A coup de poker, coup et demie.

Aujourd’hui, c’était journée poker. Ah putain ça faisait toujours autant du bien. Même si la soirée n’avait rien eu de putain de spéciales, on disait jamais non à une partie de carte merdique et un bon vieux verre d’alcool. Et puis avouons un peu la vérité crasseuse : elle arrangeait bien le serken. Pas qu’en général ça le fasse chier, sinon il ne prendrait pas la peine de bouger son cul, mais s’il avait l’occasion de lier l’agréable à son travail pourri, il n’allait pas se priver. Un peu comme proposer une pute à un drogué en manque.

Et ça tombait bien, Gaël était de la partie ce soir, et c’était bien ce petit gars qu’il devait voir. Faut dire qu’il avait croisé Lüwen la veille et qu’il comptait bien en profiter pour emmerder un peu le valet sur le sujet. Franchement, Nickolas ne savait quoi penser de la petite bomber merdique que lui avait refilé son pote. L’affaire était clairement pourrie, ça se sentait à des kilomètres comme un vieux poissons crevé depuis des siècles. Mais le ministre restait un ami, qui avait pris assez cher pour venir lui demander un coup de main. Et qu’un crétin s’amuse à faire chier un pote, ça l’emmerdait grave. Il était bien décidé à trouver ce petit con.

La partie fut longue. Beaucoup plus que les précédente par le connard de merde de quatrième joueur qui s’était ramené aujourd’hui avait pas arrêté de la ramenait pour un oui ou pour un non, rendant les tours d’une lenteur à crever d’ennui. Quand enfin ils en eurent fini, Klaas fit un signe à Gaël, l’invitant à venir poser son fessier sur une des tables miteuses, lui faisant comprendre que la tournée était pour lui. Aie. Quand le flic commençait à se montrer généreux, ça sentait le coup monté à des kilomètres.
Il s’installa, attendant que le valet en face de même, prenant le temps de s’allumer une clope, préférant encore la forte odeur de tabac que l’espèce de puanteur ambiante qui régnait ici. Autre avantage à faire sa petite affaire ici, c’était que les gens de ce putain d’endroit étant tous des tocards, aucun viendrait foutre ses oreilles crasseuses dans leur patte.

« Parait que t’as croisé notre bon ami ministre un de ces derniers soirs cette semaine ? »

Comme d’habitude, Nickolas se passait de toute introduction inutile. Il s’était déjà fait chier avec le connard du poker, il allait pas non plus chier autour du pot pendant une éternité avec Gaël. Ils avaient passés le stade des préliminaires depuis un long moment.

Cela faisait trois semaines qu'il n'avait plus foutu les pieds dans le bar pour les parties de poker. Entre ses obligations de valet et surtout son agression, Gaël avait eu besoin de reprendre des forces et de se remettre de ses blessures, surtout celles aux côtes. Maintenant il se sentait bien alors quoi de mieux que de reprendre du service en allant plumer ses partenaires de poker ? Il ne pensait même plus à l'agression du ministre et de Nishiki car au final ce n'était pas ses affaires. Gaël n'était pas vraiment curieux et il s'en foutait assez des choses qui ne le regardait pas. Cependant il attendait toujours une convocation officielle du ministre pour avoir des remerciements digne de ce nom, mais pour l'instant sa priorité était sa partie de poker.

La partie fut horriblement à chier à cause de l'un des joueurs qui ne cessait de la ramener et d'ouvrir sa gueule prétextant une partie truquée... Bon en soit c'était vrai car Gaël voulait se faire un peu de fric donc il avait choisit le nouveau venu comme cible pour être son pigeon, et celui-ci n'avait pas arrêté d'être méfiant et de critiquer le jeu, mais sans preuve il ne pouvait rien faire alors finalement cela amusé simplement Gaël que de voir ses partenaires s'impatienter et être ronchons, tout ça à cause de lui. Ouuuh, vilain garçon.

Après la partie c'est avec une petite surprise que Gaël regarda Nickolas. Normalement après le poker, les deux allaient fumer une cigarette ensemble puis chacun reprenait sa vie normale jusqu'au prochain jeudi. Là si Nickolas l'invitait à boire un verre c'était qu'il se tramait quelque chose... Mais qui pourrait refuser un verre ? Alors il s'installa sur le tabouret et n'hésita pas à commander un verre du meilleur whisky de l'établissement car tant qu'à faire autant en profiter avant que le sarken ne change d'avis. Il alluma une cigarette tout en écoutant Nickolas. Ha, il voulait donc parler de l'agression du ministre. Un petit sourire était apparut sur le visage du valet. « Si c'est des infos que tu veux, sache que j'en sais foutrement rien. Je passais par la, j'ai vu de la lumière donc je suis venu dire bonjour. » Son verre fut servit et il en bu une gorgée, sachant pertinemment que ce pseudo-interrogatoire n'allait pas finir maintenant.

Le serviteur lui tira une gueule étonné à son invitation. Faut dire que c’est pas le genre de connerie qu’il s’amusait à faire en temps normal. Niveau sociabilité, le flic était plutôt dans le négatif, voir au plus profonde des tréfonds de cette ville de merde. Mais il ne faisait pas ça pour tabasser Causette sans aucune raison. Il le laissa donc commander ce qu’il voulait. Quitte à avoir ramassé comme un trou duc, il fouterait ça avec les pertes de la soirée. Klaas ne prit d’ailleurs pas de pincettes, comme d’habitude, rentrant dans le lard du sujet dès sa première questions. La réactivité de Gaël lui tira un grognement amusé et un minuscule rictus. Rapide de la gâchette, comme d’habitude. Il prit le temps de boire une gorgée du bourbon qu’il avait commandé.

« J’veux pas d’infos sur le pourquoi. » Il tira un long coup sur sa clope. « Ton maître à trop à perdre à faire ce genre de conneries. Et t’es pas du genre à faire le sale boulot qu’à moitié. » Même s’il ne l’avait jamais vu à l’œuvre lui-même, certains détails ne trompent pas. Et derrière ses airs de je m’en foutiste grave, Nickolas savait quand même faire le tri dans les gens qu’il était amené à rencontrer. On survivait pas au milieux des loups sans savoir un minimum jauger à qui on a à faire.

Son mince rictus disparut cependant bien vite. Le visage fermé et son regard noisette déterminé, c’était sans doute la première fois qu’il se montrait un minimum sérieux lors d’une de ses rencontres avec Gaël, il avait pas juste envie de s’envoyer en l’air avec de l’alcool et du fric. D’un geste un peu sec, il écrasa ce qui restait de son bâton de tabac dans un vieux cendrier.

« J’veux savoir ce qui s’est passé sur place. » Et comme le principal intéressé était pas foutu de lui dire parce qu’il s’était fait mettre KO, il cherchait ses infos ailleurs. Et même s’il avait déjà eu la première moitié de la pièce, mais… Disons qu'il aurait eu plus confiance dans le cul d'un poulet. « J’suis retourné voir sur place. Personne. Des traces de sang, mais pas le moindre bout de queue d’un clébard. » Soit les mecs s’étaient enfuis, mais ça collait pas avec ce qu’il avait entendu, soit quelqu’un était venu récupérer les six blaireaux. « J’ai cru comprendre que tu lui avait filé un coup de main. » Au ministre, s’entendait. « Si tu me dis que t’en a laissé indemne, j’vais me faire couper l’autre main. Dans quel état tu les as laissé ? »

Pourquoi il se demandait tout ça… Il ne se prit pas la tête à le préciser. Son amitié avec Lüwen était quelque chose de peu connu. Pas que l’un ou l’autre cherche à la garder secrète. Mais les gens étaient cons. Et comme la probabilité d’avoir ces deux mecs là amis étaient aussi probable que la Reine venant se promener en slip chez les contrebandiers, personne n’avait jamais tilté. Faut dire que la notion d’amitié chez Nickolas était de base incomprise, de toute façon.

Gaël n'avait pas eu la moindre petite peur d'être soupçonné car ça aurait été complètement con. Lukàs n'était pas du genre à faire ce genre de manigance.. enfin, pas tellement du moins, et surtout pas auprès du ministre. Et Gaël ne s'abaisserait jamais à confier un boulot comme ça à des sous-fifres. S'il devait intimider ou défoncer quelqu'un, c'était avec ses propres poings et seulement les siens. Pour qui passerait-il sinon ? Oh il lui était déjà arrivé de tabasser des personnes parce qu'elles avaient manqués de respect à Lukàs, parce que ce genre de chose ne passait pas du tout pour Gaël. Mais de là à s'en prendre à un ministre, il n'était pas aussi con que ça.

Il ne se montra pas curieux sur les raisons du pourquoi Nickolas s'investissait personnellement dans cette affaire, car à vrai dire Gaël s'en foutait un peu. Et puis il pensait que certainement le ministre avait fait appel au serken au sujet de l'agression, voilà tout. C'était normal après tout, vu qu'il était très influent Lüwen ne pouvait pas laisser ce genre de chose impunie, et surtout que s'il ne s'agissait pas que d'intimidation mais réellement d'un mise à tabac, et bien le taff n'avait pas été terminé donc une future agression serait possible. Mais encore une fois, ce n'était pas les affaires de Gaël et il s'en carrait le fion.

« Tu m'étonnes que t'as rien trouvé. » Gaël marqua une pose le temps de tirer sur sa clope et de recracher la fumée. Il n'avait jamais vu Nickolas aussi sérieux... en réalité, il n'avait jamais vu Nickolas sous son rôle de flic car après tout ils se voyaient pour jouer, pas pour parler boulot. « C'était pas des petites frappes trouvées dans la rue. Ces mecs étaient des pros. Carrures imposantes, armes de qualités, bonne résistance. » Même si Gaël en avait mit deux KO, le premier avait été simplement de la chance grâce à l'effet de surprise, et le second, même s'il l'avait maîtrisé rapidement, avait clairement eu des réflexes de combattants. « J'ai éclaté le crâne d'un d'eux contre le mur, et l'autre sur le bitume. J'peux t'assurer que les six ne bougeaient pas et que contrairement au valet du ministre, moi je n'ai absolument pas peur de bien les foutres hors d'état de nuire. » Autrement dit que Gaël s'en foutait totalement s'il avait donné une commotion cérébrale aux agresseurs ou s'ils ne seraient plus jamais capable de marcher. Il ne retenait pas ses coups et blesser gravement quelqu'un lui importait peu si la personne le méritait. « Alors s'ils n'étaient plus là, c'est certain que quelqu'un les à prit car ils n'auraient pas pu rentrer seuls. »

« Vu la quantité de sang étalé sur la rue, c'est bien ce que je m'étais dis, ouais. »

Le flic toucha à peine son verre pendant que Gaël lui déballait ce qu’il attendait, y trempant juste ses lèvres de temps à autres. Qu’il appréciait les gens pas trop con. Ca lui évitait de poser quarante mille question de merde et tout le monde était content plus vite.  Ca changeait des crétins qu’il pouvait retrouver à moisir dans le commissariat et où il devait se taper des interrogatoire pendant des putains d’heure. Mais c’que lui racontait son interlocuteur rejoignait vaguement ce qu’il avait déjà entendu ou ses propres déductions. Des mecs qui en avaient et pas là pour faire dans la dentelle. Si le valet en avait maravé que deux, ça voulait dire que le ministre et son chien s’étaient chargés des autres… Assez étonnant de tenir contre des pro avec une infériorité pareille.

Le flic fronça les sourcils à la mention de la troisième personne présente ce soir-là. Ca faisait même pas vingt quatre heures qu’il bossait sur le sujet et déjà, deux sujets récurrents arrêtait pas de venir se pointer avec presque tous les glands à qui il avait pu parler. Ce type était le premier, quoi que puisse en dire la personne qui le payait. Quand il est question d’agression, la confiance, c’est bon pour les histoires bonnes femmes.

« Ce gars dont tu parles. » Reprit-il en faisant tourner son verre dans sa main gauche. Il connaissait pertinemment le nom du mec en question mais ça, rien ne l’obligeait à le préciser. « T’as l’air de l’avoir déjà croisé. » Du moins, à la manière dont il en causait. Et visiblement pas en bien, vu ce qu’il avait l’air d’en penser. Parce qu’au fond, c’était pas les petits maraves de Gaël qui l’intéressait. Ca, il en avait strictement rien à foutre, il pouvait bien aller tabasser à mort qui il voulait. « Tu sais d’où il sort ? » Saoulé de s’amuser avec son verre, il en avala la pisse de chat qui lui servait de contenu d’une seule traite. L’avis de Gaël l’intéressait beaucoup, en soi. Simplement parce que Nickolas savait que le gars n’allait pas particulièrement prendre de pincette et parler sans filtres de merde pour détériorer ses dires. Et il n’y a rien de mieux que les avis à l’état brut et le valet était parfait pour ce genre d’exercice, comme il venait savamment de le démontrer avec son franc parler.

Gaël n'aimait pas passer trois plombes sur un sujet, surtout lorsque celui-ci n'était pas spécialement divertissant pour lui. Et puis il n'avait pas non plus envie de faire perdre son temps au serken, même si avec une autre personne il se serait surement amusé à la faire tourner en bourrique, il avait assez d'estime pour Nickolas pour se montrer direct et lui dire ce qu'il désirait savoir.

Et puis voilà que la serken parlait de Nishiki, ce qui fit sourire Gaël pendant quelques petites secondes. En même temps quoi de plus normal que de suspecter le nouveau valet ? Il ferait un coupable idéale et la pensée de mettre Nishiki dans la merde était amusante pendant une seconde, mais non Gaël ne ferait pas ça. Déjà mettre le serken sur une fausse piste serait totalement idiot et irresponsable - tout Gaël certes, mais bon - et puis bon, Nishiki n'était pas un connard, et il l'avait aidé. « Nishiki Wölffhart. On a bossé ensemble chez les Függer, y'a un peu moins de dix ans. » Gaël tira une longue taffe avant de continuer. « Il bossait au Chabanais avant que le tenancière se fasse couper la tête. » Il aurait pu simplement dire "tuer" mais bon, l'effet dramatique était assez marrante. Et il fallait mieux en rire plutôt que d'en pleurer, non ? Mh. « Je t'arrête de suite si t'as des doutes sur lui. Je le porte pas dans mon cœur, mais j'ai jamais vu un gars aussi droit dans ses bottes que lui. Il laisse rien passer, et il s'est directement précipité sur le ministre lorsqu'il l'a vu à terre. » C'est pas que Gaël défendait spécialement Nishiki, mais il racontait juste ce qu'il s'était passé et comment il voyait les choses. Nishiki avait beaucoup perdu avec Elena et il n'allait certainement pas accepter de perdre son nouveau employeur. « Puis lui aussi a donné des coups aux agresseurs, mais il a un sorte de... je dirais "code d'honneur". Tu sais, comme ces cons de héros dans les bouquins. »

Eh bah putain…
C’est jour de fête aujourd’hui ma parole. Entendre Gaël parler de quelqu’un qui n’était pas son connard de maître en terme aussi élogieux, en plus avec un putain de sourire, ça arrivait pas tous les jours… Déjà, voir ce type sourire de cette manière – c’est-à-dire ailleurs qu’en plumant un gars au poker –, Klaas s’en serait clairement passé. Et ça, ça méritait bien un haussement de sourcil dubitatif à mort, ce genre de chose. Dubitatif et surpris. C’était pas le premier gars à avoir ce genre de discours. Il était loin de kiffer l’idée, et ça se voyait clairement sur sa tronche… Ca l’incitait même à creuser le bordel plus qu’autre chose, alors il poussa un peu, voir comment Gaël allait réagir.

« Des mecs comme ça, c’est trop propre, j’y crois pas. Et c’est pas vraiment les échos que j’ai eu. » Le flic jeta un regard circulaire autour de lui, observant les pauvres badauds qui sacrifiaient leur vie dans cet établissement dégueulasse. « Obsessionnel, instable… j’en passe et des meilleurs. Pas vraiment le genre de type qu’on a envie de garder chez soi. » Ok, il exagérait un peu sur les mots qu’on lui avait donné, mais l’idée était la même, le type en face de lui avait juste pas eu les burnes de lui dire aussi franchement. Par contre, c’était visiblement le seul gars qui avait des reproches à faire à cet espèce de mastodonte. Lucidité ou jalousie, Nickolas n’avait pas encore choisi son camps.

« L’ancienne employeuse qui se fait charcuter, le nouveau qui se fait agresser… » Le flic prend le temps de s’allumer une clope et d’en tirer une longue bouffée, laissant le tabac imprégner ses poumons, songeur. Les gens étaient trop unanimes sur ce type, ça lui cassait les couilles. Soit en effet ce mec était effectivement un putain de sain, ce qui serait bien une première dans cette ville de dégénéré, soit il cachait putain de bien son jeu. « Putain de timing, non ? Se faire agresser pour s’en sortir avec une blessure bénigne, c’est tellement facile. » Un peu trop, c’était bien le cœur de ce putain de problème. « Ca correspond pas trop à c’que tu me raconte. »

C'était totalement nouveau pour Gaël que de subir un interrogatoire. C'était le premier de sa vie, mais bon il n'avait absolument rien à se reprocher, il était assez ami avec le serken et avait la protection de Lukàs, donc même s'il était mêlé à des trucs louches il n'aurait pas risqué grand chose. Mais de voir Nickolas dans son rôle de flic était assez amusant, il fallait l'avouer et surtout divertissent. Et puis Gaël devait reconnaître que c'était quand même un bon flic, car ouais, suspecter Nishiki après les informations qu'il avait eu semblait assez logique.

« Obsessionnel... quand même pas. Mais ouais, il est assez carré et aime les choses bien faites. » Il ne contredisait donc pas Nickolas parce qu'après tout Nishiki lui avait bien péter les couilles lorsqu'ils travaillaient ensemble. Ouais, le valet du ministre était assez obsessionnel du travail bien fait. Ennuyant quoi. Et puis Gaël n'était pas là pour défendre ou enfoncer Nishiki. C'était un grand garçon non ? Il se débrouillerait bien seul.

Cependant il souriait un peu à la remarque du sarken. C'est vrai que le timing était assez marrant et proche. « Et bien il serait vraiment con, si c'était lui. » Mais c'était impossible car cela voudrait dire que Nishiki serait le Découpeur. Et bon, Gaël savait pertinemment que c'était faux. Nishiki était juste un chieur droit dans ses chaussures et aimant les choses bien faite, voilà tout.

Il retira une longue latte de sa cigarette avant d'en recracher la fumée et de venir boire deux-trois gorgées de son verre de whisky gentiment offert par le sarken. « Soit pas trop dur avec lui, il est encore en deuil. » Gaël avait un instant perdu son sourire. Bon, pas qu'il appréciait Nishiki plus que ça, mais il avait bien remarqué qu'il n'était plus que l'ombre de lui même. Que l'ombre du satané chieur enquiquineur qu'il était avant. La perte de son amie et employeuse avait causé une cassure en lui, alors bon, Gaël voulait faire preuve de... qu'elle était le mot déjà ? Ha oui : compassion.

La policier resta silencieux aux dernières remarques du valet, son regard rivé sur le fond de son verre vide – ces merdes se vidaient toujours beaucoup trop vite. Pas de confirmation, pas d’information. C’était une information intéressante en soit. Chiante, comme le serait une bonne crise d’hémorroïde, mais utile, d’une certaine manière. Mais il avait besoin d’y réfléchir sans être assis le cul dans le bled le plus paumé du quartier mal famés de cette cité. Ça tombait bien, il avait un puzzle à finir chez lui qui ferait parfaitement l’affaire pour ce genre de bordel. Rien de mieux pour dérouiller les neurones.

Tout ça lui donnait bien envie d’aller secouer une nouvelle fois le petit chien de Lüwen mais… Il avait d’autres cul à aller voir avant ça. Y’avait d’autres crétins sur sa liste rouge à qui il avait besoin de taper la discussion, histoire d’avoir le point de vue de tout le monde et de repartir pour un tour. Encore fallait-il qu’il arrive à mettre la main dessus, parce que y’en avait qui seraient certainement pas ravis de voir débarqué un vieux flic chez eux pour une vieille histoire d’agression de ministre officieuse.

La remarque de Gaël le sortit cependant de ses pensées aussi efficacement qu’une flèche dans son regard. Il braque sur lui ses yeux sombres, inflexibles et durs. C’était quoi cette blague de merde ? C’était presque marrant de le voir des états d’âmes comme ça. Ca l’aurait sans doute fait marrer si c’était pas en faveur d’un connards de gars qu’il voulait garder à l’œil.

« J’en ai rien à foutre. » A chacun sa merde et ça, c’était pas son problème. « En quoi ça te dérange si tu peux pas le voir ? » c’était plutôt déplacé pour un gars qui affirmait une minute avant qu’il le portait pas particulièrement dans son cœur et qu’il craignait pas de défoncer des mecs dans la rue sans rechigner. Surtout que soyons franc, il avait pas la gueule d’un altruiste à deux balle. Alors pourquoi, pour ce mec là en particulier ? Ca lui laissait une impression assez crispante dans le fond de la gorge. Un peu comme une poignée de gravier et de verre pilé sur un tableau noir. Ca ne le faisait pas du tout rire.

Bien que que Nickolas en avait rien à foutre du deuil de quelqu'un. Il en avait rien à foutre de tout en même temps alors ce n'était pas vraiment étonnant. Mais Gaël ne disait rien, se contentant de terminer son verre cul-sec et de tirer une autre latte de sa cigarette.

Cependant la curiosité de Nickolas le fit sourire, et il se redressa sur son tabouret, posant son coude sur la table et son menton dans sa main. Tiens, c'était vrai ça, pourquoi voulait-il plus au moins protéger Nishiki ? Il n'y avais pas vraiment penser d'ailleurs. Mais alors une réponse lui vint, presque toute faite et puis il devait bien l'admettre qu'il y avait une part de vérité. « Il a un bon cul quand même. »

Bah quoi ?