Les héros ne portent pas toujours une cape.

Qu'elle heure était-il ?
Gaël n'en savait rien mais au vu de la noirceur du ciel, la nuit devait déjà être bien entamée. Mais il s'en foutait bien car sa seule préoccupation était les putains de douleurs qu'il ressentait. Il eut d'ailleurs un petit sourire ironique en y pensant... Putain de crevards.

Une heure plus tôt il était sur le ring pour un combat clandestin, et il menait d'ailleurs assez bien la danse en évitant les coups et en les renvoyant en pleine poire de son adversaire. Sauf que certains ne sont pas fair-play. Alors qu'il allait donner un coup de poings à son opposant, deux autres types étaient montés sur le ring pour le frapper par derrière. Et de surprise Gaël était tombé au sol et avait été rué de coups pendant plusieurs minutes avant que la sécurité n'intervienne pour foutre dehors les trois hommes qui n'avaient pas respectés les règles du combat. C'était des un VS un, par une attaque de groupe. Du coup Gaël avait bien morflé et avait d'ailleurs toujours du mal à respirer et à se tenir droit. Crétin et arrogant comme il était, il avait refusé à ce que le gérant contact un docteur pour venir regarder ses blessures, et il avait simplement quitté l'entrepôt sans demander son reste - mais en piquant quand même un bouteille de whisky histoire de combler ses blessures.

C'était très rare les fois ou Gaël étaient vraiment mal en point mais là, et bien il douillait sévère. Il marchait avec difficulté dans la rue, et en prime il était bourré car il avait déjà bu la moitié de la bouteille pour que l'alcool lui fasse penser à autre chose que la douleur, au moins le temps qu'il rentre chez lui. Il devait se tenir aux murs pour marcher droit et ne pas tomber au sol. Gaël saignait de l'arcade, il avait un œil qui commençait à tourner vers le violet et plusieurs bleus visibles sur les bras et le torse car sa chemise était ouverte. Ha, une sacrée dégaine.

« Hé, on en a pas fini avec toi. ». Il s'arrêta alors de marcher, courbé comme il n'arrivait pas à se tenir droit et qu'il avait une main sur son ventre, tenant également la bouteille. Gaël se retourna pour faire face aux trois hommes, avec un sourire insolent. « Bah alors les filles, vous voulez tâter mon corps ? ». Il était d'un naturel provocant mais alors lorsqu'il avait bu... c'était bien pire. Pourtant il se rendait bien compte qu'il n'était pas du tout en état physique pour se défendre, et que bourré comme il était il n'arriverait même pas à fuir. Mais Gaël s'en moquait. Inconscient et totalement con sur l'instant, il regardait les hommes s'avancer vers lui en gardant son sourire narquois... qu'il garda toujours lorsque son dos vint heurter le mur parce qu'il venait de se prendre un pain dans la gueule, lui faisant alors cracher du sang. « Ohhh... c'est tout ce que vous avez ? » Il tenait toujours la bouteille dans sa main et il souriait, venant maintenant boire une gorgée qui lui arracha une grimace de douleur.

Il était tard. La lune, qui aurait dû éclaire la saleté des rues, était masquée derrière un voile nuageux aussi épais que du coton et aussi noir que le charbon qu’on extrayait des mines. De vieilles lanternes usées tentaient avec moult difficulté d’éclairer les chemins et les rues dans un clignotement témoignant du vent froid de l’hiver. Et pourtant, les bruits nocturnes avaient emplies les rues de la ville, se répercutant contre les vieilles pierres, incapables de laisser place à un réel silence nocturne et paisible. Draümbell ne dormait jamais bien profondément. Un peu comme lui, en quelque sorte.

Nishiki sortait à peine du travail, reprenant lentement la route de son propre logement. Rares étaient finalement les nuits qu’il ne passait pas au domaine, mais quand il n’y avait strictement plus rien à faire pour l’occuper – ce qui commençait à être le cas –, il prenait en général la route de chez lui pour quelques heures, loin des regards potentiels de ses collègues. Quand il ne sortait pas simplement courir en attendant l’aube et le début d’une nouvelle journée. D’autres fois, comme c’était le cas ce soir, il se contentait de simplement un peu traîner dans les rues, rallongeant son trajet car il savait qu’il n’aurait pas beaucoup plus d’occupation chez lui, ou n’avait pas forcément plus envie que ça d’y être.

Non, ce à quoi il ne s’attendait pas par contre, c’était à tomber nez à nez avec ce qui lui sembla, dans l’obscurité et à l’odeur, un bon vieux combat d’ivrognes. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas entendu les signes pourtant précurseurs qu’étaient les voix grasses et bruit de coups et d’énervement assez caractéristiques. Perplexe, le regard du valet balaya les quatre hommes – dont un visiblement bien mal en point et qui était visiblement la victime de la soirée pour ce qu’il pouvait en comprendre. Shiki se surprit à hésiter. Sa vieille carcasse était fatiguée et il n’avait clairement aucune envie de s’engager dans un combat… Mais il ne pouvait décemment pas laisser quelqu’un se faire tabasser sous ses yeux.
Quoi qu’il aurait reconnu ce quelqu’un en question un peu plus tôt, il se serait peut-être abstenu. Une chance, sans doute, que la lumière fut bien trop faible pour qu’on discerne convenablement ses traits. Il soupira.

Il fut sur les trois agresseurs, trop concentrés pour l’avoir vu arriver, en seulement quelques grandes enjambés. Il attrapa le plus proche de lui par le bras et lui appliqua un mouvement de torsion brusque vers l’arrière. L’articulation de l’épaule se déboita avec un "pop" précédé du cri de douleur qui allait avec. Le valet se contenta d’un petit croche-patte pour le faire tomber au sol et passer au suivant. Alerté par le hurlement de son petit camarade, il était en train de se retourner quand Nishiki arriva à sa hauteur. Il profita du mouvement de l’agresseur pour l’amplifier et lui faire perdre l’équilibre. Le gars s’écrasa lourdement au sol et son menton heurta les pavés boueux… Ah. Mauvais calcul. Eh bien il n’allait pas se réveiller avant un moment celui-là. Bon au moins il ne ferait pas de bruit, un seul suffisait. D’ailleurs, quand il commença à avancer vers le troisième – qui avait assisté à presque toute la scène, ce dernier recula d’un pas et, après un dernier regard à ses soi-disant copains, décida qu’en fait, il valait mieux se faire la malle.
Un problème en moins.
Il n’avait même pas froissé sa veste.

Enfin, le valet se tourna vers la pauvre victime, appuyée sur le mur. Il s’approcha, s’apprêtant à lui offrir son aide et lui demander comment ça allait – une question assez idiote en soit vu l’allure de la silhouette – mais il s’arrêta dès qu’il reconnut son visage.
Qu’est-ce que tu fous ici dans cette situation ?
Nishiki resta silencieux, toisant silencieusement Gaël. Il empestait le sang, la sueur et l’alcool à des kilomètres et il se posa sincèrement la question de le laisser se débrouiller tout seul tout en sachant que même avec lui, il n’aurait pas pu complètement s’y résoudre sans un minimum d’état d’âme.

- Je ne veux même pas savoir. Debout.

Il lui attrapa le bras avec une légère grimace en sentant le sang poisseux sous doigts et le força à se remettre debout et à avancer, se demandant malgré tout ce qu’il allait en faire…

Provoquer les trois agresseurs n'étaient pas vraiment une bonne idée, mais qui pouvait en vouloir à Gaël qui était totalement bourré et que par ce fait, ne sentais -presque- plus la douleur ? Merci alcool, Dieu des miséreux. En tout cas les trois assaillants étaient sur lui en train de lui offrir quelques généreux coups qui ne faisaient pas le plus grand des bien à Gaël vu qu'il commençait à cracher du sang à répétition. Il aurait voulu lâcher une blague pour détendre l'atmosphère ou du moins se détendre lui et se dire qu'il n'allait pas bêtement mourir ici comme un con. Mais bon sous les coups il était bien incapable d'ouvrir la bouche, ou alors seulement pour lâcher quelques râles de douleurs.

Et puis comme un phare dans la nuit, voilà qu'une silhouette s'était joins à la danse. Un autre type en rogne contre Gaël qui venait profiter du fait qu'il soit en mauvaise posture pour lui péter les dents ? Que nenni. Très vite il se sentit comme libérer. Les mains et les pieds qui étaient sur lui quelques secondes plus tôt s'en étaient allé, et même si Gaël n'avait rien suivit de la petite baston entre son sauveur et les agresseurs et bien il se sentait quand même vachement reconnaissant de pas avoir fini dans un caniveau. Comme quoi le karma.

Il avait du mal à voir, dû à son œil gonflé mais il reconnu la voix de Nishiki. Un petit sourire satisfait et totalement provocant était donc apparut sur la sale gueule défoncée de Gaël qui même dans une situation comme celle-ci ne pouvait se retenir d'être un con. « Toujours le bon timing. » Il se laissa faire lorsque Nishiki lui attrapa le bras pour le relever car clairement Gaël n'était pas en était de s'opposer à la volonté d'autrui. Il faisait le fier avec son petit sourire mais il douillait sévère quand même, et cela pouvait ce voir par les petites grimaces de douleur qu'il laissait échapper et surtout par son corps et sa gueule totalement fracassé.

Sans demander, Gaël prenait appuie sur Nishiki pour tenter de ne pas tomber au sol comme une merde. Il se tenait à l'épaule de son ancien supérieur en grimaçant et ayant du mal à respirer. « Alors Nishiki, toujours la pour sau.. » Il arrêta sa blague en court de route. "Toujours la pour sauver les autres." Il avait apprit la mort d'Elena De PontMercy il y a un ou deux mois et même si Gaël aimait jouer la carte de l'insolence il se disait que ce genre de blague n'était pas adaptée pour le moment. Nishiki avait perdu quelqu'un d'important pour lui et Gaël se mettait à sa place. Si lui perdait Lukàs, il ne s'en relèverait pas. Il enchaîna alors, détournant le regard. « Putain, ils m'ont pas loupé. » Et comme pour guérir ses blessures Gaël porta une nouvelle fois la bouteille à ses lèvres, buvant quelques grosses gorgées.

Shiki aida le valet royal à tenir debout, supportant en grande partie son poids et le laissant s’accrocher à son épaule sans se donner la peine de lui répondre. Il avait dit vrai : moins il en savait et mieux il se porterait. Nishiki avait pourtant conscience des capacités de combat de son collègues et il doutait sérieusement que trois misérables aient simplement pu lui infliger une telle… humiliation. Il n’avait pas vraiment d’autre mot pour décrire l’état dans lequel Gaël se trouvait. Il n’était pas certain qu’il l’aurait retrouvé complètement vivant le lendemain s’il avait laissé les trois imbéciles le castagner à souhait.
C’était un peu comme quand on trouvait un serpent venimeux blessé, on ne savait pas trop s’il fallait le laisser agoniser dans son coin ou essayer de l’idée, quitte à se faire mordre.

- Laisse-moi deviner, ils te sont tombés dessus par hasard et tu ne l’avais pas du tout mérité je suppose.

La question entièrement rhétorique, plus forte que lui, lui échappa sur un ton condescendant qu’il ne prit même pas la peine de dissimuler. Il grimaça légèrement en essayant de se rééquilibrer avec le poids de Gaël, l’attrapant par la hanche pour l’aider à avancer comme il le pouvait. Il fallait avouer qu’il était plus embêté par le fait que sa veste allait être complètement foutue par le sang de son congénère que par son état.
En le voyant réussir à attraper la bouteille, il fronça les sourcils, son visage se fermant un peu plus et il prit la peine la faire volet d’un simple geste du bras. Elle alla s’écraser froidement sur le parvis de la rue.

- Si tu peux boire, tu peux marcher. Je t’enverrais la facture pour les vêtements.

Il soupira et releva la tête pour surveiller la rue – il ne savait pas combien les agresseurs étaient au début et il craignait ne pas être à l’abri d’une tentative de revanche puisqu’un d’eux avait sans grande difficulté réussit à se faire la malle.
Et il se demandait aussi ce qu’il allait faire de Gaël. Le mieux aurait été de l’emmener voir un médecin, mais il n’en connaissait qu’un… et il n’était pas forcément à la porte d’à côté. Il n’était pas non plus sûr de vouloir que ces deux individus se croisent… Il était même persuadé qu’il préférait éviter toute interaction de Gaël et des gens qu’il considérait comme proche.  Mais il n’avait du coup qu’une seule autre opportunité en tête et… et bien elle lui déplaisait tout aussi fortement. Mais bon, il valait tout de même mieux l’avoir chez lui qu’au beau milieu de la rue à se vider de son sang au milieu des ordures.

Nia nia nia "ils te sont tombés dessus par hasard et tu ne l’avais pas du tout mérité je suppose" ...
Bon certes, si Nishiki n'avait pas fait cette remarque Gaël aurait sans doute dit quelque chose de ce genre, comme quoi ce n'était pas de sa faute et qu'il ne méritait absolument pas un tel traitement, qu'il était simplement la victime dans cette situation. Mais non, l’ego du valet était touché d'autant plus qu'il était complètement bourré. « Figure toi que non. J'ai plus ou moins cherché la merde... » Il continuait de s'appuyer sur Nishiki, tournant maintenant un petit regard taquin vers lui avec un sourire qui se voulait totalement charmeur mais au vu de sa gueule défoncée cela ressemblait plus à un chat qui crachait une boule de poil. « Mais c'est ce qui fait mon charme, hein ? » Après tout le style mauvais garçon était à la mode non ? En tout cas les minettes avaient l'air d'apprécier ça, et ça ne laissait pas non plus les messieurs indifférents. Enfin, ça dépendait lesquels bien sur.

Mettons ça sur le compte des litres d'alcool qu'il avait ingurgité, mais la scène de la bouteille volante qui venait de s'écraser et de se briser au sol fut comme au ralentis pour Gaël. Ses yeux - son seul œil valide en réalité - s'étaient ouvert en grand et il aurait presque pu lâcher un "noooooooon" d'agonie en voyant sa précieuse bouteille se faire propulser par Nishiki. Mais non, il se contenta de rester silencieux parce qu'il se doutait bien que le valet de De Clèves pourrait lamentablement l'abandonner en pleine rue. « Gnegensjern.. » L'alcool faisait des ravages, et quelques mots de Gaël se perdaient dans un hoquet laissant sortir une odeur horrible d'alcool de son gosier. Mais il tenta de se reprendre en se raclant la gorge. Il se sentait ridicule et pour cause : il l'était totalement. « Désolé. » C'était le mieux qu'il pouvait faire pour l'instant, s'excuser de cet état lamentable dans lequel il était auprès de Nishiki qui comme un héros surgissant de nul part était venu à sa rescousse.

Après seulement cinq minutes de marche Gaël fut prit d'une grande envie de vomir. Que faire ? Il sentait que dans quelques secondes il allait recracher une bonne partie de ce qu'il avait bu. Allait-il tourner sa tête sur sa droite, pour faire face à Nishiki ? Hors de question, il se prendrait une déculotté sans pareil s'il venait à gerber sur lui. La meilleure solution était de s'éloigner un peu. « J'crois que j'vais vomir. » Et ça ne tarde pas. Il eut juste le temps de se dégager de Nishiki et de tomber à genoux au sol vu qu'il ne tenait plus sur ses jambes et que ses côtes lui faisaient incroyablement mal, et hop, il laissa évacuer un jet de vomi pas vraiment attirant.

Nishiki essayait tant bien que mal d’avancer, compensant la démarche aléatoire et instable de celui qu’il soutenait. Il ne pouvait que se demander ce qui l’empêchait le plus de marcher droit : la douleur ou l’alcool. Une réponse pourtant bien simple quand on l’entendait – ou sentait – parlé. Quoi que, même sans la moindre goutte d’alcool, Gaël avait toujours eu ce côté fort désagréable. Mais au moins, il reconnaissait qu’il l’avait quand même cherché. Plus ou moins… Shiki n’avait aucun doute sur le côté plus de la question. Mais vu ça manière d’en parler, ce n’était visiblement pas une première fois.

- Le charme d’un ivrogne à moitié mort… Tu repasseras. Certaines choses ne changeront jamais.

Il continua à marcher, essayant de prêter le moins d’attention possible à l’excroissance désagréable qu’il se trimballer. Plus vite ils seraient arrivés chez lui, plus vite il pourrait le laisser décuver dans un coin pour ne plus s’en occuper… Enfin, juste vérifier qu’il continuait à respirer de temps en temps, quand même, c’était un minimum vital. Enfin, ça, c’était dans l’éventualité parfaite où Gaël y mettait du sien… Chose qui n’avait absolument rien de certain. Et quand ce dernier s’écarta brusquement de lui pour s’étaler au sol, il ne chercha même pas à le rattraper, se contentant de s’éloigner d’un petit pas, histoire d’éviter au maximum les projections. C’était toujours ça d’alcool en moins dans son organisme, il fallait voir le bon côté des choses…
Super, il manquait plus que ça…
En se passant sa main non recouverte de sang dans les cheveux, le domestique ne put retenir un long soupir. S’il cherchait un moyen de s’occuper la nuit, il n’aurait tout de même pas été désespéré au point d’en arriver là. Tomber nez à nez avec un Gaël saoul était bien la dernière chose qu’il se serait souhaité, et d’en avoir la charge dans cet état encore moins. Mais bon, il fallait avouer que voir la petite main de Lukàs dans cet état catastrophique lui faisait pitié. Une sensibilité qui avait pourtant du mal à percer la couche de fatigue qui s’accumulait sur ses épaules depuis des semaines. Il avait juste l’impression de se sentir las et blasé. Et pas simplement parce qu’il s’agissait de Gaël en particulier.

- Aller debout. On est bientôt arrivé.

Une fois qu’il eut fini de régurgiter ce qu’il avait à libérer, il l’attrapa à nouveau pour le remettre debout sans chercher à le ménager.

- Je te mets dehors à la première heure demain, t’as intérêt à avoir décuvé d’ici là.

Parce que, bon, il était quand même hors de question qu’il arrive en retard à son boulot à cause de lui. Il faut pas pousser mémé dans les orties.

Vomir était une chose terrible lorsqu'on avait certainement quelques côtés cassées. Pour le coup Gaël faisait moins le malin car il avait vraiment mal. Il se demandait d'ailleurs comment il allait bien pouvoir faire pour assurer son rôle avec Lukàs demain, mais bon il comptait sur la compréhension de son ami pour ne pas se faire taper sur les doigts. En tout cas il se laissa faire une nouvelle fois lorsque Nishiki le releva et le transporta - enfin, qu'il l'aida à marcher.

« Ouais ouais. » Il détourna le regard en grimaçant. Il sentait qu'il devait avoir un peu de fièvre. Super tiens, il espérait que certaines blessures n'étaient pas en train de s'infecter sinon il l'aurait dans le cul. Mais en tout cas oui, Gaël s'en irait le lendemain à la première heure car de toute façon lui aussi devait être au travail et retrouver Lukàs. Et il espérait d'ailleurs se barrer avant le réveil de Nishiki car sinon il savait très bien qu'il allait avoir le droit à diverses remontrances et réprimandes et franchement, il n'était plus un avorton de dix-huit piges à qui on faisait la moral.

Le reste du trajet fut assez silencieux car Gaël ne prenait pas la peine de dire quelques conneries déjà qu'il avait du mal à se concentrer pour marcher droit et respirer. Putain de connards... trois mecs contre un, fallait vraiment être des lâches pour faire ça. Arrivez en bas de chez Nishiki, il daigna enfin adresser un regard à celui-ci tout en soupirant. « J'espère que t'as pas d'escaliers. » À la base il comptait quand même dire un petit mot gentil genre un remerciement de pas l'avoir laissé crevé la gueule ouverte dans la rue, mais c'était trop demandé pour Gaël - enfin pour le moment du moins. C'était sa fierté qui en prenait un coup car lui, le grand Gaël Emery venait de se faire lyncher sévère par trois abrutis et sauver par un homme qu'il détestait par le passé. Comme quoi la vie réserve quelques surprises. En tout cas le supplice des escaliers commençant et à chaque marches Gaël avait l'impression qu'on lui donnait un coup de couteau dans les côtes. « Gn.. » Il laissa échapper quelques râles de douleur tout en s'appuyant encore plus sur Nishiki le prenant comme un soutien. Parce que clairement si là, Nishiki le lâchait et bien il tomberait comme une merde à la reverse et dévalerait tous les escaliers en roulé-boulé, achevant surement de lui briser les os. Mais non, Nishiki ne ferait pas ça... il était bien trop gentil ! Enfin, Gaël l'espérait.

« Tu pouvais pas habiter en rez-de-chaussé ? » Bien les reproches de la par de Gaël. Mais c'était un peu un mécanisme de défense de sa part car lui-même se sentait misérable à ne pas réussir à tenir debout tout seul, alors il fallait bien qu'il montre qu'il avait encore de la ressource pour faire chier les gens, non ?

Ils arrivèrent devant chez lui en quelques minutes supplémentaire et sans autre incident sur la route, outre quelques grognements du blessé que Nishiki se fit un plaisir d’ignorer. En vrai, c’était peut-être ça le plus inquiétant, ne pas l’entendre râler ou protester pendant plusieurs minutes d’affilé. Même si en réalité ça ne dura pas longtemps, puisqu’il reprit au moment où Nishiki était en train de chercher ses clefs pour rentrer chez luis. Ah oui les escaliers…  Autant s’y mettre tout de suite.
Ce fut peut-être la partie compliqué. Derrière la froideur de son expression, Nishiki essayait malgré tout de l’aider un maximum en essayant de ne pas empirer son cas, le portant plus qu’il ne le soutenait réellement, lui laissant un peu de temps pour respirer entre chaque marche. A la manière dont il se tenait, le valet se doutait qu’il avait dû prendre cher au niveau des côtes – en plus du reste – mais il ne pouvait malheureusement pas faire grand-chose en l’état.

- Tais-toi.

Il lâcha Gaël contre le mur le temps d’ouvrir sa porte d’entrer avant de le récupérer pour le faire entrer chez lui, prenant soin de lui faire éviter les murs avant d’aller le déposer sans plus d’attention sur une des chaises en bois et de refermer la porte.
L’appartement n’était pas très grand en soi, la cuisine donnant directement dans un petit salon, avec juste une pièce pour dormir et une salle d’eau… Avec le peu de décoration – quelques cadres avec des photos de sa famille ici et là –, le tout était finalement bien plus fonctionnel et confortable que réellement sentimental. En revenant vers là où il avait lâché Gaël, il passa rapidement par sa chambre pour attraper des vêtements qu’il posa sur un petit comptoir.

- Avant de t’effondrer, fais-moi le plaisir d’aller te passer sous l’eau, je ne veux pas que tu empestes la maison. Et si tu vomis sur le sol je te fous dehors.

Il prit le temps d’enlever sa veste, la postant sur une autre chaise, ainsi que le petit ruban de cuir qui lui attachait les cheveux. Qu’il ne compte pas sur lui pour l’aider à enlever ses fringues, par contre, il n’était pas non plus sa babysitter.

Et voilà que Gaël pénétrait dans l'antre de Nishiki. Jamais de sa vie il n'aurait imaginé qu'un jour il serait chez lui. Il jeta un bref coup d’œil à la décoration presque... inexistante. C'était plus un appartement de fonction qu'un cosy douillé. Gaël était donc dans le salon, adossé au mur en regardant Nishiki faire un peu sa vie et apporter des vêtements qu'il posa sur le comptoir. Il haussa simplement les épaules avec ce sourire si habituel d'insolence qui lui était propre. « Tu veux venir m'aider à me savonner ? » Il lâcha un petit rire à sa seul attention car il savait très bien que ses blagues ne faisaient absolument pas rire Nishiki.

Et même sans attendre de réponse de sa part Gaël lui tourna le dos en retirant sa chemise qu'il laissa tomber au sol, tout en s'avançant dans la salle de bain. Son dos était dans un état déplorable avec beaucoup de traces de coups, quelques anciennes cicatrices représentant le souvenir des combats clandestins auxquels il avait l'habitude de participer, et des hématomes plus récents et prenant des couleurs violettes. Une fois dans la salle de bain, il retira l'ensemble de ses vêtements en lâchant quelques râles discrets de douleur. Maintenant qu'il était seul il ne voyait plus l'intérêt de faire le fier. Il avait mal et putain, il se rendait bien compte que sans l'intervention de Nishiki les trois connards l'auraient sans doute laissé pour mort dans cette ruelle. La douche ne dura pas longtemps, cinq minutes maximum. Se laver était un grand effort pour Gaël qui peinait à lever ses bras mais finalement il s'en sorti quand même assez bien. En tout cas il avait réussi à retirer une bonne partie de l'horrible odeur qui lui collait à la peau depuis le début de cette soirée.

C'est tout naturellement qu'il avait prit la serviette de Nishiki et qu'il se l'était entourée à la taille, restant à torse découvert avec quelques gouttes qui lui tombaient dessus vu que ses cheveux étaient mouillés et qu'il était bien incapable de se les sécher convenablement. Il retourna au salon dans sa -presque- tenu d'Adam. « J'ai pas trouvé d'autres serviettes. » Comme s'il était chez lui il fit quelques pas jusqu'à la cuisine ouverte pour se servir un verre d'eau qu'il bu d'une traite. Bon, ce n'était pas aussi bon que l'alcool mais il se doutait bien que s'il demandait un verre à Nishiki celui-ci l'enverrait grandement chier.

Mis à part une petite blague que le valet se contenta d’ignorer le plus royalement du monde, Gaël ne se fit pas prier pendant des décennies. Il le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse derrière la porte, observant les traces clairement visiblement sur son dos. Les gars dans la rue ne l’avaient définitivement pas ménagé, mais les autres traces, plutôt anciennes pour certaines, lui disait qu’il y avait certainement un peu plus derrière tout ça. Shiki soupira en se passant une main dans les cheveux pour les décoller de son crâne. Il ne comprendrait jamais l’intérêt d’aller rechercher ce genre de choses.
Il profita du temps d’absence de son invité de fortune pour ramasser sa chemise et la mettre dans un sac en plastique, histoire d’éviter qu’elle traîne n’importe où, qu’il laissa dans un coin de la pièce en attendant de pouvoir tout rassembler. Il se servait un verre d’eau à lui-même quand le serviteur royal sortit de la salle de bain, simplement vêtu d’une serviette. Nouveau soupir. A quoi d’autre aurait-il dû s’attendre ?

- Surtout ne fait pas comme chez toi.

Il fallait voir le bon côté des choses au moins, la seule chose que Gaël pouvait lui voler ne boisson était du soft, thé ou café dans le pire des cas, mais il n’avait jamais pris la peine de remplir ses affaires avec de l’alcool qu’il ne consommait presque jamais.
Nishiki ne pouvait s’empêcher de contempler avec une neutralité peinée l’état du corps de son vis-à-vis. Rien qu’à sa démarche, c’était à se demander comment il arrivait encore à tenir debout. Et malgré tout l’aversion que Nishiki avait pour le personnage, il n’avait tout simplement pas le cœur à le laisser simplement comme ça sans rien faire. Trop bon, trop con ?

- Assied-toi. Je vais voir ce que j’ai pour t’aider.

Shiki lui fit un signe en direction d’une des chaises avant de se rendre dans la salle de bain avec son sac dans lequel il mit les autres affaires qui traînait dans le coin. Il revint avec une boite en carton qu’il déposa sur le comptoir de la cuisine et de laquelle il sortit une bouteille d’alcool et des bandages. Ce n’était pas grand-chose, mais au moins il n’aurait pas le regret de n’avoir rien fait. Une fois Gaël assis, il commença à s’occuper des plaies ouvertes les unes après les autres – enfin les principales qui n’était pas simplement des bleus en tout cas. Concentré à sa tâche aussi bien qu’à ignorer les grognements de son hôte, il prenait malgré tout un soin particulier à essayer de ne pas rajouter à la douleur. Il avait de la chance en soit, il n’avait rien au crâne… De visible en tout cas.
Quand il arriva au niveau des côtés, il voulut vérifier ce qu’il soupçonnait depuis qu’il l’avait vu marcher. Il tâtonna un instant, cherchant quelques choses, avant de venir appuyer sur un endroit bien précis. Il devina qu’il ne s’était pas trompé à la réaction du blessé qui ne se fit pas attendre. Il n’allait cependant pas pouvoir faire grand-chose pour ses côtes dans l’immédiat.

- Je m’en doutais. Respirer te fais mal ?

S’éloignant deux minutes, il alla chercher un pain de glace qu’il enroula dans un torchon avant de venir l’appliquer à l’endroit il avait appuyé quelques instants plus tôt.

- Tiens ça. Et va voir un médecin dès que tu en auras l’occasion.

En repassant devant lui, il remarqua du sang sur son visage. Ah… forcément avec la douche, ça avait dû nettoyer mais le temps qu’il s’occupe du reste. Shiki observa Gaël un instant sans bouger. Il ressemblait à un écloper, mais il n’avait même pas envie de lui faire la moindre remarque. Il n’aurait pas été aussi fatigué qu’il ne se serait sans doute pas gêné mais là… l’épuisement, mental bien plus que physique, lui passait même l’envie de faire ce petit effort. Il aurait sans doute dû s’en inquiéter – ça ne lui ressemblait pas le moins du monde – mais même ça commençait à lui passer au-dessus de la tête.
Il avait juste envie de ne plus penser à rien.

Le valet attrapa un tabouret pour s’asseoir en face de Gaël avant de récupérer sa petite bouteille d’alcool et de quoi arrêter les saignements.

- Lève la tête.

A moins bien sûr qu’il n’ait envie de finir de se débrouiller tout seul.

La petite remarque de Nishiki lui arracha un petit sourire sur sa gueule meurtris, et il se contenta simplement de boire son verre d'eau. Bon ce n'était pas aussi bon que l'alcool mais ça avait l'avantage de le désaltérer un peu et surtout de l'hydrater pour éviter une grosse gueule de bois le lendemain. Car déjà qu'il allait se réveiller en ayant mal de partout, s'il pouvait s'éviter la migraine et la tête dans le cul ce serait déjà ça de gagner.

Mais qu'elle ne fut pas sa surprise lorsque Nishiki lui demanda d'aller s'asseoir pour qu'il s'occupe de ses blessures. Sur le coup Gaël resta quelque secondes comme un con, dans sa serviette de bain avec son verre vide dans la main à regarder Nishiki se rendre dans la salle de bain certainement pour aller chercher de quoi lui procurer quelques soins. Enfin bon il n'allait pas se faire prier pour se faire soigner quand même, alors il s'installa sur la chaise, attendant Nishiki. Il resta silencieux lorsque le valet commença à désinfecter les plaies ouvertes, même si l'alcool sur ses blessures lui faisaient mal et bien il était encore suffisamment bourré pour ne rien laisser paraître de la douleur qu'il pouvait ressentir. Mais il se demandait cependant pourquoi Nishiki faisait ça. C'était étrange quand même, lorsqu'on savait le passé entre ses deux là.

Mais au final et après réflexion, cela sembla logique à Gaël. Nishiki était du genre à être altruiste et vouloir aider les autres. Une connerie selon Gaël, mais pour le coup ça l'arrangeait bien. Et lorsque Nishiki toucha.. non, appuya sur ses côtes, il serra les dents en lâchant un « p'tain ! » de douleur et en se penchant sur lui même, le souffle court. Oui, avoir des côtes cassées ce n'était pas une partie de plaisir, et pourtant il se redressa sur sa chaise et souriait d'une façon totalement détaché. « Pas plus que ça. » Mon cul ouais, ça lui faisait un mal de chien mais il ne voulait pas l'avouer et perdre la face devant Nishiki.

Et puis le valet s'éloigna pour aller chercher un truc et Gaël en profita pour exprimer une grimace de douleur sur son visage pendant seulement quelques petites secondes avant que Nishiki ne revienne avec une sorte de poche de glace que Gaël prit volontiers pour se l'appliquer sur ses côtes et le froid lui fait assez de bien car cela faisait comme un anesthésiant, du moins pour un temps. Alors qu'il pensait que c'était terminé et que chacun allait dormir dans un coin, voilà que Nishiki se ramena en face de lui sur un tabouret, voulant continuer de le soigner. Décidément ce Nishiki était un vrai samaritain, et Gaël le laissa faire car autant en profiter, non ?

Et pourtant il se sentait redevable car sans lui, il ne savait même pas s'il serait encore vivant. Et puis en regardant Nishiki être en train de s'occuper de lui, Gaël détourna un instant le regard. C'était rare les fois ou il ne faisait pas face à la personne à qui il parlait, et puis en plus il semblait chercher ses mots. « Je sais que tu dois en avoir marre parce que je pense que tout le monde te l'as dis mais... » Gaël était doué pour plusieurs choses mais parler sincèrement c'était beaucoup plus compliqué pour lui. « Enfin, Elena était une fille bien. » Comment présenter ses condoléances ? C'était assez compliqué. Gaël était détaché de tout, toujours et tout le temps, justement pour éviter ce genre de chose. Parler de ressentis, de sentiments... il détestait ça car il ne savait jamais quoi dire, et le grand Gaël toujours sur de lui devenait aussi loquace qu'un gamin de huit ans.

Il n'avait connu Elena qu'assez brièvement au final parce que même si il avait travaillé deux années pour les Függer, et bien il n'avait pas spécialement était proche d'elle. Mais il savait bien que pour Nishiki, c'était autre chose. Ils avaient toujours eu une grande complicité, si forte que Nishiki avait quitté son travail pour la rejoindre. Alors la perdre devait être une épreuve douloureuse pour lui, et Gaël voulait se montrer... respectueux. « Enfin, je sais que tu t'en as rien à foutre de mon avis, mais j'suis désolé. »

- Je t’ai déjà vu mentir mieux que ça.

Gaël croyait berner qui, franchement, avec ce genre d’attitude. Si Nishiki avait pu le remarquer rien qu’à sa démarche – même s’il savait à peu près ce qu’il recherchait – ce n’était pas la peine de lui raconter n’importe quoi. Toujours cette petite fierté mal placée… Surtout avec ce genre de réaction qui laissait encore moins le doute sur la question. Le froid eut cependant l’air de lui faire du bien rien qu’à observer la tension dans ses muscles. Tant mieux. Moins il serait crispé, mieux ça irait pour lui sur le long terme. Il lui aurait bien bandé le torse, histoire de s’assurer qu’il ne bouge pas trop, mais entre les autres blessures et le fait qu’il ignorait à quel point il avait ses côtes amochés, il préférer éviter les fausses bonnes idées. Il laisserait ce plaisir à un autre médecin.

La chose à laquelle il ne s’attendait pas, par contre, furent les paroles de Gaël. Complètement pris au dépourvu, ses mains se figèrent alors qu’il était en train de poser un pansement sur son menton. Il sentit chaque mot s’enfoncer douloureusement dans la brèche béante qu’il essayait inutilement d’endiguer jour après jour mais qui ne cessait de se creuser. Comme si, l’espace d’une seconde, le temps s’était soudainement figé, son regard gris était fixé sur le visage de Gaël sans vraiment le voir, perdu dans une expression de profonde affliction. Il serra les poings, essayant d’empêcher ses poings de trembler alors que certaines s’images s’imposaient dans son regard.
Il secoua la tête, fermant les yeux avec force une minuscule seconde. Une inspiration profonde.
Comme on active un simple interrupteur, son mur se redressa, fragile mais bien présent et son visage retrouva sa façade neutre, presque froide, avec une vitesse bien trop rapide pour être naturelle. Shiki finit ce qu’il était en train de faire sans prononcer le moindre mot, ses mains assurées et le visage entièrement fermé derrière cette façade platonique et détachée, seul mur qui lui restait encore.

- Ouais… C’était une femme bien.

Pas de oui formel comme à son habitude, juste un soupir terne, épuisé et désabusé avant qu’il ne se relève pour retourner ranger les affaires dans la salle de bain, les épaules et le cœur lourd. Quand il revint, il attrapa les vêtements qu’il avait sorti un peu avant et les balança sur les genoux de Gaël.

- Habille-toi. Je te laisse le canapé pour la nuit.

Il se laissa tomber sur une des chaises libres, se passant une main dans les cheveux. Ouais, dormir ne serait sans doute pas une mauvaise idée… Quand on était quelqu’un de normal.

Le silence qui s'installa était pesant. Gaël se disait qu'il aurait mieux fait de fermer sa gueule et sans doute l'aurait-il fait s'il n'avait pas été bourré. Il se contenta de soupirer à un moment en se disant que vraiment, les interactions sociales sérieuses n'étaient pas faites pour lui. Il mettait toujours les deux pieds dans le plat et lorsqu'il essayait de faire preuve de compassion il faisait toujours tout de travers. Mais il releva son regard lorsque Nishiki brisa le silence. Ces simples petits mots qu'il venait de dire laissaient échappé tout son ressentis. Il semblait épuisé, presque anéantis et pourtant il tentait de ne rien laissait paraître. Gaël ne fit pas de remarque, Nishiki vivait son deuil comme il le voulait, et ils n'étaient pas amis pour lui donner des conseils, alors Gaël ne voulait pas prendre le risque de se faire envoyer chier.

Il reçut finalement les habits sur ses genoux et il soupira de nouveau, se relevant et se mettant dos à Nishiki, tout en laissant sa serviette qui cacher son joli fessier rebondis tomber au sol. Et voilà, totalement à poil. Il aurait été beau s'il n'était pas couvert de grosses blessures. En temps normal il se serait fait un plaisir de sortir une petite blague sur le fait que son zigouigoui était de sorti mais il sentait bien que ce n'était pas le moment, alors il s'habilla en vitesse et constata qu'ils avaient donc un peu la même morphologie avec Nishiki car les vêtements étaient juste un poil trop grand. Et puis Gaël se laissa tomber sur le canapé, la tête en arrière en passant une main sur son visage et en grimaçant. Putain de côtes... le reste des blessures guériraient vites et n'étaient que superficielles, mais les côtes ça allait le suivre un moment.

Finalement après quelques secondes il releva sa tête pour regarder Nishiki, affalé sur une chaise. « Hé au faite, merci de pas m'avoir laissé crevé. » Il avait retrouvé son petit sourire insolent mais il y avait cependant une pointe de reconnaissance.

Nishiki resta assis le temps que Gaël ne s’habille, se contentant de rester silencieux tout en se prenant un nouveau verre d’eau fraiche. La stupéfaction refluait doucement et avec elle la douleur lourde de sa poitrine. Il aurait été avec n’importe qui d’autre, il aurait sans doute pu s’y attendre, ou s’y préparer d’une manière ou d’une autre, comme il avait dû le faire le mois qui avait suivi la mort d’Elena, mais là… Comme quoi, il ne devait jamais rien lâcher, à aucun moment. On apprenait les leçons comme on pouvait.
Il laissa son invité s’affaler dans le canapé tout en buvant son verre, ce qui ne le dérangeait pas en soit maintenant qu’il n’était plus recouvert de sang de la tête aux pieds. Gaël flottait un peu dans ses vêtements – en même temps, quand on a vingt centimètres de différence, il ne faut pas s’étonner – mais de toute façon il n’avait rien d’autre à lui proposer et il devrait faire avec. Et alors qu’il allait se relever pour aller lui aussi se poser tranquillement dans son lit, son homologue le remercia. Définitivement, c’était la soirée des choses inattendues. Dire qu’il n’était pas surpris aurait clairement été de la mauvaise foi, mais la petite étincelle de reconnaissance chez le valet était… bienvenue. Quelques années plus tôt, il ne se serait pas encombrer de ce genre de manières.

- De rien.

Il n’insista pas, il ne fallait pas non plus trop en demander et se releva, ramassant la serviette au passage pour l’envoyer dans la salle de bain avec le reste d’une petite pile de linge sale. Il prit le temps de fermer les volets des quelques fenêtres avant d’aller se poser dans sa chambre, seul endroit de la maison où il avait réellement prit la peine de s’installer. Enlevant ses chaussures, il enfila des vêtements plus confortables pour une nuit qui s’annonçait encore longue et se laissa tomber sur son lit. Son regard parcouru la pièce, sur les quelques instrument qui s’y trouvaient, s’arrêtant sur l’ancienne broche de sa patronne. Il avait réussi à la récupérer quand il était passé à la morgue te la gardait précieusement depuis ce jour, avec un exemplaire du journal clandestin qui était sorti ce matin funeste. Depuis la fermeture du Chabanais, c’était les deux choses qui lui restaient. Il soupira et attrapa son harmonica qu’il fit jouer entre ses mains. Pas de musique pour passer le temps cette nuit…

Les heures furent longues et silencieuses… Du moins en partie. Au moins, Shiki n’avait pas de doute sur le sommeil de son invité à l’entendre ronfler par à-coups. Il resta lui-même allongé sur son lit, dans un état de semi conscience, incapable de plonger dans un sommeil qui refusait d’arriver mais soucieux malgré tout d’essayer de se reposer et d’emmagasiner un peu d’énergie pour la journée sui suivrait. Ses insomnies ne l’avaient jamais dérangées auparavant, mais… depuis qu’elles s’étaient empirés, il avait de plus en plus de mal à enquiller ses journées.
Quand enfin il fut l’heure de se lever, il l’accueillit presque avec plaisir. En général il trouvait toujours quelque chose à faire, mais avec quelqu’un qui dormait dans son salon, ses options étaient plutôt limitées.  Il se leva rapidement, jetant un coup d’œil à Gaël, toujours vautré dans le canapé qui semblait encore dormir. Il en profita pour se passer rapidement sous la douche et s’habiller pour la journée. Quand il ressortait... et bien il était seul dans l'appart. Il lui semblait bien avoir entendu la porte aussi.
Il soupira. Bon eh bien ça faisait une chose en moins à régler... Dommage, il avait encore ses affaires.... il trouverait bien un moyen de lui faire envoyer, au pire.

C'était à peine si Gaël avait entendu le "De rien" de Nishiki. Il s'était assoupi assez vite. En même temps le combo douleurs et alcool l'avait aidé à l’assommer et sombrer dans le sommeil. Sa nuit fut assez agité car clairement dormir sur un canapé n'était pas la meilleure des choses pour être confortablement installé et se remettre de ses blessures. D'ailleurs durant la nuit Gaël avait hésité à rejoindre Nishiki dans son lit - pour une fois partager un lit en tout bien tout honneur - mais il s'y était vite résolu car bonjour l’accueil que lui aurait porté son hôte en le sentant venir se mêler à lui dans ses draps. Par conséquent sa nuit ne fut pas des plus reposante et réparatrice mais cela valait toujours mieux que de dormir au fin fond d'un caniveau.

Il avait enfin véritablement trouver un sommeil profond vers cinq heures du matin et autant dire qu'il avait donc peu dormi car il fut réveiller assez tôt par la porte de la salle de bain qui se fermer, et l'entente de l'eau commençant à tomber. Il se redressa alors en s'étirant et grognant de douleur car il avait oublié ses côtes l'espace d'un instant. Et puis difficilement il se releva et alla dans la cuisine pour se passer un peu d'eau sur son visage sans prendre la peine de se regarder car de toute façon il savait ce qu'allait lui renvoyer le reflet du miroir : une sale gueule. Il devrait s'expliquer à Lukàs tiens.

Il entreprit de se casser car rien n'était plus gênant que les papotages du petit matin ou le convive voulait prendre la poudre d'escampette et que l'hôte voulait que son invité se barre, alors Gaël prit les devants non sans ne pas laisser un petit mot de remerciement à Nishiki. Dans le salon il trouva un stylo et un morceau de feuille, pile ce dont il avait besoin.

Nishiki,
Merci pour la nuit, c'était sympa mais je ne reste jamais jusqu'au petit déjeuné.

Gaël

Il eut un petit sourire en coin car il se trouvait assez drôle, et sans demander son reste il quitta l'appartement après avoir prit soin de placer la feuille sur le canapé. La retour jusqu'à chez lui fit assez douloureux et il n'avait qu'une envie : retourner se coucher et y passer la journée. Mais non, il devait aller s'occuper de ses tâches.