mieux.

L’engouement de Célestin était presque communicatif. Il coupa un morceau de son biscuit pour le grignoter sans vraiment y prendre goût, mais quitte à ne pas manger beaucoup en quantité, autant essayer de grignoter plus souvent, ça ne pourrait pas lui faire de mal. Surtout s’il voulait essayer de ne plus faire de malaise… un seul lui avait largement suffit. Quel genre de serviteur tombe dans les pommes, franchement ? Qui a dit compétent ?

Il fut légèrement surpris quand Célestin lui annonça qu’en réalité lui aussi était du milieu. Eh bien, en voila qui expliquait des choses. Le regard de Nishiki s’adoucit légèrement quand ce dernier commença à dire qu’il ne se sentait pas très compétent. Ah… ça lui rappelait bien des souvenirs. Avec un sourire, il revint poser une main sur son bras, secouant légèrement la tête.

- Ne dis pas ça. Tout s’apprend, tu sais. Je ne pense pas que j’étais très débrouillard quand j’ai commencé.

Shiki rit un peu à nouveau. Il n’y avait pas beaucoup de famille qui se spécialisaient dans la servitude génération après générations… Il en connaissait quoi, trois ou quatre tout au plus. Il ne connaissait pas tout le monde bien sûr, mais tout de même, ça ne faisait pas beaucoup. Et beaucoup de personnes, notamment les femmes, faisaient souvent ça pour gagner leur vie, ou gagner un mari en espérant leur taper dans l’œil, pas par réellement motivation du travail.

- Tu es jeune, tu as encore le temps de trouver. On vient de se rencontrer mais tu as l’air motivé et sympathique… Les temps sont durs, j’ai aidé plusieurs amis à retrouver du travail il y a quelque mois, mais je suis sûr que tu pourras trouver.

Un sourire encourageant et il retira sa main pour boire à nouveau une gorgée d’eau. Ce n’était pas pas peu dire, qu’il avait eu du mal à trouver. En même temps il avait cherché pour pas mal de monde, ça n’aidait pas… Mais en ce moment entre le Découpeur et l’épidémie, les nobles étaient plutôt frileux d’aller recruter des inconnus et ne marchait qu’avec des recommandations. Le Chabanais serait ouvert, Shiki lui aurait bien proposé mais… Ce n’était plus le cas.

- Je peux toujours demander si jamais j’ai des amis qui pourrait prendre quelqu’un avec eux si tu veux.

Comme quoi Célestin n'était pas la seule personne humble du coin, Nishiki avait l'air de la même trempe. Il n'essayait pas de faire valoir sa position ni les compétences qu'il pouvait avoir, juste qu'il faisait de son mieux. Célestin aussi essayait de faire de son mieux malheureusement la famille ne l'aidait pas.. Enfin, cela Nishiki ne pouvait pas le savoir et il ne le saurait sans doute pas. Le blandinet n'était pas ici pour se plaindre, et puis, il n'en avait pas envie, tout ce qui comptait pour lui était de passer un agréable moment avec quelqu'un qui le traitait comme un humain…

Il prit timidement un deuxième biscuit après avoir pris une gorgée de son thé. Cela lui faisait plaisir de boire quelque chose de chaud et de grignoter quelque chose aussi. Célestin ne s'attendait pas à ce geste que peu de gens avaient eu à son égard, une main réconfortante sur son bras. Célestin n'était pas si débutant que cela mais l'intention était là… Et puis… Il n'y avait sans doute que les débutants pour douter de leur compétences.. ? Ha, s'il savait…

«  Je… Je ferai de mon mieux moi aussi.  »

Les compliments que Nishiki lui firent lui allèrent droit au coeur. Motivé et sympathique hein ? Il rougit grandement à cela, tellement.. gentil… après tout il n'en avait quasiment jamais reçu, c'était toujours plaisant… Il n'était peut-être pas beau mais la sympathie, elle, pouvait certainement atteindre les gens qui y étaient sensibles, du moins, il l'espérait.

Quand Nishiki lui annonça qu'en plus il était prêt à demander à ses amis de le prendre avec lui il devint pivoine… Mais il ne pouvait pas accepter…

«  Euh je… Je ne peux pas… Accepter une telle chose je… Je préfère… réussir à me débrouiller…  »

Et surtout ne pas décevoir la personne qui le recommanderait, sa plus grande crainte, certainement, mais oui, Célestin désirait se faire son propre nom, et ne pas compter sur les rumeurs ou la réputation. Et puis, en plus, malade, c'était compliqué de se faire engager. Il ne voulait pas mettre la réputation de Nishiki en jeu pour trouver un travail…

«  Et puis, c'est mieux que je guérisse un peu avant…  »

Le rougissement de Célestin à ses quelques compliments avait quelque chose de… mignon. Était-ce de la simple gêne ?  Pourtant, même s’il avait simplement dit ce qu’il pensait, il ne voyait pas ce qu’il pouvait y avoir d’embêtant dans ses propos… Au contraire, il trouvait les gens avec ce genre de caractère des plus sympathique. Le genre de personne avec qui il aimait travailler aussi. Et le jeune homme lui rappelait Angelo par certains côtés… avec de la timidité en moins. Difficile de faire plus timide que ce bout de garçon, en même temps, même s’il était plus qu’admirable sur tout le reste. Quelqu’un qui faisait de son mieux, lui aussi. Et aux yeux du majordome, c’était bien tout ce qui importait, au fond. Aussi hocha-t-il la tête à l’affirmation du jeune homme assis face à lui. C’était l’esprit, oui. Du moins, de son point de vue.

Il refusa cependant sa proposition de se renseigner auprès de ses connaissances. Eh bien au moins il aurait essayé, ça ne lui avait rien coûte de lui poser la question. Shiki se contenta de hausser les épaules. Il comprenait un peu la décision, il aurait sans doute eu la même à une époque de sa vie et c’était une mentalité des plus honorables. Mais depuis, il apprenait lentement qu’accepter les mains tendues ne signifiait pas forcément qu’on n’était pas capable de se débrouiller par soi-même.

- Je comprend. Mais si jamais tu changes d’avis, je ne suis pas là souvent mais n’hésite pas… Glisse un mot sous la porte.

La porte était toujours ouverte… Enfin, pas littéralement bien sûr mais l’idée était là. Même si en effet il passait peu… Mais il avait bon espoir que cela s’arrange quand il irait un peu mieux avec sa jambe et quand ses soucis personnels se calmeraient un peu plus… Il avait l’impression que ça faisait une éternité qu’il n’avait pas pu souffler calmement plus d’une matinée ou d’un après-midi d’affilé.
La remarque de célestin lui tira un nouveau sourire compatissant. Malade, hein ? Vu comment il l’avait entendu tousser, ce n’était pas très étonnant, en fin de compte. Avait-il la même saloperie que ce dont il n’avait pas arrêté d’entendre parlé à l’époque où il sortait encore ? En même temps, à vivre dans la rue, on pouvait attraper tout et n’importe quoi… Et puis il y avait toujours un taré qui courait les rues…

- Ta toux, hein ? Je ne peux pas faire grand-chose pour t’aider mais tu peux rester ici cette nuit si tu veux. Le canapé est plus confortable qu’il en a l’air et au moins il fait bon dans l’appartement.

Il essayer de dédramatiser un peu la situation à petite touche amusée ou avec quelques sourires. Il n’aurait pas été si occupé, il lui aurait bien proposer de rester quelques jours mais… il ne pouvait pas vraiment se le permettre et il n’allait pas non plus l’enfermer chez lui.

Nishiki n'insistait pas avec sa proposition. Heureusement. C'était gênant de refuser cela alors que cela aurait pu être une occasion de ne plus être à la rue. Pour autant même s'il en avait honte, ce n'était pas ce qui le dérangeait le plus, mais bien le fait de ne pas avoir de travail et donc de ne pas être reconnu, de ne pas avoir de valeur, et de n'avoir personne. Sauf peut-être cette personne en face de lui. Si gentille. Il avait presque l'impression de rêver. Il utiliserait cette invitation si jamais il était en grandes difficultés, mais pas avant. Célestin avait déjà reçu de l'argent, pris une douche, et était actuellement assis sur un canapé confortable, discutant avec un être humain. Que demander de plus ?

«  D'accord… Merci beaucoup, c'est très gentil…  »

Lorsqu'il l'interrogea si c'était bien de sa toux qu'il parlait pour le fait de « guérir », le blandinet hocha la tête. Enfin, pour guérir, il fallait d'abord voir un médecin. Pour en voir un il fallait de l'argent. Et pour avoir de l'argent, un travail. Drôle de spirale non ? Pas de travail, pas de médecin. Pas de médecin, pas de travail.

Pour autant, Célestin ne s'attendait pas à ça, il en fut si surpris qu'il faillit recracher son thé. Est-ce qu'il venait sérieusement de lui proposer un toit pour la nuit… ? Alors qu'il pensait que Nishiki ne pouvait pas être plus gentil que ce qu'il avait déjà montré…

«  Dor… Dormir ici… ? Mais… Je vais déranger… En-en plus vu que je tousse ça risque de te poser des problèmes pour dormir… Je ne voudrais pas que tu sois fatigué demain à cause de moi.. Ou pire que je te rende malade…  »

Pourtant Célestin avait plus qu'envie de passer la nuit ici, cela serait tellement confortable et lui ferait du bien, lui redonnerait un peu de courage, et il pourrait sans doute faire une nuit complète ce qui l'aiderait pour sa santé… Mais il ne voulait pas mettre Nishiki en danger.

«  Me...Mes anciens maîtres m'ont renvoyé pour que je ne les contamine pas… Je ne voudrais pas que tu…  »

Célestin s'arrêtait… Ha ce n'était pas une bonne idée d'avoir dit cela ainsi. Nishiki pourrait maintenant se douter de sa… nullité ?

Encore une fois, la réaction de Célestin à sa proposition ne se fit pas attendre. Il avait presque l’air paniqué à l’idée de le déranger ici, allant jusqu’à s’inquiéter de ses problèmes de sommeil… Il ne put retenir un sourire amusé à cette phrase, bien que légèrement teintée d’une ironie morose. Ce ne serait sûrement pas un pauvre garçon en train de tousser qui aurait le pouvoir d’empirer ses nuits. Et puis disons le clairement, ça aurait clairement embêter Shiki de le laisser à la porte pour la nuit alors qu’il avait bien assez pour l’accueillir de manière aussi temporaire et l’entendre s’inquiéter pour lui alors qu’il vivait à la rue lui fit un peu mal au cœur.

- Je n’aurais pas fait la proposition si ça me dérangeais et je t’assures que tu n’as rien à craindre pour mon sommeil. Et je ne penses pas tomber malade en une nuit, j’ai la santé solide.

La dernière phrase est sortie seule et, en réalisant ce qu’il vient de dire, il retient un léger rire. Oui bon ce n’était pas forcément très vrai, encore une fois, mais les habitudes sont restées… Il n’est jamais tombé malade bien souvent dans sa vie, comme si ses insomnies suffisaient à compenser tout le reste. Mais il ne le fait pas à moitié quand ça arrive. Mais sa santé va plutôt bien en réalité en ce moment, mis à part sa blessure à la jambe. Non, ses problèmes sont loin d’être physiques… Ils auraient sans doute étaient plus simples à arranger, sinon.

Mais Célestin insista encore… avec un précision qui lui fit légèrement froncer les sourcils. Une famille qui l’avait renvoyé parce qu’il était malade ? Il aimerait pouvoir dire que ça le surprenait mais… Ce n’était malheureusement pas la fois qu’il entendait ce genre de chose. Il soupira légèrement. Les gens pouvaient parfois se montrer cruel… Et Nishiki avait beau essayer de ne pas juger les autres, surtout des personnes qu’il pourrait potentiellement être amené à connaître au cours de sa vie, il ne pouvait pas rester simplement de marbre face à ces comportement. Il reprit cependant bien vite son sourire, lui répondant d’une voix plus douce.

- C’est gentil de t’inquiéter pour moi Célestin, mais je sais ce que je fais et ça ne me dérange vraiment pas.

Après tout, il était capable de prendre ses responsabilités tout seul comme un grand. Tomber malade juste parce qu’un invité avait dormi sur son capable lui semblait complètement hallucinant et si jamais ça devait arrivé… Eh bien il s’en préoccuperait à ce moment là. Mais ça n’arriverait pas, n’est-ce pas ?

- Tiens, donne moi ta jambe qu’on regarde un peu comment va ton mollet. Pose ton pied sur la table.

Il se décala légèrement avec sa chaise pour laisser la place au jeune homme de poser sa jambe avant d’attraper la petit trousse qu’il avait amené pour en sortir du désinfectant et des bandage. La blessure n’était pas bien sévère et la douche lui avait déjà fait du bien, en plus d’enlever la saleté incrustée tout autour de la plaie… Il guérirait assez vite. Avec des gestes empli d’attention, il vint appuyer une gaze de désinfectant autour de la plaie, essayant de ne pas lui faire trop mal.

- Tu n’es pas obligé de répondre à ma question mais… Chez qui étais-tu employé ?

Parce que oui, mine de rien… Ca le travaillait.

Bien sûr qu'en règle générale l'on ne propose pas quelque chose que l'on ne veut pas faire, et qui ne nous gêne pas, du moins, lorsqu'on est logique mais au final, excepté les gens excessivement francs, l'on accepte bien souvent des choses dérangeantes, ou l'on propose des choses qui pourraient nous déranger un peu, ou sans totalement y réfléchir. Et puis, Célestin était gêné bien sûr, jamais l'on avait eu des attentions pareilles envers lui, il était juste un énième type à la rue.

Pourtant Nishiki lui disait que cela ne le dérangeait pas, par deux fois. L'homme ne craignait pas de tomber malade, ni de ne mal en dormir. Il est vrai que la santé de notre albinos n'était pas des plus résistantes mais il n'était pas tombé malade à cause de son albinisme, cela ne le rendait pas plus fragile qu'un autre. En revanche le fait de dormir dans des endroits où cela ne se faisait pas, sans soin, n'aidait pas. Célestin remarqua d'ailleurs que le majordome fronça les sourcils lorsqu'il annonça avoir été renvoyé car malade. Il ne lui posa néanmoins aucune question pour le moment.

«  D'a...D'accord… Je vous… Je te remercie alors… Je reste avec plaisir… Cela me fera vraiment du bien…  »

Célestin ne retenait pas son sourire. C'était pour lui formidable que d'avoir un toit même l'espace d'une nuit, c'était plein d'inquiétudes en moins, du moins, de façon très temporaire mais c'était toujours salvateur.

Alors qu'il déposa sa tasse sur la table, presque vide, Nishiki lui proposa de s'occuper de sa blessure. Ha, oui, c'est qu'il l'avait presque oubliée celle-là.

«  Oh, oui, merci…  »

Célestin posa alors son pied déjà nu sur la table et se laissait faire. On avait rarement été aussi attentionné à son égard et c'était vraiment plaisant. Un peu gênant, certes, mais plaisant. Ce n'était qu'une blessure sans gravité, mais, à la rue, avec tout ce qui traîne, cela pouvait s'infecter rapidement. Il n'eut pas vraiment mal et préférait froncer les sourcils que de signifier sa douleur, car plus que supportable.

Alors qu'il ne s'attendait pas forcément à plus de question sur sa situation, Nishiki l'interrogea sur ses anciens employeurs, il désirait savoir qui l'avait renvoyé. Il se demandait pourquoi mais ne voyait pas d'inconvénient à répondre.

«  Il s'agit de la famille Brunswick… Pour… Pourquoi ?  »

Bien sûr que ça lui ferait du bien… Ce n’était pas pour rien qu’il lui proposait ça. Il se souvenait encore des premières nuits agitées de certaines des danseuses du Chabanais avec lesquelles il se trouver à discuter pendant des heures pour essayer de les calmer ou de les rassurer… Si Nishiki n’avait jamais vécu à la rue lui-même, il en avait entendu assez pour se faire une bonne idées des choses morbides qui pouvaient s’y passer, d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’une femme, malheureusement. Même si les hommes n’étaient pas forcément à meilleure enseigne la plupart du temps. La ville avait sa manière bien à elle de traiter les pauvres personnes se retrouvant à la rue…

- Tu peux dormir sur tes deux oreilles, tu ne risques rien ici.

C’était agréable de voir sourire son invité, même s’il savait que son offre n’était que temporaire. Il allait pouvoir respirer pendant quelques heures, au moins jusqu’au matin… Même s’il devrait repartir tôt, vu les horaires de son employeur. Il pensait à tout ça en commençant à soigner la blessure du jeune homme, tout en lui demandant quelle famille avait bien pu le mettre à l’a porte à cause de sa maladie. Il était toujours bon de savoir qui ne pas fréquenter et où ne pas envoyer les amis si nécessaire après tout. Mais dans tout ce qui avait pu lui passer par la tête, le nom que lui annonça le jeune homme aurait bien été le dernier auquel il s’attendait.

Surpris, il stoppa son geste alors qu’il était en train de passer une bande autour du mollet du jeune homme pour le regarder avec une expression… presque choquée. Décidément, le monde était bien petit… Et les Brunswick n’était clairement pas la famille la plus accueillante dont il ait pu entendre parler. Enfin, il connaissait surtout le fils, mais du peu qu’il avait pu entendre… La pomme n’était pas tombée très loin du pommier. Il secoua la tête avec un soupir qu’il ne chercha pas à masquer avant de se concentrer à nouveau sur ce qu’il était en train de faire et le terminer de quelques gestes précis.

- Pas vraiment une famille où j’enverrais une personne sympathique comme toi… Je connais plutôt bien leur fils, Boris. Un homme ni de bon goût, ni de bonnes manières, si tu veux mon avis. Et plutôt du genre à causer des soucis.

Enfin, le jeune homme s’en fichait peut-être, de son avis. Mais Nishiki trouvait ça encore plus injuste de finir à la rue à cause de ce genre de personne. Il n’avait eu que peu de personne aux Chabanais qui avaient causé des ennuis récurrent, mais Boris faisait partis de ceux-là et le valet ne pouvait s’empêcher d’avoir une certaine rancœurs envers touts les attitudes qu’il avait pu avoir auprès de ses protégés, même s’il l’avait tu et continuer à la taire de manière générale. Mais son animosité se ressentait légèrement dans sa voix, un peu plus sèche.

- Tu trouveras bien mieux qu’eux, crois-moi.

Ce qui ne serait pas une affaire bien compliquée. Il se redressa un peu sur sa chaise, se frottant la cuisse par réflexe à l’endroit où il avait cogné Célestin un peu plus tôt. La peau le tirait encore un peu mais ça finirait par passer dans la nuit. Il finit son verre d’eau d’une traite et laissa sur la table la moitié du gâteau qu’il n’avait pas mangé avant de se lever pour aller ouvrir un placard et en sortir une couverture qu’il déposa sur le canapé à côté de Célestin. Avec ça, il devrait être tranquille.

En effet Célestin se sentait bien ici. Enfin, en sécurité, avec cet homme qui veillait sur lui. Parce que c'était clairement ce qu'il était en train de faire. Il ne le connaissait pas et il prenait soin de lui comme s'il était un membre de la famille ou un ami. Et c'était vraiment touchant. Célestin aurait certainement fait de même s'il était dans la situation inverse mais il s'en étonnait quand même, parce qu'il savait bien que ce n'était pas une attitude...habituelle…

Célestin retrouvait vite le sourire quand on lui parlait, ce n'était pas une facade, il préférait avoir des gens avec qui discuter et être à la rue que l'inverse. Sa situation était déplaisante mais plus plaisante que lorsqu'il était chez les Brunswick ou encore chez les Vaneghen. Il ne pouvait décemment pas appeler cet endroit chez lui, juste un endroit de transition…

Lorsqu'il avoua avoir travaillé chez les dit Brunswick Nishiki s'arrêta dans ses soins. Avait-il dit quelque chose qui n'allait pas ? Connaissait-il cette famille ? Avait-il été employé là-bas ? Célestin n'eut pas besoin de demander plus de précisions le majordome lui en donna directement. Il connaissait la famille et apparemment leur fils, Boris. Ha il ne pouvait que confirmer. Pas très aimable le fils de la famille. Très hautain, il l'avait toujours regardé de haut et ne lui avait pas vraiment adressé la parole excepté pour quelques ordres. Pour autant cela avait l'air assez personnel…

«  Oh tu sais je ne faisais que le linge là-bas, mais… Oui, ils étaient plutôt.. Et bien, disons qu'ils se voyaient très haut, et nous très bas, et leur fils était pareil, si ce n'était pire.  »

Il y avait la façon de regarder quelqu'un de haut, à croire simplement que l'on est supérieur par la naissance ou l'argent et la façon de parler ou de dénigrer rien qu'au regard. Il y avait la pitié qu'on lui accordait. Quelle chance que la famille t'aies accordé un travail était une phrase qu'il avait entendu une fois.

«  Et je pense que la prochaine fois si… l'employeur me paraît… mesquin… Je n'accepterai pas le travail… Je préfère être à la rue qu'avec des gens qui ne m'aiment pas dès le premier regard…  »

Pour autant Nishiki n'avait l'air d'avoir aucune considération sur son physique… Finissant son thé, Célestin prit la couverture contre lui.

«  Merci pour la couverture et… tout le reste…  » Un autre sourire «  Mais… Je me demande… Je… Mon aspect n'a pas l'air de te… déranger… Pourquoi ?  »

Aller jusqu'à en trouver bizarre… Ha ce petit n'avait pas vraiment eu des compliments sur son physique on pouvait le dire…