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 Les rumeurs mentent, parfois...

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MessageSujet: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptyVen 1 Nov - 17:47


Printemps de l'an 300

Tôt le matin.
Alors que la lune tendait doucement à se dissiper derrière les premières lueurs du jour, une dernière ombre se glissa sous ses rayons nocturnes. Une figure invisible, une présence muette sous une longue cape noire. Et, comme un prolongement de ses doigts gantés : une craie. Une craie qui vint s'écraser sur le mur d'une pauvre bâtisse, bientôt affublé d'un tatouage aux accents mystiques.
Un croissant de lune aux contours noirs et à l'intérieur vide. Un symbole qui donnait un point de rendez-vous à l'heure où la lune commencerait son nouveau règne céleste. Ne le manquez surtout pas.

~

Tard le soir.
Du haut de son perchoir, elle attendait. Quand elle revêtait ce masque, elle ne s'affichait jamais directement au point de rendez-vous, le risque y était trop grand. Elle grimpait alors aux gouttières jusqu'à se hisser sur le toit des quelques maisons à l'abandon dans les denses rues de Sältzburg. Jamais deux fois d'affilé au même endroit. Et d'en haut, on ne la remarquait pas. Personne ne pensait jamais à lever le nez vers le haut. Le désespoir qui les menait jusqu'à elle agrippait toujours leurs regards vers le bas, vers le sol, vers les profondeurs ardentes que celui-ci recouvrait.
Et, elle, de là-haut, elle voyait tout. Les pièges, les menaces, ceux qui venaient à plusieurs pour essayer de la coincer. Pour découvrir son identité ou pour se venger. Madilyn était avisée et prudente, elle ne descendait pas de son perchoir tant que sa rencontre nocturne ne lui semblait pas sans risque. Insaisissable ? Oui, Mad Moon était connu pour l'être.

Alors, une fois de plus, elle guettait les environs du haut de son mirador improvisé. De là où elle était, elle distinguait à peine le dessin de lune, une rue plus loin, qu'elle avait fait le matin-même pour indiquer sa position. Elle percevait seulement une petite tache noire de cette esquisse faite à la craie, dont les traits devaient d'ailleurs très probablement être déformés suite aux coups assenées toute la journée par la pluie incessante de ce début de printemps.

Puis, une nouvelle ombre se détacha de la pénombre. Ses pas la menaient, aussi hasardeusement que sûrement, vers ce croissant de lune qui semblait figer la rue dans un espace-temps parallèle. L'ombre s'arrêta. Elle venait de repérer l'esquisse murale. Un nouveau client ? Elle le distinguait mal à travers la pénombre et la pluie. Mais sa silhouette ne lui rappelait celle d'aucuns de ses habitués. Elle attendit plusieurs minutes, à l'observer silencieusement, guettant la moindre menace. Personne ne semblait se trouver aux alentours, les rues étaient plongées dans un semi-mutisme où seules la mélodie jouée par les gouttes d'eau résonnait. La silhouette ne semblait pas porter d'armes, aucune de visible, du moins.

Madilyn refréna l'envie de tousser qui lui chatouillait la gorge et rendait sa respiration plus rauque. Moins discrète. Foutue maladie. Il fallait qu'elle attende encore. Encore quelques minutes.

Puis, elle se redressa. Comme chaque nouvelle rencontre sous ce masque mystique, c'était un risque à prendre. Mais un risque qui lui rapportait souvent bien plus qu'il ne lui coûtait. Agilement, elle se laissa glisser le long de la gouttière jusqu'à poser pied à terre.
Sa grande silhouette se révéla enfin dans la pâle éclaircie lunaire. Sa longue cape traîna dans les flaques inondant la rue alors qu'elle approchait silencieusement de l'inconnu.

- Bonsoir, glissa-t-elle derrière son masque, dans un murmure rauque qui accentuait les notes graves de sa voix. Répondre à l'appel de la lune n'est jamais anodin. Annonce la raison de ta venue.

Son regard clair perçait à travers la pénombre d'une façon similaire à l'éclat des étoiles dans le ciel et venait se loger sans pudeur dans les prunelles de son interlocuteur.
Qui était-il ? Mais surtout, que voulait-il ?




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Alaric Saldsal
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Alaric Saldsal
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MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptySam 2 Nov - 12:46

Alaric remonta enfin à la surface, et son soulagement fut grand. Il avait passé la journée dans les souterrains, à devoir faire des dizaines et des dizaines de détours pour éviter la Milice, en ne se fiant qu'à son ouïe. Bien heureusement, il n'en avait vu aucun. C'était une bonne chose : Alaric apercevait les gens toujours trop tard.

Il les avait donc évités, trop conscient que même avec son pistolet - dont il avait tenu la cross toute la journée et qu'il continuait de serrer dans sa main - il ne faisait pas le poids. Dans le noir, il ne voyait presque rien, autant dire qu'à moins de tirer à bout portant, il était sûr de rater sa cible.

Il se passa la main sur le visage et se tourna vers les bâtiments. Comme dans les souterrains, l'air était vicié. Comme dans les souterrains, il faisait sombre.

Et comme si cela ne suffisait pas, il pleuvait. La pluie - ô la pluie ! Elle le rendait complètement aveugle, cette satanée flotte. Il ne voyait plus rien sinon des formes floues. Elle tombait, les gouttes claquaient sur les pavés, comme pour lui retirer son dernier - et unique - point de repaire : son ouïe.

Aveugle et sourd. Il détestait ça ! S'il s'avérait que l'autre imbécile qui lui avait filé des informations sur ce Mad Moon dont on ne savait rien s'était planté...

Un croissant de Lune sur un bâtiment... attend toujours là... On l'appelle Mad Moon...

Mad Moon. Bien sûr, il en avait entendu parler, quand bien même ils n'exerçaient pas leur vente de Sélidoine dans le même coin. Ce n'était pas du genre d'Alaric d'aller rendre visite à ses concurrents mais pour une fois, il n'avait pas le choix.

Tobias était à l'article de la mort, il ne pouvait plus s'occuper de la Sélidoine - du moins pas pour longtemps, dans quelques jours, il serait au lit, et il finirait par mourir. Comme tant d'autres avant lui. Tobias ne serait ni le premier, ni le dernier à succomber. L'épidémie progressait, lentement, durement, impitoyablement.

Alaric appréciait Tobias, mais surtout, il avait besoin de lui pour lui fournir la Sélidoine et la fabriquer. Sans ce dernier, tout était foutu.

Mais Mad Moon... On racontait qu'il faisait sa Sélidoine lui-même, ou bien, quand bien même ce n'était pas le cas, il la prenait bien auprès de quelqu'un.

Il retira son gant gauche, le fourra dans sa poche et posa la main contre le mur. Machinalement, il coinça le pistolet dans sa ceinture. Et ainsi, il avança. Plusieurs fois, il trébucha lorsque ses pieds se prenaient dans des obstacles invisibles.

Il progressait laborieusement depuis ce qui lui semblait une éternité quand ses doigts rencontrèrent une substance crayeuse sur le mur. Il s'arrêta aussitôt, un espoir naissant dans sa poitrine. Machinalement, il suivit de l'index et... c'était une Lune !

Il tourna sur lui-même, lentement, en essayant de deviner quelque chose. Sans aucun succès. Il ne voyait strictement rien, sinon la pluie, cette maudite pluie.

Soudain, une ombre apparut dans son champ de vision - une ombre avec un masque, il croyait voir :

- Bonsoir. Répondre à l'appel de la Lune n'est jamais anodin. Annonce la raison de ta venue.

Alaric s'estima heureux, avec ce qu'il y voyait, de l'avoir trouvé si vite. Il lâcha le mur de la main et fit de nouveau comme si le monde était parfaitement clair sous ses yeux.

- Mad Moon.

Il s'inclina, un peu moqueusement.

- Je me présente : Jerem.

Si cet homme - était-ce seulement un homme, déjà ? - avait entendu parler de lui, ce serait certainement sous ce nom-là. Il ne tourna pas autour du pot pendant plusieurs minutes. Il n'avait pas de temps à perdre en ronds de jambe.

- Tu vends de la Sélidoine ?


Dernière édition par Alaric Saldsal le Lun 4 Nov - 20:15, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptyLun 4 Nov - 16:59


Printemps de l'an 300


- Mad Moon.

Le buste de l'inconnu se courba vers l'avant, dans une posture aux accents ironiques. Mais oui, qu'il s'incline devant ce mythe devenu enfin réel ! Qu'il s'incline bien bas devant Mad Moon, la légende des Faubourgs ! Un rire amer aurait alors pu faire vibrer les cordes vocales de ledit Mad Moon mais il n'en fut rien. L'écho de ce rire resta prisonnier de son esprit, l'antre de ses pensées tortueuses. Oh, s'ils savaient. S'ils savaient le visage qu'il y avait sous ce masque, la pauvre et fragile réalité qui se cachait sous cette façade. L'heure ne serait alors plus à la mystification, ni à l'admiration et encore moins à la crainte, non, tous ces sentiments issues d'une idéalisation insensée de sa deuxième identité se consumeraient pour ne laisser qu'un tas de cendres formant le mot déception.

Mais ce soir-là, ni l'admiration, ni la crainte ne semblait trouver refuge dans les yeux de cet inconnu. Un autre sentiment, plus intense, y brillait : la détermination.

- Je me présente : Jerem.

Un nom qui, comme celui de Mad Moon, résonnait dans les murmures de rues. Mais l'écho du sien ne parvenait que difficilement jusqu'au Faubourg. Il s'agissait d'un écho plus lointain, qui se faisait plus rare à l'oreille des Miniers. Peut-être même que seuls ceux ayant déjà touché à la dangereuse poudre rouge pouvait espérer avoir entendu cet écho. C'était le cas de Madilyn. Et elle comprit alors d'où émanait cette confiance en soi : lui aussi était un contrebandier de Sélidoine. Mais alors, que lui voulait-il ?

Une angoisse sinueuse commençait à faire surface au creux du ventre de la jeune femme masquée. Non, elle ne laisserait rien paraître. Elle remarqua alors la crosse de pistolet dépassant de la ceinture du dénommé Jerem. L'angoisse fit un bond jusqu'à son cœur qui s'accéléra imperceptiblement. Foutue pluie qui lui avait empêché de remarquer ce détail de loin. Elle fourra ses mains gantées dans les poches de sa cape pour ôter à la vue de son vis-à-vis d'éventuels signes de stress. Il fallait qu'elle chasse cette angoisse naissante, elle n'avait pas sa place ici, pas sous ce masque. Cette nuit, elle était Mad Moon, pas Madilyn.

- Tu vends de la Sélidoine ?

La question de Jerem laissa la mineuse perplexe. Où voulait-il en venir ? Ne vendait-il pas lui-même de la Sélidoine ? S'était-elle trompée sur l'identité de la personne face à elle ? Patience, elle allait bientôt le savoir.

- Apparemment, répondit-elle de manière évasive. Mais tu n'as pas besoin de moi pour t'en fournir, je me trompe ?

S'il vendait lui aussi de la Sélidoine, il avait son propre fournisseur. Mais alors, pourquoi prendre le risques de venir dans les Faubourgs pour la rencontrer ?

- Qu'est-ce qui t'intéresse réellement ? demanda-t-elle d'une voix posée en détachant avec soin les syllabes du dernier mot, au même rythme que ses yeux se plissaient.



Dernière édition par Madilyn Page le Mer 6 Nov - 18:49, édité 2 fois
Alaric Saldsal
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Alaric Saldsal
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MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptyMar 5 Nov - 7:46

Mad Moon était méfiant. Alaric, même s'il avait du mal à le voir et qu'il ne doutait pas que son attitude l'aurait confirmé, il l'entendait clairement dans sa voix. Une voix tendue, une voix rauque, à mi chemin entre la voix féminine et masculine qui lui disait :

- Apparemment. Mais tu n'as pas besoin de moi pour t'en fournir, je me trompe ?

Oh ça non, il en avait assez comme ça. Tobias était un producteur sans limite, qui y passait ses journées. Mais s'il mourrait, alors Alaric en aurait besoin. Ça, par contre, il n'allait pas encore le dire. Ce serait reconnaître avoir besoin d'aide et il ne pouvait se le permettre aussi tôt dans la conversation... Il devait en apprendre plus sur ce Mad Moon d'abord.

À défaut de le voir, il se concentra davantage sur sa voix. Ni une voix d'homme, ni une voix de femme. Quelque soit le genre de son interlocuteur, il cherchait visiblement à brouiller les pistes. Et ça, c'était bien pour Alaric. S'il réussissait à découvrir ce qui se cachait sous le masque, il serait en position de force.

- Qu'est-ce qui t'intéresse réellement ? reprit Mad Moon, en détachant ses mots.

Alaric ne répondit pas. Il reprit son pistolet entre ses doigts et le fit tourner avec adresse. Pour impressionner, rien de plus, parce qu'avec ce temps, il n'aurait même pas essayé de viser. Il était certain de rater sa cible. Mais ça faisait toujours effet - les armes étaient trop rares pour ne pas que ce soit le cas - et son interlocuteur ne savait pas qu'il ne tirerait pas.

- Détrompe-toi, très cher collègue, peut-être que j'ai besoin de Sélidoine, pour une fois...

Et il s'arrêta là. Mad Moon jouait au mystérieux, il pouvait bien le faire aussi. Il fit mine de lustrer le canon de son pistolet avec une nonchalance incarnée, tandis qu'il s'appuyait contre le mur.

Bien entendu, il ne doutait pas que la Sélidoine que vendait Mad Moon était moins addictive que celle que fabriquait Tobias mais c'était mieux que rien. Ça restait de la Sélidoine malgré tout. Il n'aurait qu'à en mettre plus dans sa première dose 'gratuite'. C'était aussi simple que cela.
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MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptyMer 6 Nov - 18:47


Printemps de l'an 300


La tension et le mystère étaient maîtres de l'atmosphère ce soir-là. Deux masques. Deux identités voilées. Un jeu d'apparence entre deux experts des belles paroles. Dans laquelle de ces deux façades, apparaîtrait la première faille ?

Suite à la question de Mad Moon, Jerem laissa le silence s'écouler au même rythme que la pluie. Inlassablement. La main de l'homme glissa jusqu'à sa ceinture et se referma autour de la crosse de son pistolet qu'il fit ensuite tourner entre ses doigts tel un vulgaire bâton de majorette. Prologue achevé, le théâtre des apparences ouvrait ses rideaux sur le premier acte. Scène 1 : impressionner, faire peur, menacer implicitement.

Mad Moon ne dévia pas son regard de celui de son interlocuteur. Qu'il continue son numéro, ça ne l’impressionnait pas. Du moins, elle ne le montrerait pas. Son masque, ce n'était pas seulement le tissu qui recouvrait la moitié de son visage, c'était aussi le voile froid qu'elle savait maintenir devant ses iris clairs. Angoissée ? Oui, elle l'était constamment. Le montrer ? Non, jamais. Ou rarement. Seul un tic muet de ses doigts pouvait la trahir, ce pourquoi elle prenait soin de les réfugier dans ses poches, accentuant son air nonchalant par la même occasion. Et, autant par mesure de sécurité que pour calmer la nervosité qui semblait se concentrer dans les muscles de ses mains, elle agrippa, au travers du tissu de sa cape, un manche accroché à sa ceinture. Le manche de sa pioche. Subtilement volée à la Mine après plusieurs tentatives. Elle ne l'avait jamais utilisé en dehors des souterrains, mais cet outil saillant l'accompagnait toujours lors de ses escapades nocturnes. Par mesure de sécurité.

- Détrompe-toi, très cher collègue, finit-il enfin par répondre, peut-être que j'ai besoin de Sélidoine, pour une fois...

Elle avait vu juste sur un point, il était lui aussi contrebandier. Mais il était pourtant bel et bien à la recherche de cette poudre rouge, lui qui était pourtant censé la distribuer. Et sur ce point, elle s'était plantée. Une nouvelle question venait s'incruster dans le décor : pourquoi ?

Dans cet aveu semi-muet, Madilyn tira au moins une information intéressante, même vitale : il avait besoin d'elle. Aussitôt, la crispation de sa main sur le manche de la pioche diminua. Et elle parvint un peu mieux à faire taire l'angoisse en elle. Scène 2 : jouer, manipuler, contrôler.

- Tu as besoin de Sélidoine et donc tu viens jusqu'au bas-fond de Draümbell pour en trouver...

Et ça l'étonnerait qu'une personne comme lui - un contrebandier arpentant les égouts, de ce qu'elle avait entendu – ait obtenu un permis pour passer du Centre aux Faubourg. Mais, après tout, elle ne savait rien de lui, alors ne fit pas de conclusion trop hâtive. L'heure était à l'investigation. À l'écoute. Puis, à la déduction.

- La faux du Découpeur s'est-elle abattue sur les fournisseurs de Draümstadt ? Demanda-t-elle, déroulant ses réflexions à voix haute en faisant quelques pas dans la ruelle, devant le contrebandier qui était appuyé avec arrogance contre le mur. Ah moins que... ce ne soient les caprices de l'épidémie ?

Et ce fut comme si le simple fait de prononcer ce mot avait ramené à la surface l'irritation qui nouait sa gorge depuis quelques jours déjà. Une fois de plus, elle réprima cette toux sèche qui se débattait avec férocité pour s'échapper de ses poumons. Mais combien de temps encore, arriverait-elle à cacher ces symptômes capables de créer une première déchirure dans son masque ?

Alaric Saldsal
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Alaric Saldsal
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MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptyDim 24 Nov - 12:10

Ils se ressemblaient beaucoup, Alaric en était de plus en plus certain. Il suffisait de voir avec quelle nonchalance Mad Moon glissait ses mains dans ses poches pour le comprendre, alors même qu'Alaric continuait de jouer avec son pistolet.

Il n'avait au moins plus de doute sur une chose : le masque de son interlocuteur était davantage une protection qu'une couverture. Quoique... à bien y penser, les deux étaient liés.

Ils s'affrontaient du regard et comme aucun des deux ne semblait prêt à renoncer à cette joute silencieuse, Alaric saisit l'opportunité : il baissa les yeux le premier, pour se reconcentrer sur son soi-disant nettoyage.

Mad Moon pouvait le prendre de deux manières : soit il tombait dans le panneau ridicule de la soumission, ce qui n'était clairement pas le cas, soit il considérait qu'Alaric estimait qu'il ne valait pas son attention. Dans ces deux possibilités, ce n'était pas une mauvaise chose, surtout quand on ne savait pas exactement sur quel pied danser.

Question de prudence.

- Tu as besoin de Sélidoine et donc tu viens jusqu'au bas-fond de Draümbell pour en trouver...

Ce n'était pas une question et d'ailleurs, elle n'exigeait aucune réponse. Alaric se contenta de relever les yeux une seconde pour croiser son regard pour le baisser de nouveau aussi vite. Alors qu'il ne le regardait plus, il laissa un mince sourire amusé tendre ses lèvres une seconde. Il caressa la gachette de son arme puis, en la rangeant enfin avec un geste d'expert, déclara d'un ton pensif :

- La Mort est un être étrange, n'est-ce pas ? C'est elle qui rôde autour de nous, qui déploie les tentacules de sa maladie dans nos rues, qui enserre nos coeurs de peur, qui nous torture. Et on la sent arracher notre vie quand on en a déjà plus...

Il eut un nouveau sourire, plus appuyé que les autres.

- Je ne suis pas meilleur qu'un autre, ma vie ne vaut pas davantage, et pourtant... pour le moment, je suis épargné. Pourquoi ? Oh, le moment viendra, c'est sûr : je tomberais malade. Mais pas encore.

Il eut un court ricanement. Il avait toujours eu une santé fragile et cela relevait déjà du miracle qu'il se tienne ici, sans toux pour entraver ses poumons et sa gorge. Ironie du sort, lui, le petit fragile de la famille était le dernier survivant.

Malgré tout, il se souvenait bien des mots de Tobias la dernière fois qu'il lui avait parlé, alors que ce dernier était dans un lit, tout délirant sous la fièvre :

- Je la sens, Jerem, elle est là..., avait-il dit, les yeux affolés. Elle attend, elle vient pour moi. C'est fini, j'ai peur.

Alaric avait pris toute la Sélidoine restante et était parti sur ses mots. Il avait laissé Tobias tout seul, sans un regard en arrière. Il l'avait abandonné à la Mort et à sa fièvre délirante.

- A votre avis, pourquoi épargnerait-elle des vies, et d'autres pas ? Sur quelle base nous choisit-elle ? continua-t-il, toujours avec le même sourire étrange.

Il passa ses pouces dans sa ceinture et resta appuyé au mur - pour être sûr que rien ne pouvait venir dans son dos - en attendant que Mad Moon ne réponde. Et cette fois, il ne baisserait pas les yeux. Hors de question de louper quoique ce soit dans son langage corporel.
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MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptyLun 2 Déc - 16:24


Printemps de l'an 300


Il aimait jouer, elle le voyait. Jouer de son regard, de ses expressions, de ses gestes. C'était dans son langage corporel que rayonnait sa belle façade d'assurance, plus que dans ses mots. Car ses mots, il aimait les laisser en suspens pour contempler le temps s'étirer en leur absence. Mad Moon l'avait compris : le terrain de jeu préféré de Jerem, c'était le silence.

Le silence qui suivit une fois de plus les questions que Mad Moon venait de poser. Le silence qui narguait la curiosité de la jeune fille. Le silence qui accentuait le bleu du regard qu'il venait furtivement de lever vers elle. Le silence qui faisait résonner son sourire en coin tel le prélude d'une réponse tant désirée. Une réponse qui vint s'emmitoufler au creux d'une poésie songeuse.

- La Mort est un être étrange, n'est-ce pas ? reprit Jerem après avoir pris soin de ranger son arme. C'est elle qui rôde autour de nous, qui déploie les tentacules de sa maladie dans nos rues, qui enserre nos cœurs de peur, qui nous torture. Et on la sent arracher notre vie quand on en a déjà plus...

La vérité, ornée de parures d'argent qui masquait sa laideur, s'offrit subtilement à Mad Moon. Jerem n'avait donc plus de fournisseurs. Emporté par la Maladie et la Mort.

- Je ne suis pas meilleur qu'un autre, continua-t-il, paré d'un sourire indéchiffrable, ma vie ne vaut pas davantage, et pourtant... pour le moment, je suis épargné. Pourquoi ? Oh, le moment viendra, c'est sûr : je tomberais malade. Mais pas encore.

Le revoilà, le silence. Mais cette fois, c'était dans les mots du jeune homme qu'il régnait. Des mots volatils que Mad Moon laissa vagabonder d'une oreille contemplative mais désintéressée. Le son qu'elle essayait réellement de capter était tout autre. Ce n'était ni sa philosophie amer, ni son ricanement sinistre, ni le murmure de la pluie que son ouïe cherchait à atteindre, mais un son bien plus lointain. Celui d'une potentielle présence qui pourrait surprendre le duo. Une autre âme à la recherche du masque de la lune. Un éventuel client. Mad Moon s'était arrêté de marcher, son regard lasse se noyant dans une flaque devant elle mais ses oreilles aux aguets. Ces nuits-là, elle devait toujours garder le contrôle. Le contrôle de tout. Absolument tout.

Mais aucun bruit intrusif ne semblait se tapir en arrière-plan. Tant mieux. Ses rencontres nocturnes ne s'éternisaient généralement pas, contrairement à celle de cette nuit-là. Elle ne voulait pas avoir à gérer deux personnes en même temps, son attention était déjà bien trop sollicitée avec une seule. Et avec lui tout particulièrement. Cet homme, aussi manipulateur qu'elle, s'amusait à dilater le temps avec ses non-dits. Ce temps qui, similaire à chaque chose dans cet univers, n'avait rien d'éternel.

-  A votre avis, pourquoi épargnerait-elle des vies, et d'autres pas ? Sur quelle base nous choisit-elle ?

- Est-ce seulement la Mort qui nous choisit ? répondit Mad Moon d'une voix toujours plus rauque, toujours plus étouffée par la toux qu'elle retenait et le regard toujours plongé dans la flaque miroitante. Ne serait-ce pas plutôt la Vie qui nous rejette l'un après l'autre ? Cette Vie qui joue avec nous comme avec de misérables pantins auxquels on infligerait mille fléaux avant de se lasser du spectacle.

Mad Moon fit un pas en avant et la semelle de sa botte vint s'écraser dans la flaque.

- Alors, peut-être que c'est bien la Mort qui vient couper nos ficelles, mais, au final, celle qui les tire n'est-elle pas plus détestable encore ? Elle releva ses yeux clairs pour les planter dans ceux de son interlocuteur. La Mort ne fait souffrir que ceux qu'elle abandonne à la solitude, pas ceux qu'elle emporte.

Le visage de sa mère apparu dans la pénombre. Puis, celui de son père. Et le manque, encore plus sinueux que celui de la Sélidoine, lui rappela une fois de plus que son cœur à elle battait encore. Les deux visages s'effacèrent pour laisser place à ceux de ses deux petits frères. C'était pour eux deux qu'elle devait maintenir les battements dans sa poitrine. Pour eux qu'elle devait se battre contre cette Vie impitoyable.

Mais certains combats, parfois échouaient. Comme celui qu'elle menait avec son début de maladie depuis le début de cette entrevue. Son visage se crispa et la toux se fraya enfin un chemin jusqu'à la surface. Une toux grasse et rauque, à peine étouffée par son masque. Instinctivement, elle porta une main jusqu'à sa poitrine et s'inclina un peu en avant. Avant qu'elle ne se redresse, l'angoisse parcourut son regard. La faille était créée. Mais ne venait-elle pas de sous-entendre qu'elle ne craignait pas la Mort ? Du moins, c'était sur cette pente qu'elle décida de s'aventurer, car la peur, jamais, ne devrait briser son masque.

- Alors, cette maladie, est-ce la Vie ou la Mort qui nous l'inflige, hein ? demanda-t-elle d'un air songeur, appuyé par une vague rotation du poignet amenant sa paume vers le ciel. Hélas, ni toi ni moi n'avons la réponse à cette question, alors ne gaspille pas plus longtemps ta salive et dis-moi ce que je désire réellement savoir : qu'attends-tu de moi ?

Elle remit les mains dans ses poches et se positionna face à lui, droite et déterminée, sous le regard indiscret de la lune.

Alaric Saldsal
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Alaric Saldsal
Alaric Saldsal
Alaric Saldsal
MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptySam 21 Déc - 22:43

Alaric connaissait par coeur toutes les techniques pour se servir de ses points forts, et comment exploiter les faiblesses des autres. Il maîtrisait son corps à la perfection et quant au silence, il était son terrain d'amusement favori et son fidèle allié. Presque aussi puissant que les mots et aiguisé que son esprit.

Mais Mad Moon savait manier les motsaussi et sa réponse lui tira un sourire éclatant. Il avait toujours les pouces coincés dans sa ceinture mais il les retira et applaudit machinalement, en poussant un léger sifflement d'admiration formidablement bien imitée :

- Je vois que nous sommes d'humeur philosophique, ce soir, Mad Moon... Mais je préfère considérer que je suis maître de mon destin.

Il eut une mimique un brin moqueuse, pile au moment où son interlocuteur faisait un pas en avant et que sa botte tombait dans une flaque d'eau. Il ne le voyait toujours pas mais il l'entendit clairement, aux cliquetis caractéristiques des éclaboussures.

- ... je crois que nous avons cependant des opinions très différentes, toi et moi. Je connais mille et une manière de faire souffrir.

Et la Sélidoine en était une non négligeable. Il avait trop souvent vu à quel point cette poudre rouille flinguait les neurones pour croire le contraire. Et c'était à force de voir des drogués se rouler par terre à cause du manque qu'il avait décidé que jamais, au grand jamais, il ne toucherait à cette poudre maudite.

Il allait ajouter quelque chose quand soudain, Mad Moon se plia en avant et qu'une toux grasse et rauque lui déchira la cage thoracique. Une main sur la poitrine, son interlocuteur toussait et il n'en pas davantage à Alaric pour comprendre la situation : le célèbre dealer Mad Moon - il fallait bien choisir un sexe quand on ne savait pas qui se cachait sous le masque ! - était malade.

Pourtant, Alaric ne bougea pas. Au contraire, il garda ses yeux braqués devant lui et il décela la lueur de peur dans l'attitude de l'autre quand la toux termina enfin.
Alaric eut un léger sourire amusé. Voilà, il avait ce qu'il voulait : un point de pression. Même si, en soi, il prenait des risques. Plus on côtoyait la maladie, plus on risquait de tomber malade.

Si Alaric avait été prudent, il aurait fait demi-tour immédiatement. Mais personne n'avait jamais dit qu'il était prudent. Il avait l'occasion de conclure une affaire. Jamais, ô grand jamais, il ne fuirait devant une telle chance, même s'il s'agissait d'une maladie mortelle.

Alors, au lieu de partir en courant, il se décolla du mur et fit un pas en avant pour se planter à quelques centimètres de Mad Moon seulement.

- Plus je te regarde, plus je me demande ce qui peut bien se cacher sous ce masque, au juste...

Il fit un geste vers son visage, comme pour lui retirer son masque - davantage pour lui faire peur et le pousser dans ses retranchements - mais il s'arrêta à quelques centimètres avec un sourire. Et il laissa retomber son bras le long de son corps, sans insister. Il eut un court ricanement.

- Ne gaspille pas plus longtemps ta salive et dis-moi ce que je désire réellement savoir : qu'attends-tu de moi ? coupa alors Mad Moon durement.

Alaric décida de cesser de tourner autour du pot. Fini les ronds de jambe, l'heure était désormais à la vérité.

- Tu l'as compris : mon fournisseur est mort, de la même maladie qui te ronge en ce moment même. J'ai besoin de Sélidoine et je crois que tu peux m'en fournir.
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MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptyLun 9 Mar - 16:49


Printemps de l'an 300


Le temps s'effilait et la jeune masquée se laissa emportée par l'instant pour valser au centre de la piste philosophique qui s'ouvrait devant elle. Et pendant ce maigre instant, son business s'effaça de son esprit derrière une amertume de plus en plus opaque. La vie était cruelle. La douleur était sinueuse. La maladie des plus vicieuses. La voilà, son amertume, glissant élégamment sur de gracieuses courbettes du langage.

Des applaudissements. Creux. Reflétant la misère qui tentait de se frayer un chemin derrière ses allures nobles. Elle écrasa la flaque devant elle dans ce même élan de sarcasme, autant pour appuyer ses propos que pour s'intimer intérieurement de se taire. Elle n'était pas là pour philosopher. Non. Elle était là pour sa survie.

Survie qui, une fois de plus, lui rit à la figure en comprimant sa trachée pour forcer une toux inopportune. Un premier masque de tombé mais elle ne laisserait rien paraître. Rien de son angoisse. Car son assurance, elle, tenait encore bon.

Et celle de son interlocuteur aussi. Un peu trop même.

- Plus je te regarde, dit-il soudain, plus je me demande ce qui peut bien se cacher sous ce masque, au juste...

Accompagnant ses paroles, sa main se leva vers le visage de Mad Moon.
Prévisible.
Tous, voulaient savoir. Beaucoup essayaient. Mais personne n'achevait jamais ce geste. S'ils venaient au rendez-vous de la lune, c'était qu'ils avaient besoin d'elle. Et ils savaient, tous, qu'en lui ôtant son masque, ils allaient à l'encontre de leurs propres intérêts.

Alors, Madilyn, sous les traits de la lune, avait appris le contrôle de soi. Elle avait appris à dompter le lion intérieur qui menaçait de rugir à la moindre menace et à retenir le lièvre qui tentait de fuir.
Elle ne recula pas. Ne prononça pas un mot.
Seule sa main, prudente, vint s'élever en miroir à celle qui lui faisait face pour s'opposer à ses doigts insolents. Comme un mur ganté qu'on dresse en avertissement mais dont la légèreté le rend vulnérable à la moindre offensive. Si Jerem voulait réellement lui retirer son masque, il n'en aurait pas grand mal. Mais là n'était pas l'intention première de sa venue. Alors, Madilyn savait exactement comment protéger son identité : continuer à négocier. Recentrer l’intérêt de son interlocuteur sur ce qui l'intéressait vraiment.

Ses paroles se firent claires, son ton se fit ferme. L'instant n'était plus aux divagations, mais bien à la négociation.

- Qu'attends-tu de moi ?

La main du jeune homme s'abaissa et il capitula enfin face au sérieux que prenait la conversation. Plus de plaisanteries, l'heure était au concret.

- Tu l'as compris : mon fournisseur est mort, de la même maladie qui te ronge en ce moment même. J'ai besoin de Sélidoine et je crois que tu peux m'en fournir.

Mad Moon s'autorisa à présent un pas en arrière pour remettre de la distance avec l'autre dealer, tout en laissant un rire sarcastique se faufiler dans les airs. Puis, elle soupira et répondit à un rythme lent :

- Premièrement : je ne fournis pas. Je vends. À prix fort et à petite dose. Mais ce n'est pas à toi que je vais expliquer les bases du métier de dealer, n'est-ce pas ?

Eh oui, Mad Moon évoluait dans le même milieu que Jerem. Déçu ?
Elle ne savait pas quels chemins empruntaient les rumeurs jusqu'à la ville pour subir de telles déformations, mais Mad Moon était loin d'être un fournisseur. Fallait-il encore se douter que ce n'était qu'une simple mineuse sous ce masque.

- Ensuite, je ne vends pas de la Sélidoine classique.

Sa Sélidoine était plus travaillée, plus raffinée. Plus légère. Moins addictive. Mais ça, elle ne le révélerait pas.  Ça la concernait elle et Klaus. Son commerce à elle et son projet à lui. Jerem n'avait rien à faire là-dedans.

- En résumé, je ne te fournirais aucun stupéfiant ce soir. Mais...

Mais elle devait continuer à stimuler son intérêt car elle savait qu'il n'avait pas fait tout ce chemin pour repartir les mains vides.

- Mais, je peux éventuellement te donner un nom.

Celui d'un nouveau fournisseur. En vie, normalement. À voir ce que ce Jerem proposait en échange.

Alaric Saldsal
Contrebandier
Alaric Saldsal
Alaric Saldsal
Alaric Saldsal
MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptySam 21 Mar - 9:41

Quand il tendit la main en direction de son masque, Alaric s'était attendu à beaucoup de choses, beaucoup de réactions différentes... mais dans son esprit, aucune ne ressemblait à ce que fit Mad Moon dans la réalité. C'est-à-dire, très exactement : rien du tout. Hormis lever la main face à la sienne, juste au cas où il irait au bout de son geste. Leurs doigts étaient si proches qu'ils se touchaient presque.

Ce que son interlocuteur ne savait pas, c'était que même si Alaric lui avait réellement retiré son masque, il aurait été incapable de le reconnaître en le croisant dans la rue une nouvelle fois. Alors non, il n'allait certainement pas prendre le risque de le faire.

En fait, il cherchait surtout pour tester le courage de Mad Moon. Et il devait bien dire que l'expérience venait de fonctionner - et dans le bon sens du terme. Oui, il était impressionné de ce sang froid implaccable. Parce que retirer son masque à Mad Moon, c'était comme remettre la main sur le vrai nom d'Alaric.

Dans les deux cas, ce serait fissurer toute une couverture, soigneusement construite et entretenue durant des années, au prix d'efforts innombrables. Certes, Alaric n'avait pas un sens de la morale très prononcée mais il en avait suffisamment pour respecter cela. Il laissa retomber sa main avec un hochement de tête qui signifiait son respect.

Il jugea que les mots étaient inutiles et que son interlocuteur avait compris ce qu'il venait de faire passer.

Mais l'heure était aux choses sérieuses, désormais. Plus le temps de philosopher sur le destin ou d'exprimer son respect. Il s'agissait maintenant de conclure un marché. Et un marché qui soit intéressant pour lui avant tout. Il était bien décidé à mettre en jeu toute son intelligence ce soir... Sauf que les mots qui sortirent de la bouche invisible de Mad Moon - cette bouche qui se cachait derrière ce masque - le prirent au dépourvu.

- Premièrement : je ne fournis pas. Je vends. À prix fort et à petite dose. Mais ce n'est pas à toi que je vais expliquer les bases du métier de dealer, n'est-ce pas ?

Durant une seconde, Alaric garda le silence, le temps de mesurer ce que cela remettait en question dans ses projets. A bien y penser, pas mal de choses. Pourtant, il ne perdit pas son sourire. Au contraire. Il grandit encore lorsqu'il déclara avec un air sarcastique :

- Oh non, inutile de me les enseigner, crois-moi. Je les connais toutes par coeur.

La seconde d'après, son esprit tournait de nouveau à plein régime pour essayer de trouver une solution aux nouvelles qui venaient d'arriver - et qui arrivaient encore. Il lui fut tout de même reconnaissant de lui éviter tous les ronds de jambe.

Un fournisseur, il en avait besoin d'un nouveau, et très rapidement. Et si Mad Moon ne pouvait pas lui fournir la came, il n'avait rien à faire ici. Il y avait sûrement bien d'autres dealers pour lui donner des pistes de recherche.

Il allait s'éloigner, sans même saluer - pourquoi dirait-il merci, alors qu'il n'avait rien obtenu pour l'aider ? - quand sa voix l'arrêta :

- En résumé, je ne te fournirais aucun stupéfiant ce soir. Mais... mais, je peux éventuellement te donner un nom.

Alaric se figea aussitôt, le pied en l'air. Il le reposa lentement et pivota sur ses talons pour refaire face au dealer, les sourcils légèrement froncés.

- Un nom ? quel genre de nom ?

Non pas qu'il n'en voulait pas, il voulait être certain qu'il ne perdrait pas plus son temps que ce n'était déjà le cas en s'attardant dans les parages. Et puis, la plus petite information n'était jamais gratuite - même si ce n'était qu'un nom - et cela, il était loin de l'ignorer.

- Quel est ton prix, pour me fournir ce nom ? Je veux savoir ce que tu demandes avant de le savoir.
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Ouvrière
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MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptyDim 22 Mar - 14:39


Printemps de l'an 300


À la menace, Mad Moon réagissait avec toute la retenue qu'elle possédait. Son masque, ce n'était pas seulement le bout de tissu qui mangeait la moitié de son visage, son masque c'était aussi – et surtout – son attitude. Son assurance. Son ton. Ce mélange subtil qui faisait que la jeune fille fragile qu'elle était se faisait miraculeusement respecter sous cet autre jour.
Miraculeusement. Non, en fait ça n'avait rien du miracle. C'était du travail sur soi. De l'endurcissement qui finissait par forger le cœur de tout minier qui s'accrochait depuis ses premiers pas à sa survie. Une maîtrise de soi dont elle se revêtait presque aussi naturellement que de sa tenue de minière et qu'elle entretenait jusqu'à être à nouveau seule. Jusqu'à ce que sa carapace puisse enfin voler en éclats suite aux battements incessants de son angoisse. Mais ça, en public, jamais.

Alors qu'elle resta droite et ne cilla pas face à la provocante tentative de Jerem de lui ôter son masque, elle crut apercevoir une lueur nouvelle masquer l'arrogant sarcasme de son regard. Une lueur qui s'accompagna d'un hochement de tête et qui, sans un mot, voulait tout dire. Et elle comprit que le moment des affaires était enfin venu.

La requête du jeune homme, toutefois, lui arracha un rire ironique. Quel dommage, tout ce chemin pour rencontrer un fournisseur qui n'était en fait qu'un dealer. Mieux encore, une dealeuse. Mais sur ce point-là, elle entretenait encore et toujours le mystère en faisant résonner les notes les plus graves de son timbre dans sa réponse.

Une réponse qui fut sans appel. Ce soir, pas de jolie poudre rouge, non, elle ne lui fournirait rien. Hormis, peut-être, quelques lettres prêtes à former ensemble ce qu'il cherchait vraiment.

- Un nom ? quel genre de nom ?

Alors que le dealer des souterrains s'apprêtait à repartir bredouille, cette ultime proposition vint stopper son élan. Mais il connaissait ce métier-là par cœur - comme il lui avait certifié la minute d'avant -, il savait donc qu'ici-bas, rien n'était gratuit.  

- Quel est ton prix, pour me fournir ce nom ? Je veux savoir ce que tu demandes avant de le savoir.

Reprenant de sa superbe, un léger sourire fleurit sur les traits négociateurs de Mad Moon. Les « clients » qui pigeaient vite, elle appréciait. Elle prit un léger temps avant de répondre, comme pour réfléchir, mais l'idée était déjà toute formée dans son esprit. Son commerce, à elle, c'était plus que la Sélidoine. C'étaient les rumeurs. Elle racla sa gorge tout irritée et annonça :

- Un nom, celui d'un fournisseur. Et je te propose de te donner cette information contre... une autre. Qu'en dis-tu ? Je t'offre la piste dont tu as besoin et en échange tu me révèles quelques secrets enfouis dans les souterrains.

Cet endroit était son terrain de jeu, non ? Et qui disait souterrain disait moyen d'accéder au Centre.

- Des informations précieuses sur la ronde des Autorités, des passages non surveillés, par exemple...

Mais qui disait souterrain disait surtout face cachée de la Ville. Et, plus particulièrement, de Draümstadt, le centre luisant d'hypocrisie de cette ville moisie jusqu'à la moelle.

- Ou bien – et elle planta son regard dans celui de l'autre contrebandier pour insister sur cette option-là - , des potins croustillants sur certains de tes clients. Enfin, ceux dont le nom est assez noble pour qu'on ne s'attende pas à les voir mettre leurs pieds vernis dans les égouts, bien entendu.

La requête avait peut-être des allures innocentes, un brin enfantines, mais c'était là que reposait tout le business de la jeune fille. Madilyn n'y connaissait pas grand chose à la hiérarchie qui s'établissait de l'autre côté du mur, mais, comme tous les habitants de Draümbell City, elle connaissait certains noms, ceux qui étaient précédés par leur réputation, ceux qu'on voyait chaque semaine dans les journaux. Les gens importants. Oui, c'étaient les vices de ces gens-là qui l'intéressaient. Ou, plutôt, qui intéressaient la sous-classe emplit de haine et de jalousie dans laquelle elle vivait. Une information de ce genre, elle pourrait la vendre chère dans le coin. Elle se dispersait ensuite en une traînée de poudre et secouerait les Faubourgs pendant quelques semaines. Puis disparaîtrait aussi vite qu'elle fut arrivée. Les rumeurs, c'étaient peut-être bien ce qu'il y avait de plus éphémères dans une ville comme celle-ci.

Mais Jerem avait-il seulement des clients de la Haute ? Elle nourrissait probablement cette idée-là d'espoirs vains mais au moins, elle avait tenté et, cas échéant, elle pourrait toujours lui proposer un prix plus classique. Un peu d'argent, ce n'était jamais de refus, surtout pas chez les Page.

Alaric Saldsal
Contrebandier
Alaric Saldsal
Alaric Saldsal
Alaric Saldsal
MessageSujet: Re: Les rumeurs mentent, parfois...   Les rumeurs mentent, parfois... EmptyJeu 7 Mai - 11:02

Mad Moon avait touché juste, et ils le savaient tous les deux.

Ils savaient tous les deux que désormais, Alaric ne partirait pas sans ce nom. Que quelque soit le paiement exigé, il le paierait parce qu'à ses yeux, ses affaires étaient plus importantes. Mais cela signifiait aussi quelque chose de très simple - et que Mad Moon aurait été bien naif d'ignorer : Alaric n'était pas - ou plus - en position de force. Au contraire. Son interlocuteur menait la danse, à l'heure actuelle, c'était évident.

Le nom d'un fournisseur.

Une information contre une autre.

Alaric n'avait pas beaucoup à hésiter pour accepter. Oui, c'était un marché qui lui convenait grandement. Il eut un sourire éclatant de dents blanches - peut-être qu'il n'était pas si en position de faiblesse que cela, au final ? - et tendit la main pour serrer celle de Mad Moon.

- Parfait, c'est équitable. J'accepte.

Mais bien entendu, le paiement devait venir avant. Question de principe, c'était universel dans le commerce. On payait, et on obtenait ensuite. Mais quel genre d'informations pourrait intéresser Mad Moon, au juste ? Alaric aurait aimé pouvoir détailler son visage pour le deviner, mais avec ce masque et sa vue défaillante, c'était peine perdue. Alors, il dut se résoudre à attendre que la demande soit formulée.

- Des informations précieuses sur la ronde des Autorités, des passages non surveillés, par exemple...

La ronde des Autorités. Des informations sur les souterrains. Oh, si peu ? Alaric était presque déçu que le célèbre Mad Moon se contente de ... cela. Car oui, bien entendu, les informations se vendaient à prix d'or. Et Alaric en avait une ou deux qui valaient plus cher qu'une vie. Pour lesquelles certains auraient été prêts à tuer pour les connaître. Mais soit.

Admettons. Des informations sur les souterrains, il avait de quoi satisfaire ses plus grandes attentes...

Il allait ouvrir la bouche quand la voix le coupa de nouveau :

- Ou bien, des potins croustillants sur certains de tes clients.

Un sourire carnassier éclaira les lèvres d'Alaric. Il fit un pas dans sa direction. Ah ! Voilà !

- Eh bien ! J'ai cru que tu allais te contenter des souterrains... Cela aurait été fort dommage comparé à... ce que je peux te dire.

Encore un sourire.

Oh que oui, il avait l'information idéale. Celle qui, assurément, ferait le poids contre ce nom qu'il voulait. Il fit une pause pour conserver son effet. Toujours le préserver, l'alimenter. Faire patienter ses interlocuteurs. Le jeu des apparences était très prisé, autant que celui des mots. Tout résidait ici : faire croire. Même là, au milieu des rues sales, boueuses et sous la pluie, entre lui et Mad Moon, tout n'était qu'apparences. Cette ville n'était que tromperies.

- Devine qui est venu m'acheter de la Sélidoine, l'autre jour... ?

Une autre pause. La question était purement rhétorique alors il n'attendit pas sa réponse pour enchaîner :  

- Lukàs Von Rosen en personne. Dans les égoûts. A se défoncer les neurones devant moi.

Il eut de nouveau un sourire et guetta sa réaction. Puis, enfin, il reprit :

- Maintenant que je t'ai donné mon paiement... A ton tour de me donner ce nom.
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