Le sexe c'est bien mais le poker ça dure plus longtemps. [NICKOLAS]

Jeudi soir. Jeudi Poker.
C'était presque comme un rendez-vous hebdomadaire. Gaël quittait la Ville Haute pour se rendre dans le centre de Draümstadt. Il aimait jouer et il ne se faisait pas prier pour le faire. L'air du soir était assez frais. Une main dans une poche, l'autre à ses lèvres tenant une cigarette bientôt terminée, il voyait déjà la devanture du bar dans lequel il allait passer sa nuit - au du moins une bonne partie de sa nuit. Arrivé devant il jeta sa clope au sol, l'écrasant de sa chaussure pour l'éteindre et il pénétra dans le bar. Il quittait l'odeur fraîche et plus au moins pure de la nuit pour celles abjects mais tellement familières de ce bar : alcools, cigarettes, parfois sexe lorsqu'on se rapprochait des toilettes. En apparence un bar tout à fait miteux.
Sauf si vous vous appelez Gaël Emery.

« Hey Gaël, ils t'attendaient plus. » C'est vrai qu'il était un peu en retard mais pas plus d'une dizaine de minutes. Son statu de valet de l'héritier lui faisait parfois faire des heures supplémentaires. Après tout, Lukàs était son ami avant d'être son employeur alors Gaël se permettait de rester auprès de lui plus longtemps que nécessaire. Il tourna sa tête vers le barman en haussant les épaules, souriant assez négligemment. « Je suis là maintenant, sers moi un whisky. » Il n'eut pas le temps de terminer sa commande que le barman avait déjà prit les devants. Un verre dans une main, une très bonne bouteille dans l'autre, il souriait à Gaël. « Avec deux glaçons, je sais. » Être un habitué avait des avantages.

Une fois sa commande récupérée, il ne comptait pas rester dans la pièce principale. Non, la véritable soirée ce passait dans le sous-sol et d'ailleurs il y alla. Ce n'était pas bien grand et pas bien éclairé non plus. Une ampoule pendait au plafond, sans lustre. Elle illuminait simplement la grande table ronde au centre de la pièce. Une table de poker. Autour de celle-ci ce trouvait trois personnes. Généralement les mêmes, à une exception. Il y avait le Sans-Visage. C'était un surnom, car ce n'était jamais la même personne. Toujours un nouveau visage, un nouveau nom alors les trois autres participants plus réguliers n'allaient pas se casser les fesses à retenir toutes les semaines un nom différent. Mais bon, cela faisait maintenant trois semaines que le Sans-Visage revenait, donc peut-être que d'ici un ou deux mois, Gaël prendrait l'initiative de lui demander son prénom. Ensuite il y avait Jacky, enfin Jack mais lui-même préférait ce surnom que Gaël trouvait débile. Jacky était un grand gaillard assez costaud avec un bandeau sur un œil. Gaël ne savait pas s'il était aveugle de cet œil là mais il soupçonnait une simple mascarade pour se donner un genre de mauvais gout pour les parties de poker clandestines. Il jouait ici depuis un an, autant dire un régulier.

Et puis il y avait Nickolas, le dernier des hommes présents à table - qui reçu d'ailleurs un petit sourire de la part de Gaël. Le Serkens et lui jouaient ensemble depuis trois ans maintenant, autant dire qu'ils commençaient à bien se connaître à ce voir au minimum une fois par semaine lorsqu'ils ne faisaient pas d'autres rencontres ailleurs. Gaël s'approcha d'eux, s'installant à sa place. « Désolé de mon retard. » Le sans-visage croisa les bras mais n'osait rien car faire des reproches à Gaël lui aurait certainement valu de ce faire renvoyer de la table. Jacky était un peu un je-m'en-foutiste alors lui non plus ne fit pas de remarque à Gaël pour son retard et il se contenta de lever la main et de claquer des doigts pour avertir le croupier qui était resté dans l'ombre de s'approcher. Gaël se tourna vers son ami Nickolas, remarquant sa posture voûtée. « Tu t'essais à un nouveau genre ? » C'était un peu moqueur et avait pour but de faire maugréer son partenaire de jeu.

Klaas s’agitait sur sa chaise en bois miteux – aussi confortable qu’une putain de vierge de fer si on lui posait la question – bien incapable de rester en place plus de deux minutes sans émettre un grognement d’outre-tombe. Il avait beau avoir s’être enfilé quantité de petite pilule dans le gosier, son épaule lui faisait un mal de chien. Chose qu’il faisait évidemment partagé à n’importe qui se trouvant à moins de cinq mètre de lui par force grommellement et d’insulte sifflées entre les dents avec véhémence.
Bien sûr, il aurait aussi pu porter l’écharpe que lui avait filé le connard de médecin de la caserne. Ça aurait pu aider. Mais bordel de saltz, qui a déjà fait une partie de poker avec une putain d’écharpe au bras ? Déjà qu’il allait devoir mettre sa main gauche à contribution, l’idée était déjà bien assez pénible.

Le gars en face de lui répondit à ses mille et unième grognements par le sien, sans doute fatigué et énervé. Faut dire que la patience, c’est pas ce qui allait étouffer les gens qui étaient présent dans la pièce. Plutôt con pour du poker, étrangement. Mais entre  Nickolas qui était une cocotte-minute vivante avec la gestion de sa douleur, Qu’Un Œil – le gars qu’il venait de grogner et dont il oubliait le nom à chaque fois – qui détestait attendre… Le pauvre gars qui restait – truc de son surnom bouseux, puisqu’il ne resterait sans doute pas avec son cul parmi les leurs bien longtemps – commençait lui aussi à se tortiller.
Franchement c’était à se fendre la putain de poire, ce spectacle.

Sauf qu’enfin, ENFIN, le retardataire finit par pointer le bout de son sale museau. Truc poussa un soupir qui se voulait discret mais aurait pu s’entendre jusqu’à l’autre bout de la conasse de ville et il croisa les bras pour essayer de se donner un genre. Foireux, mais qui s’en foutait, au fond. Gaël descendit les marches de la petite salle d’un pas absolument pas pressé. Klaas voulut faire une remarque : il fallait avouer qu’il était sans doute le seul à ne rien avoir à carrer du statut du joueur et ce depuis le début. Sauf que le domestique lui parla en premier, le faisant grincer des dents. Il se contenta d’un regard noir – quoi que légèrement brumeux par rapport à d’habitude –  et d’un simple « Va te faire foutre, Gaël » en guise de réponse et de bienvenue.

Le flic se redressa cependant légèrement – autant qu’il le pouvait en réalité – tandis que le croupier commencé à mettre en place le jeu. D’un geste empli de la souplesse légendaire d’une poutrelle au fond d’un cul, il s’enfila la moitié de son verre. Il se demandait encore pourquoi il avait bougé son fessier ce soir plutôt que de rester cloîtrer dans son antre. Et en même temps, gueuler sur des gens lui faisait du bien, d’un certain côté, même si ça avait beau être autour d’une partie tout à fait illégale – que voulez-vous, il n’avait jamais était bon en apprentissage de leçon. Pas que pour ça d’ailleurs.

« Qu’est-ce qui t’as retenu cette fois ? Encore à aller pêcher ton patron dans les poubelles ? » Railla-t-il de sa voix grave, éraillée.

Vanne pour vanne. Échange de bons procédés, égalité balle au centre. Comme les cartes d’ailleurs. Comme les autres, Nickolas aligna son fric sur le fric. Du moins, celui qu’il avait prévu pour la soirée. Il avait beau avoir un côté con, il savait très bien qu’il jouerait plus. Encore.

Bonjour à toi aussi, Nickolas. C'était dans sa tête. En réponse au « Va te faire foutre » que Gaël prenait comme une salutation de la part du flic. Après tout certains avait des manières, même si elles étaient différentes. En tout cas cela fit sourire Gaël qui s'installa plus confortablement sur sa chaise - qui elle n'était pas confortable. Il regarda un instant Nickolas, ou plutôt son épaule. Ha oui, le Tag Der Toten. Il avait entendu dire que le Sarkens avait été blessé pendant l'émeute qui avait eu lieu après la découverte des corps sans têtes. Gaël se doutait bien que cette tête de con qu'était Nickolas n'avait certainement pas voulu mettre d'atèle pour soigner son bras. Et bien tant pis pour lui, un peu de souffrance de ferait pas ne mal à ce râleur invétéré. Et puis s'il était ici c'était que la douleur n'était pas si terrible, hm ? « Certaines personnes ont des choses à faire, et elles le font bien. »
Et toi, tu en es ou de ton arrestation du Découpeur ? Vanne pour vanne, n'est ce pas ?

Suivant les mouvements des autres, Gaël misa également. Sans grande surprise il était le plus aisé ici. Merci Lukàs, smack smack. Cependant il ne posa pas tout son petit pactole, préférant en garder pour les prochaines parties. Les cartes furent donc distribuées. Pas de chance pour cette fois, que des mauvaises. Mais bon Gaël était un excellent tricheur et il savait très bien feinter. Avec le temps Nickolas avait certainement l'habitude des astuces du valet, mais cela importé peu à Gaël. Il ne jouait pas pour plumer le flic, mais pour plumer les autres ça c'était une autre histoire...
Donc il remisa. Pas très gros mais pas très fin non plus. Assez pour que le Sans-Visage soupire et jette ses cartes montrant qu'il se couchait. « Comment vas-tu, Nickolas ? » Gaël regardait ses cartes voulant se montrer désintéressé de sa question. Cependant c'était la première fois qu'il revoyait le Sarkens depuis les événements du Tag Der Toten. Gaël avait beau parfois être égoïste il avait quand même remarqué que Nickolas avait du prendre cher et bien douiller. C'était quand même son ami, d'une certain manière du moins, alors il était naturel pour lui que de s'assurer qu'au delà des éternels râles du flic, celui-ci se portait bien.

Spoiler:

Le premier tour de table fut rapide. Au fond, chaque troufion avait pris ses petites habitudes dans ce groupe depuis le temps qu’ils se coltinaient ces soirées tous ensemble. Sauf pour Truc évidemment. D’ailleurs, il fut le premier à se coucher en soupirant. Comme à l’habitué, ce trou du cul d’un Œil suivi – c’était son kiff de pousser les joueurs à enchérir dès les premières minutes, allez savoir pourquoi. Nickolas jeta également un billet sur la table d’un air détaché avant de s’enfiler une longue gorgée de son verre de Brandy, déjà à moitié vide. La question de Gaël lui tira une grimace et un grognement avant qu’il ne lui lance un regard stoïques, le visage vide et l’air de clairement se demander si le valet ne le prenait pas pour un gros con.

« Comme si je m’étais fait piétiner par un putain de troupeau de pachydermes. » Grogna-t-il en retenant difficilement un haussement d’épaule instinctif. « Foule de mon cul. Caïn peut se foutre sa prochaine mission de surveillance bien profond. »

Cela dit, c’était quand même un mal pour un bien. Il s’était littéralement fait piétiner comme un con, certes, mais il comptait bien profiter de toute cette foutue agitation et de la confusion qui allait avec. S’éloigner de cette putain de caserne était toujours un luxe, mais cette fois, il avait sagement calculé son coup pour n’avoir personne dans les pattes. S’en être pris plein la gueule n’avait fait que lui donner un prétexte encore plus valable que ses petites comédies.

« Ton maître et toi vous en êtes bien sorti de ce que je sais. Plutôt chanceux. C’est pas l’animation qui doit manquer chez vous quand je vois déjà le merdier à la caserne. »

Il n’aimait pas Lukàs, cela se sentait dans la manière dont il en parlait. Pour plein de raisons. Déjà parce que c’était l’héritier, l’autre greluche était au même niveau, peu importe les sourires et les bijoux. Tous les mêmes. Et puis, depuis qu’il avait foutu ses chausses dans son vieux bureau pour venir lui refourguer le sale travail, la hargne était devenue personnelle. Et Klaas avait la rancune aussi tenace qu’un vieux chewing-gum desséché collé sous un bureau.
Le serken se coucha au deuxième tour de table et déposa ses cartes sur la table – pas la peine de forcer la chance, surtout avec un jeu misérable – s’affalant encore un peu plus sur sa chaise si c’était possible avec un soupir nerveux. Il finirait plumer bien assez tôt.

Spoiler:

La délicatesse de Nickolas était toujours plaisante à entendre - bien sur c'était totalement ironique. Mais Gaël aimait le franc parlé du Sarken qui contrasté totalement avec les politesses à outrances de la Ville Haute. Pour toute réponse Gaël offrit un haussant d'épaule, avant de lancer à son tour un billet sur la table pour continuer le tour. Il avait des cartes moyennes mais il savait qu'il allait gagner cette manche. Rien de bien palpitant pour l'instant cependant à son désespoir, car il aimait les jeux avec plus de difficulté, ou il pouvait perdre à tout instant. Mais la soirée était loin d'être terminée. « Je suppose qu'avec ta blessure il te lâchera un peu la grappe. » Gaël ne connaissait pas Caïn personnellement, mais Nickolas lui avait déjà parlé de lui parfois, alors il s'imaginait assez bien le personnage.

Et puis comme il s'y attendait, Nickolas parla de Lukàs et de la Ville Haute. Gaël avait du mal à comprendre la haine profonde que le Sarken avait pour les nobles, bien que lui-même ne les appréciait pas. Il soupira alors puis se mit à sourire en posant ses cartes, montrant à l’attablée qu'il venait de gagner avec seulement une petite paire. Il ramassa son pactole avec un petit air satisfait. « Oui, mais rien ne peut arriver à Lukàs tant que je suis là. » Histoire de rappeler qu'il était un excellent valet et garde du corps. « Mais oui comme tu t'en doutes, c'est le merdier aussi chez les nobles. Avec la mort du De Clèves, ils ont tous peur d'être les prochains. »

Le croupier distribua de nouvelles cartes dont Gaël prit connaissance, sans rien laissez paraître. De la pure merde. Mais bon, il comptait essayer de rafler la mise avec ça. En tout cas Sans-Visage ne parlait pas, restant silencieux et totalement désintéressé de notre conversation. Il voulait tenter de gagner - ou du moins de ne pas perdre trop d'argent, mais dans son regard cela se voyait déjà qu'il attendait le moment ou la partie allait se finir. Ha, sans doute que Sans-Visage n'allait pas revenir de si tôt. Et Jacky lui, et bien il râlait dans sa barbe car clairement il n'en avait rien à foutre des histoires des meurtres. Il avait bien assez de soucis à s'occuper de sa connasse de bonne femme qui passait son temps à lui gueuler dessus parce que soit disant il était un trop gros joueur.

Gaël déposa un billet sur la table, misant donc et continuant la partie pourtant mal engagée pour lui, et les deux autres firent de même. « Mais tu penses bien que ça ne va pas arrêter les bourgeois pour autant. Il y a d'ailleurs une réception dans quelques jours. Ils seront beaux avec leurs jambes plâtrées et leurs bandages. » Un petit sourire narquois avait fait son apparition sur le visage de Gaël. Même dans de tristes circonstances, ces imbéciles de nobles prenaient un plaisir à donner des galas et des bals, histoire de voir qui avait le plus morfler durant l'émeute, et de propager des potins.

« Ouais, j’suis sûr que Gédéon aussi se disait qu’il pouvait rien lui arriver. A leur place, je ferais aussi dans mon froc, avec la milice qu’à l’air de se les toucher grave sur l’affaire. »

L’ironie de sa remarque fut appuyée par un rictus en coin. Par qu’il souhaitait non plus la mort de Lukàs ou de Gaël, il n’était pas un connard à ce point-là (même si beaucoup dirait le contraire avec plaisir) mais vu que personne n’avait vraiment l’air d’être épargné, il était justifié de se demander quel putain de cadavre on allait encore découvrir au petit matin. De quoi ouvrir une bonne petite roulette illégale : allez-y faites vos jeux ! Une tête en moins du fric en plus, faites vos jeux. Pas que lui-même fasse plus son taf. Mais merde, bosser illégalement et protéger son cul, ça demande un peu plus de préparation pour pas se faire prendre la bite dans le trou.

Le serken prit son nouveau jeu et posa sa mise avant de galérer comme un con à se sortir une clope de sa poche. Putain de merde. En face de lui, qu’Un Œil commençait à gueuler dans sa barbe. Il se tût au regard de haine profonde de flic. Sans parler de son statut, il avait une assez mauvaise réputation pour qu’on n’ait pas envie de le foutre en rogne plus que nécessaire. Et depuis le temps, le mec connaissait la rengaine : s’il se faisait chier, il dégageait et n’emmerdait pas les autres. Et Nickolas n’avait clairement pas envie d’entre des conneries d’histoire de mégères hurlantes. Il avait qu’à la tuer un bon coup : au moins elle emmerderait moins son monde.
Il eut un gloussement rauque qui pouvait s’apparenter à un rire à la remarque de Gaël. Ouais, il imaginé bien toute la bande d’empotés emplâtré jusqu’aux cous essayer d’aller jouer les ballerines pour attirer la compassion. Quelles bandes de crétin franchement.

« Le carnaval des monstres. » Il suivit la mise sans se poser de questions. « Le jour où ce tueur en aura marre et voudra se faire un feu de joie, faudra pas se demander où va être balancé le briquet. »

Le risque était presque impossible pour l’instant, pas vu les schémas d’actions du tueur. Mais les choses étaient trop récentes pour vraiment savoir si elles allaient évoluer et vers quelle putain d’horreur. Pessimiste, le serken était certain que les cadavres ambulants n’étaient que le début de toute cette mascarade et ne pouvait s’empêcher de redouter la suite, d’une manière ou d’une autre.
Nouveau tour de table, personne ne se coucha. Il suivit encore une fois avec un beau bifton avant de trouver son briquet et de s’allumer son bâtonnet tabac vite fait qu’il coinça entre ses lèvres pour ne plus avoir à y toucher. Il se réajuste encore un fois sur sa chaise à grand renfort d’insultes marmonnées de manière intelligibles.

« Mais qu’ils aillent tous se faire foutre, ils me pourrissent déjà bien assez la vie. » Lança-t-il en tirant un grand coup sur sa clope. Le tabac dans son système lui fit autant de bien qu’une bonne pipe. « Tiens, parait qui y’a un casino qu’à ouvert quelque part dans les égouts. C’est un mec des Mines qui m’a refilé le tuyau l’autre jour, t’en as entendu parler ? »

Sous-entendu, ça te dirait qu’on y fasse une putain de visite. Une putain de mauvaise idée bien sûr, il savait que s’il foutait les pieds dans un endroit pareil, ça se terminerait mal pour sa pomme – et ses économies. Mais bordel de merde fallait bien trouver à s’amuser en ce moment.

Le carnaval des monstres, cela fit rire Gaël parce que oui le bal serait certainement un peu de ce genre là. D'habitude les nobles étaient tous très bien habillés, parfaitement présentables. Et bien là, ils auraient tous des dégaines de survivants avec des mines inquiètes, même ceux n'ayant pas été blessé, juste pour se faire plaindre. Cependant ils seront quand même très bien vêtus et maquillés hein, faut pas déconner avec les apparences. Des meurtres d'accord, mais les bonnes présentations avant tout. Haaa l'hypocrisie de la Ville Haute... « D'ailleurs vous en savez un peu sur ce Découpeur ? » Si Gaël pouvait récolter quelques informations pour Lukàs, autant essayer. Mais bon, il se doutait bien que c'était une affaire assez compliquée alors les autorités avaient sans-doute du mal à trouver quelques indices sur ce tueur.

« Bon ça va, on vous dérange pas ? Gnnnnngngngn... » Il leva les yeux vers Jacky qui venait de râler car la partie n'allait pas suffisamment vite à ses yeux. Mais fallait le comprendre le pauvre, sa râleuse de femme l'attendait à la maison et s'il rentrait trop tard ils iraient encore faire une saloperie de thérapie conjugal. Gaël avait donc été coupé car il allait répondre à Nickolas qu'il avait vaguement entendu parlé d'un casino oui, et que justement il aurait aimé s'y rendre. Les jeux d'argent, quoi de plus excitant ? Et sans prendre la peine de répondre à Jacky, il s'adressa donc au flic. « Oui j'en ai entendu parlé il y a quelques temps. Il faudrait qu'on aille voir si cet endroit en vaut la peine. » C'était un casino alors bien sur que l'endroit valait la peine de se déplacer. Et puis mine de rien l’ego de Gaël venait d'être flatté car le sarken lui proposait indirectement de l'accompagner la-bas, ce qui prouvé et confirmé que Gaël était un excellent joueur. Il sirota un peu son whisky avant de remiser une nouvelle fois. La partie allait continuer, même si ses cartes étaient vraiment merdiques.

Sans-visage se coucha d'un air las.
Jacky eut un petit sourire tout en remisant.

Ha, et bien Gaël se couchera donc car Jacky était un "blaireau". Le genre de type incapable de cacher ses émotions et au vu de son sourire il devait avoir de bonnes cartes alors aucunes chances pour Gaël de remporter cette partie là. Et Nickolas aussi se coucha d'ailleurs car lui aussi connaissait bien la manière de jouer de Jacky. Bon ce n'était pas vraiment très intéressant de jouer contre lui mais au moins ça faisait de l'argent facile. « Au faite Nick, comment c'est passé ton entretien avec Lukàs ? Je sais que ça remonte, mais je n'ai eu que les retours de Lukàs. » C'était d'ailleurs lui qui les avait plus au moins mis en relation. En tout cas il avait parlé à Lukàs du sarken. Et d'après Lukàs... oh et bien, certaines personnes ne sont pas faites pour se balader ensemble mains dans la mains sur une plage, si vous voyez le genre.

« Oh, ta gueule. » Lâcha le flic dans une honnêteté et agressivité naturelle face à la grogne de qu’Un Œil. Ce dernier se renfrogna visiblement, se mettant à marmonner encore plus d’insanité dans sa veille barbe.

Cela dit, le reste du tour de table se fit assez rapidement, tout comme la distribution des nouvelles cartes. Le croupier non plus n’avait pas l’air super à l’aise avec ces discussions. Pourtant, quoi de plus beau que de parler de cadavres en plein diner ? Ces mecs n’avaient aucuns gouts. Sans surprise, Gaël lui répondit qu’il avait entendu parler de ce fameux casino souterrain. Quoi de plus étonnant de toute façon, on trouvait n’importe quoi dans le trou à rats qu’étaient ces putain de sous-sol, à se demander si la portes des enfers avait pas oublié de se refermer au dernier passage. C’était sans aucun doute le pire endroit où retrouver tous les connards oubliés de l’humanité, mais après tout, ça faisait partie du jeu, non ? Le serken hocha la tête à la proposition du valet.

« Ouais. Faut q’je creuse, il parait qu’il bouge régulièrement. Tu me diras s jamais t’as des tuyaux. »

Il recracha sa fumée tout en se couchant : vu la tête du gars en face de lui, valait mieux pas la jouer serré sur ce coup-là. Evidemment, tout le monde fit pareil. C’est le problème quand on est trop con pour savoir mentir. Pas étonnant qu’il ait des conneries avec sa gonzesse quand on est pas foutu de garder sa langue – ou le reste de son putain de visage. Klaas était sûr que même son œil manquant l’aurait vendu. Il remporta donc la manche, avec la plus faible mise de la soirée. Bien fait pour sa gueule.

Alors que les gardes étaient distribuées à nouveau, le flic grinça à la phrase de Gaël, autant sur le surnom qu’il détestait particulièrement sur le sujet. Ok ce qui se disait ici n’en ressortait en général jamais, mais il avait quand même ses limites quant à parler de ce genre de sujet n’importe où. Les oreilles traînaient toujours quand on s’y attendait le moins. Sans prendre la peine de répondre, Nickolas poussa donc la totalité de son fric sur la table.

« Tu voulais que la partie se termine ? Parfait. Tapis. »

Il fixa qu’Un Œil face à lui qui se tortillait sur sa chaise. Touché. Il avait visiblement un jeu de merde. Lui-même avait-il un bon jeu ? Tout était possible quand on parlait du serken et il aurait bien été capable de tout balancé sur sa pire des mains dans un immonde coup de bluff. La partie se jouerait sans doute avec le valet vu la réticence avec laquelle les deux autres suivirent.
La révélation des cartes ne laissa pourtant aucun suspens.

Sans prendre la peine de s’attarder, Le flic se releva nonchalamment en attrapant son manteau en jetant sa clope dans un vieux cendrier troué dans un coin de la pièce avant de foutre le camp d’ici, faisant signe à Gaël de le suivre. Il remonta dans le bar en enfilant son manteau d’une manière risiblement ridicule avant d’amener ses godasses dans la froideur de la rue. Il s’appuya le dos contre un mur en se frottant son épaule douloureuse. La douleur était la pire des salopes.

« T’en pense quoi, de toute cette merde ? » Questionna-t-il le valet quand ce dernier le rejoint dehors. Il ne prit pas la peine de préciser de quoi il voulait parler.

En avait-il vraiment quelque chose à foutre de son avis ? Oui et non. On apprenait souvent des choses là où on s’y attendait le moins, finalement. A part le bruit à l’intérieur, pas une putain d’âme ne traînait dans le coin. Pas étonnant quand on tenait à minimum à sa survie et il en profita pour fouiller un instant dans ses poches avant d’en sortir une petite boite qu’il ouvrit pour en sortir deux pilules qu’il avala d’une traite. Que le connard de dieu qui avait tout créer bénisse les hommes qui avaient inventé ce truc.

Spoiler:

La partie touchait à sa fin même si la soirée elle, était loin d'être terminée. Les deux autres s'étaient couchés. Sans-Visage en soupirant car cela faisait déjà quelques minutes qu'il ne s’intéressait plus à ce qu'il se passait autour de lui. Et Jacky avait perdu son sourire narquois en voyant que le sarken et Gaël suivaient la mise. « Putain fait chier ! » Il lâcha ses cartes sur la table, presque à les envoyer valser, et il se mit à croiser les bras sur sa chaise en râlant dans sa barbe, boudant comme un mioche de six ans à qui on refusait quelques bon-becs.

La fin de la partie se jouerait entre lui et le flic. Bon n'allons pas nous mentir, la main de Gaël était horrible et il n'avait aucune chance de remporter la manche. Il pourrait cependant facilement user de stratagème pour changer de cartes discrètement et changer la donne mais à quoi bon ? C'était Nickolas en face de lui, pas l'un des pigeons qu'il aimait plumer. Il n'aurait eu aucune fierté à tricher pour remporter cette partie là, alors c'est naturellement qu'il suivit. « Tapis. » Et c'était donc sans surprise que Nickolas ramassa la mise. Au moins Gaël pensait que ça lui donnerait un peu de réconfort de gagner, vu l'état de son épaule. Bon samaritain ce Gaël.

Gaël se redressa sur sa chaise, histoire de s'étirer avant de se lever tout comme le sarken, prenant soin de prendre son verre qu'il n'avait pas terminer. Il n'allait pas abandonner son whisky quand même, même si celui-ci n'était pas bon, Gaël avait certaines valeurs. Ils remontèrent ensemble les escaliers qui les firent quitter le sous-sol, changeant petit à petit d'une ambiance relativement calme et tendu qu'était les parties de Poker à une atmosphère plus vivante ou les clients étaient déjà pour la moitié saouls comme cochons et n'hésitaient pas à crier et à peloter quelques femmes qui ne disaient pas non à un peu de tendresse.

Une fois dehors il soupira, venant s'adosser au mur du bar auprès du flic tout en sortant son paquet de clopes de sa poche et de le porter à sa bouche pour en prendre une directement avec ses dents. « Qu'est-ce que tu veux que j'en pense ? C'est comme tu l'dis, un gros merdier. » Il alluma sa clope et tira une grosse latte qu'il garda en lui pendant quelques secondes avant de laisser sortir la fumée et de reprendre. « Je t'avoue que si ce tueur s'occupait que des mineurs je m'en foutrais un peu. Je veux dire, c'est triste, mais çe ne m’atteins pas vraiment. » Il n'allait pas non plus mentir pour se donner bonne conscience. Gaël s'en foutait des miséreux. Il avait tout de même un cœur, il trouvait ça moche hein mais du moment que lui était à l'abri, ainsi que ses proches et bien il n'allait pas s'en faire plus que ça. « Mais si ça commence à toucher ceux de la Ville-Haute, je peux t'assurer que ton merdier va s'étendre. » Parce que soyons réaliste, des mineurs qui disparaissent tout le monde s'en fou, sauf les miniers eux-mêmes. Mais commencez à piocher dans la noblesse pour les décapiter, et bien le serken pouvait être assuré qu'il aurait des bourges effrayés tous les jours dans son bureau.

Nickolas ferma les yeux et laissa sa tête reposée en arrière contre le mur dans un bruit sourd qui se résonna dans la ruelle déserte, invoquant tous les enfers pour que ses putains de cachets fassent effet rapidement. Si l’alcool pouvait lui donner un coup de pouce aussi, il ne dirait certainement pas non. En vérité, n’importe quel pignouf  se serait pointé avec n’importe quoi qu’il aurait sans doute dis oui sans chercher à savoir quelle merde on lui refourguait. Rien ne vous tue plus efficacement qu’une douleur constante. Et c’était loin de lui rappeler les putains de meilleurs souvenirs de sa vie.

L’odeur de la clope de Gaël lui fit rouvrir les yeux. Il fixa un instant un des halos lumineux, la vision légèrement floue. Merde. Il avait envie d’une clope maintenant. Mais le moindre mouvement lui faisait un mal de vieux chien arthritique. Dilemme. Mais entre en chier sa race, et en chier sa race avec du tabac… Autant avoir un minimum de plaisir. Il grogna en essayant d’attraper ses affaires dans sa poche – au moins ça lui refaisait les saloperies années de rééducation de sa main gauche qu’il n’avait jamais pris la peine de faire – et s’attrapa une clope qu’il alluma avec difficulté, la main tremblante, manquant de faire tomber le briquet en amadou qu’il gardait précieusement toujours avec lui.

« Mon merdier… » Il ne put retenir un rire rauque et ironique à la manière dont Gaël présentait les choses. Ouais, tout le monde semblait vouloir se démerder pour qu’en effet ça ne devienne son putain de merdier, rien qu’à lui. Joie et bonheur. Fallait croire qu’il devait avoir la sale gueule du mec qu’on aime allait foutre au milieu du tas d’ordure. « Depuis que De Clèves a passé l’arme à gauche, j’entends les rumeurs comme quoi il s‘agirait du petit jeu des héritiers. Mais j’y crois pas, même eux ils sont pas assez fumés pour aller cramer autant de miniers pour leurs petites affaires perso dans le but de juste faire claquer quelques nobles peu obligeant. »

Ou alors Lukàs était un bel enfoiré. Il ne pouvait pas dire qu’il n’y avait pas pensé non plus, en vrai. La famille De Clèves avait encore pas mal de pouvoir dans les hautes sphères, mais c’était quand même trop gros. Il avait bien prévu d’aller voir Lüwen à ce propos un de ces quatre… Mais il avait quelqu’un à qui rendre une visite avant ça, et il espérait qu’elle serait instructive. Il en avait ras les couilles de perdre son temps. Il soupira, recrachant une longue volute de fumée qui alla se perdre dans les méandres de pollution de la ville.

« Tu pourras dire à Lukàs que je veux bien rentrer dans son petit jeu. Il aura poireauté assez longtemps. »

Ça lui trouait toujours autant le cul d’accepter ce genre de proposition, mais fallait bien qu’il fasse un truc. Passer par Gaël n’était pas en soit pas une trop mauvaise idée d’ailleurs, ça lui éviterait de passer par n’importe quel intermédiaire à la con qu’il ne maîtrisait pas. Il avait quand même une confiance relative dans le valet, depuis le temps. Plus que dans la personne qu’il servait, d’ailleurs.

C'était assez comique de voir Nickolas se dépatouiller avec difficulté pour prendre une cigarette et la fumer. Bon Gaël aurait pu lui offrir une clope et cela aurait évité au sarken de se faire mal d'avantage et inutilement mais non car Gaël savait très bien que Nickolas l'aurait envoyé chier avec une sorte de phrase du genre « Casse toi, j'suis pas encore infirme » ou du moins quelque chose de ce genre. C'est pourquoi il le laissa simplement se débrouiller en se contentant de fumer tranquillement sa cigarette.

Cependant les soupçons sur les héritiers avaient grandement attiré son attention. Lukàs et Agnès ? Impossible. Il connaissait trop bien Lukàs pour imaginer qu'il puisse faire ce genre de chose. Ils se disaient tout et Gaël avait une confiance absolu en lui. Et Agnès ? Malgré ses airs de femme douce et docile, Gaël savait bien qu'elle cachait un grand tempérament et qu'elle obtenait toujours ce qu'elle désirait. Cependant ce n'était pas une mauvaise personne, au contraire. Aucun des héritiers ne pouvaient faire ça, et si Gaël entendait de lui-même des connard colporter de telles rumeurs il se ferait un plaisir de leur foutre son poing dans la gueule pour les empêcher de dire des conneries de ce genre. « Je crois que je serai au courant si mon Maître était un meurtrier découpeur de tête. Et j'imagine mal l'héritière troquer sa robe pour se pavaner avec des cadavres sans tête. » Quoique la vision serait peut-être marrant d'imaginer Agnès comme ça. Et puis les deux étaient bien trop occupés avec leurs affaires personnelles pour s'encombrer de tuer des gens.

Il porta son verre de whisky à sa bouche en le terminant vu qu'il ne restait que deux gorgées et puis il tira une nouvelle fois sur sa clope en recrachant sa fumée, avec un petit sourire satisfait aux lèvres. « Il sera ravi. » Est-ce que du coup ça valait la peine de le faire autant poiroter pour au final accepter ? Absolument pas mais tant pis, Gaël se garda bien de faire la réflexion et de risque de mettre en rogne le sarken.

L’amer flic ne put s’empêcher d’avoir un sourire en coin à la description de Gaël concernant les héritiers. Non il ne croyait pas non plus à ces conneries. Mais le problème n’était pas les héritiers, ces deux nobliaux étaient sans doute bien trop intelligent pour s’amuser eux même à aller décapiter des gens de hors – et cette pauvre femme n’en aurait sans doute pas eu la force d’ailleurs – mais c’était l’avantage d’avoir du pouvoir et de l’argent plein les couilles : on peut embaucher qui on veut. Et ça, c’était déjà putain de beaucoup plus crédible… Du moins pour tous les crétins qui aimaient se laisser manipuler comme des moutons castrés. Mais il l’avait dit, il était persuadé que ce n’était que des conneries. L’instinct, sans doute, mais ça ne collait pas.

« Avec toi, on ne sait jamais… » Railla Klaas en tirant une longue bouffée de sa clope si durement allumée. « Et puis, elle aurait plutôt bonne gueule, non ? Bottes longue, pantalon et hache ensanglanté… » Elle pourrait même lancer la nouvelle mode, qui sait, pour les bals de la cours. Le policier était sûr que ça ferait fureur dans les tendances. Ils étaient bien assez cons pour ça.

Quand Gaël lui annonça que Lukàs serait sans doute ravi de sa réponse, il manqua de s’étouffer avec sa clope et lui lança un regard en biais empli d’une ironie macabre. Non, franchement, ravi était pas le putain de mot qu’il aurait choisi. Le prince ne pouvait pas le piffrer, lui-même ne pouvait pas le voir en peinture… Il aura fallu être demeuré pour ne pas le reconnaître. Il ferait le boulot, parce qu’il avait envie de creuser le foutoir lui-même. Ce n’est pas parce que ça arrangeait l’héritier qu’il en serait heureux.
Et puis Nickolas n’était pas aussi attardé qu’il le laissait pensé. Il garderait peut-être sa carcasse en vie jusqu’à la fin de cette histoire, mais rien ne lui garantissait qu’on ne s’amuse pas à se débarrasser des pauvres crétins qui avaient trempés dans l’affaire et il s’attendait à tout. C’était pour ça qu’il détestait toute cette putain de noblesse qui vous bouffait sans le moindre remord.

Il se redressa de son ami le mur avec un soupir avant de jeter son mégot au sol avant de l’écraser d’un bon coup de talon. Si seulement il pouvait faire pareil avec tous ces casse-couilles, la vie serait beaucoup plus amusante. La tête commençait à lui tourner et il savait que ses petits cachetons n’allaient pas tarder à faire effet. Il était temps de se traîner chez lui.

« On se voit la semaine prochaine. »

Il le salua d’un bref geste de la main avant de s’enfoncer dans les rues, réajustant son vieil imper pour tenter de se protéger du froid. Rentrer, s'enfiler un café ou une bière et aller se pieuter étaient pour l'instant ses nouvelles priorités.