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 La mécanique des mots |pv.Prudence|

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Lewis Deevoy
Mordkomission
Lewis Deevoy
Lewis Deevoy
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MessageSujet: La mécanique des mots |pv.Prudence|   La mécanique des mots |pv.Prudence| EmptyLun 8 Juil - 19:05

En ce jour de grâce, Kelly vient de claquer la porte. Encore une. Une de plus au palmarès de mes déboires. Ses invectives remontent et me caressent les tympans tandis qu’elle dévale les escaliers grinçant du petit immeuble où j’habite. Je souffle en me grattant le crâne et inspire une dernière taffe avant d’écraser le mégot dans un cendrier presque plein.
Coup d’œil à ma droite, mes pieds me guident vers un placard à la porte déviée. En dessous, l’évier déborde d’une vaisselle usée et pourtant si peu employée. Main droite, j’ouvre l’armoire dans un grincement mortuaire. Même main j’attrape une bouteille que je cale sous mon épaule gauche et choppe un verre calcaire.

Le verre posé, je dévisse la bouteille avec les dents avant de cracher le bouchon. Il ricoche deux, trois fois, avant de rouler probablement vers la sortie. A peine a-t-il disparu de ma vue que le verre se rempli déjà. Un bon whisky en ce jour de repos. Rien de tel pour oublier la merde quotidienne et les soucis. La première gorgée chauffe la gorge et enflamme mon poitrail.

-Rhaaa… !

Me laisser tomber comme une merde… Pile en ce moment. Salope de vie. Le bras gauche qui déconne est un doux euphémisme. Complètement inutilisable oui. Faut dire que j’ai tenté de le réparer tout seul. Mauvaise idée de taper dessus… Et l’autre qui se barre… Où j’vais bien pouvoir trouver une nouvelle femme de ménage maintenant… Qui demande aussi peu aussi.

Entre le breuvage et un nouveau cigare, j’observe ma tanière. C’est le bordel sec, comme ce scotch, mais en pire. Parfois, j’ai l’impression de marcher dans les vestiges d’une civilisation perdue. Le désordre qui règne n’en est en rien la cause, mais parce que cela s’apparente aux ruines de l’être civilisé que je fus.

Las, je traine mes savates jusqu’au canapé dans lequel je m’affale. Qu’est-ce qui va encore me tomber sur le coin de la gueule aujourd’hui ?
Vous connaissez surement cette phrase célèbre qui dit qu’un malheur n’arrive jamais seul ? Chez moi, j’appelle ça la Loi de Deevoy.
Va savoir, on doit être maudit… Mais, pour le moment, le silence alors je profite. Avec les murs épais comme le corps d’un junkie en crise, les discutions des voisins me parviennent dans un bourdonnement constant. Tu la sens ma joie de vivre ?



Assoupi, je manque les premiers heurts. Les seconds aussi. Par contre, les derniers, avec mon nom par-dessus le marché me sortent des doigts de Morphée.


- C’EST OUVERT ! bordel de merde.    
Prudence L. Steiner
Ingénieure
Prudence L. Steiner
Prudence L. Steiner
Prudence L. Steiner
MessageSujet: Re: La mécanique des mots |pv.Prudence|   La mécanique des mots |pv.Prudence| EmptyDim 14 Juil - 23:35

Prudence vacille quand la furie lui passe devant en tempête revancharde. Visage tordu de frustration, mèches vagabondes sur le front perlé de sueur. Cavalcade enragée, qui a bien failli trébucher sur l’énorme malle de la silhouette longiligne et stoïque. Ses prunelles d’acier suivent, à travers les verres de ses lunettes, l’ouragan de cheveux et de vêtements qui s’éloigne. L’Ingénieure pince les lèvres, pensive. Puis se tourne vers la porte entrebâillée d’un immeuble décrépit, quoi que solide. Devine le point de départ de la fuite de l’autre inconnue. Son regard s’arrête sur les détails moribonds de la façade. Gueule cassée, couturée de fissures, les briques dénudées par endroit. À l’image de celui pour qui elle s’est déplacée. Prudence resserre sa poigne déjà ferme sur la poignée en cuir de sa valise. Sa main libre extirpe de sa poche un papier froissé. Elle hoche la tête. Et s’engouffre dans l’interstice entre la rue cerclée de lumière, et l’intérieur baigné de poussière.

La carcasse de l’ingénieure se faufile dans un étroit escalier en colimaçon. Le poids de la malle fait gronder chaque marche qu’elle écrase. Cramponnée à la rampe, Prudence peste en silence contre le client qui l’a faite mander. La Marketpolitzei ne lui aura jamais apporté que des ennuis. L’autre bras entraîné par le poids de son artillerie, elle se hisse pas à pas jusqu’au perron du patient. Sa malle tombe avec fracas sur le parquet. Pas assez pour l’éventrer, et qu’elle retrouve ses précieux outils dans le petit salon du voisin du dessous. Faisant craquer ses vertèbres, l’Érudite souffle de soulagement. Le plus dur est fait.

Ou peut-être pas, se dit-elle en contemplant le numéro de la porte. Lewis Deevoy. En son temps, Magnus éprouvait quelque sympathie pour cette brute. Il se chargeait de l’image de leur bel atelier, et de fait, conversait avec ses fidèles. L’époque où Prudence restait vissée à son siège favori, à transformer le Sel en béquille. Sa mâchoire se contracte. Malgré tout, il aurait voulu qu’elle s’occupe de Deevoy, tout Serken qu’il soit. Elle frappe à la porte.

Rien.

Froncement de sourcils. Elle cogne plus fort. Idem. Sa poitrine se soulève dans une inspiration excédée. À nouveau, son poing martyrise le bois de la porte.

« Serken Deevoy… ? », lance-t-elle.

Un borborygme sourd rugit derrière la porte, laissant deviner la présence de son hôte à l’intérieur.

« Pas trop tôt. », qu’elle marmonne en pénétrant dans l’appartement.

Sa valise en main, Prudence s’imprègne de l’odeur des lieux. Cigare. Poussière. Renfermé. Ses épaules se détendent quelque peu. Elle referme avec douceur la poignée, avant de s’avancer vers l’officier. Le plat de la main posé sur sa poitrine, l’Ingénieure s’incline.

« Bonjour, Serken Deevoy. Me voilà, comme convenu. »

Elle balaie du regard le fatras qui sert de refuge au policier. Plisse les yeux à la recherche d’un endroit où poser ses affaires. Elle s’agenouille devant la table en face du canapé où son patient s’est engoncé, pour déblayer d’un revers de main papiers, verres et cendrier dans un coin.

« Ôtez votre haut, que je puisse enlever votre bras, enchaîne-t-elle. Depuis combien de temps vous fait-il défaut ? »

D’un grand mouvement d’épaules, soufflant de fatigue, elle affale sa malle sur la table. Hausse un sourcil satisfait en voyant que le meuble n’a pas croulé sous son poids. Dans un claquement métallique, elle l’ouvre pour découvrir son matériel : pinces, vis, marteaux, tournevis, clefs à laine, chalumeau, masque, tablier, gants… Tout pour transformer ce taudis en atelier de fortune.
Lewis Deevoy
Mordkomission
Lewis Deevoy
Lewis Deevoy
Lewis Deevoy
MessageSujet: Re: La mécanique des mots |pv.Prudence|   La mécanique des mots |pv.Prudence| EmptyLun 22 Juil - 16:30

La femme, où devrais-je dire l’ingénieure, s’incline légèrement, avant de balayer d’un revers de manche l’fatras entreposé non-méticuleusement sur la table basse tout en entament la discussion. J’exécute, dans un ronchonnement, sa demande.

-Humpf… Quelques jours. Un peu forcé sur les événements j’dirais.

Un petit, tout petit, ange passe avant que je m’élance dans un monologue des plus asséchant :

-J’cherchais l’nom d’un truand. Leurs mâchoires ’taient solides j’dirais pour pas vous choquer m’dame. Résultat : quelques emmerdes par messieurs l’bien-pensants…

J’observe la ’tite dame, enfin grande dans c’cas, à travers le fin brouillard de fumée ambiante. Penchée sur mon bras, elle semble absorbée par l’travail à venir. Faut dire qu’j’y ai pas taper d’main morte.
Elle m’fait penser à une belle mécanique – même si j’y entrave moins que qu’dalle – toute en angles, faite pour c’boulot. A mois qu’ça soit l’boulot qui l’ait faite.

Comme dirait les autres : « les gens ont la gueule de l’emploi ». A mon humble avis : « l’emploi fait la gueule des gens ». Peu d’personne sont à même d’le remarquer. C’est ça d’se trimbaler d’un coin à l’autre. On rencontre les mêmes gueules cassées, les mêmes espoirs broyés, et on répète inlassablement l’même refrain. Est-ce l’alcool qu’parle, la fatigue ou c’mélange malsain mais, malgré tout : c’ta dire ses cernes, les lèvres gercées et sa moiteur d’atelier – l’œil du flic par excellence, incapable d’autre chose qu’analyser – elle reste belle. Belle, d’une beauté naturelle. Belle, d’la minutie mis dans ses gestes. Belle, du professionnalisme quant au lieu presque clandestin dans l’quel elle ausculte. Malgré tout…
 
 
- ’Scuses moi mais, j’ai l’impression de t’avoir d’jà vu qu’lque part. J’avais pour mécano un gars sympa. J’pourrais l’qualifier d’ami même. Magnus qu’il s’appelait. Tu t’travaillais pas avec lui par hasard ?

La question, anodine en toute vraisemblance, n’l’était pas. J’savais qu’elle travaillait avec lui. J’savais aussi que l’fameux Magnus avait disparu du jour à l’autre. J’savais aussi que sa disparition passe’rai inaperçu aux yeux des gens, des gens « importants », comme ils disent. L’ingénieure relâche mon bras invalide quelques instants – parfait – c’qui me permet d’me pencher et récupérer un dossier froissé avec une tâche d’tasse de café dessus. Les informations glanées, m’ayant valu c’problème mécanique, auront p’t-être plus de sens à ses yeux…
 
-Tiens… Qu’est-c’que tu peux m’dire sur ses fréquentations ?... Et oublie le Serken. J’m’appelle Lewis… Wil’, s’tu préfères.

… Si elle veut bien m’dire c’qu’elle sait, tout du moins.
Prudence L. Steiner
Ingénieure
Prudence L. Steiner
Prudence L. Steiner
Prudence L. Steiner
MessageSujet: Re: La mécanique des mots |pv.Prudence|   La mécanique des mots |pv.Prudence| EmptyJeu 1 Aoû - 0:20

L’oreille attentive, Prudence déboutonne son long manteau beige, pour le laisser tomber sur son siège. Elle n’a qu’un chemisier léger, surmonté d’un nœud enserrant son cou de cygne, engoncé dans un pantalon sombre. Elle écoute. Il a le timbre sombre, rauque, les cordes vocales tannées par le cigare. Odeur familière, rassurante – mais pas assez pour un limier. Miasmes brumeux, qui lui rappellent un peu son atelier.

L’Ingénieure enfourne ses mains graciles dans de rigides gants de cuir. Contact râpeux contre la peau du torse dénudé, qu’elle débarrasse des boucles solides du membre métallique. Tintements. Elle retire avec délicatesse le bras factice de l’épaule amputée. Son regard se perd un instant sur le moignon. D’aucuns l’auraient trouvé repoussant. Auraient détourné les yeux face à la cicatrice, symbole d’une violence invisible. Du beau travail. Sourcils froncés, elle éprouve les plaques de métal bosselées par la brutalité de son porteur. Prudence dépose la prothèse blessée sur l’étal de fortune, avant de nouer un tablier, lui aussi de cuir, autour de sa taille de sylphide.

« Les prothèses ne sont pas des armes. », lâche-t-elle en s’asseyant.

Des béquilles. Des soutiens, autant physiques que mentaux. Le sentiment de servir encore à quelque chose, dans une société qui jette les inutiles comme des déchets. Un sursis. Mais certainement pas un vulgaire gourdin. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, pourtant. L’Ingénieure se souvient des tentatives masquées de certains clients haut placés, trouvant en ses prothèses un potentiel belliqueux. De l’argent agité sous le museau des savants. Magnus et elle leur ont tourné les talons derechef. Ses prunelles d’acier dardent les phalanges ballantes. Ces dernières gémissent sous la pression des doigts de chair. Son geste se suspend, quand le Serken évoque le grand absent. Même son tutoiement et son langage la laissent froide. Mais entendre le nom de son défunt complice de la bouche d’un autre la fige. Prudence baisse les yeux.  

« Oui. Nous avons fondé l’atelier et la boutique de prothèses, il y a dix ans. »

Voix d’automate. Légère. Factuelle. Elle pince les lèvres en extirpant une bourse remplie de vis et un tournevis de sa malle. Un pli anxieux creuse son front d’albâtre.

« Il est… »

Une toux caverneuse secoue sa poitrine. Elle cache son visage dans son coude, yeux clos, la gorge déchirée par les secousses. Puis se redresse dans un râle étouffé, lèvres tremblantes. Elle essuie son front d’un revers de main.

« Pardon. La maladie, fait-elle après un raclement de gorge. Je disais donc… »

Son regard clair croise les orbes sombres de Deevoy. Et ses lèvres abîmées sonnent le glas :

« Magnus est mort il y a deux ans. Je pensais que vous… que tu le savais. »

Mâchoire crispée, elle s’empare d’une pince pour extirper une vis abîmée, déjà à moitié sortie de sa jointure. Les phalanges de la main inerte crissent sous les coups de son tournevis. Sa propre remarque tourne dans sa propre tête, sans qu’elle ne puisse y trouver de réponse. Comment un type comme lui n’aurait pu le savoir… ? Courbée sur son ouvrage, Prudence décide de porter son nom comme un adjectif.

« Il était très secret sur ses… fréquentations. Nous étions proches, à l’Académie. Rien d’extraordinaire. »

Ses propres mots la tiraillent. Parler de ce lien si solide comme d’une bagatelle, un accessoire, lui crispe le palpitant. À nouveau, l’Érudite capte le regard du Serken.

« Prudence, qu’elle souffle. Ou Steiner. »

Elle aligne les phalanges et la paume de Sel sur la table, en ordre. Le poing qui a démonté la mâchoire des truands n’est plus qu’une carcasse démembrée. L’Ingénieure se frotte le menton, pensive. Elle peut encore rattraper l’erreur de cette brute au beau milieu de son salon. Sa main gantée s’empare du reste, pauvre tas de ferraille qui a dû encaisser le choc. Absorbée, elle tente d’esquiver le sujet qui la hante :

« Depuis quand travailles-tu pour la Marketpolitzei ? »

Qu’elle sache s’il lui reste encore quelque pureté, ou s’il est déjà corrompu.
Lewis Deevoy
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Lewis Deevoy
Lewis Deevoy
Lewis Deevoy
MessageSujet: Re: La mécanique des mots |pv.Prudence|   La mécanique des mots |pv.Prudence| EmptyLun 26 Aoû - 10:48

-Nom de dieu de... * putain de bordel de merde de saloperie de connard d’enculé de ta mère. *

Le juron est ravalé dans un grognement à l’annonce du décès.

-Non, j’le savais pas.

Un mouvement d’tête appuie ma réponse. Certes, l’hypothèse m’avait traversé l’esprit. Certes, elle refaisait surface de temps à autre mais, comme un grain de sable dans un engrenage, j’la chassais de mes pensées. Volontairement souvent et involontairement peut-être, je ne voulais pas y penser. Au fond, j’espérais rester loin de cette fin tragique, retrouver le mécano au fond du trou le nez dans les emmerdes, la contrebande ou quoi que ce soit. Le plus simple est souvent le vrai.
Au fond, j’pense que j’avais peur. Peur de perdre l’un de la poignée de personnes à pouvoir être appelé ami. Bien sûr, on s’voyait peu. Rarement même.


-Merde, ça aurait pu m’aider.

Je me lève et déambule dans la pièce. Sans la regarder, je verse une nouvelle dose de whisky. Non, un double et repose la bouteille dans un bruit sourd. Sa question flotte au-dessus du bras inerte traverse ce qui s’apparente à une cuisine avant de me rentrer dedans. Le verre à la bouche, sa question me prend de court. La gorgée me permet de remettre un peu d’ordre dans mon esprit embrumé.  

-J’sais pas trop. T’être dix ans, ou un peu plus… J’sais c’qu’on dit sur nous. Tous des pourritures, des corrompus et fils de chiens…

Ma main se contracte autour du verre.

-Et j’sais aussi qu’c’est pas notre domaine les crimes mais, … personne bouge, … en haut comme en bas.

Nouvelle rasade.

-Et c’te merde qui ravage la ville.

J’observe ses mouvements, son attention portée à la mécanique de mon bras tandis que mes pensées se formatent pour essayer de comprendre l’histoire de Magnus. Quelque chose m’échappe, un point crucial pour une nouvelle piste, pour un nouvel angle d’attaque mais, lequel ? Comme on dit dans le milieu, faut noyer le poisson pour trouver la perle – jamais entendu cette expression en toute honnêteté mais, bordel, elle sonne bien j’trouve.

- J’te sers un truc ? J’ai ça ou… ça ou d’l’eau en fait. Je prépare les commandes – Bah ouais, j’ai encore soif et suis d’repos. Un problème ? – Et si elle n’a pas soif, tant pis, je prendrais le sien. - Quels étaient tes rapports avec Magnus ? Amis, Collègues, Amants ? je m’approche du canapé et pose les deux verres sur la table souillée par les vis, autres boulons et marque de dessous de verres. - Y’a moy’ d’le faire plus résistant ? Le bras j’entends. Et, est-ce qu’il avait des soucis ? De quelques sortes : argent, femmes.
Prudence L. Steiner
Ingénieure
Prudence L. Steiner
Prudence L. Steiner
Prudence L. Steiner
MessageSujet: Re: La mécanique des mots |pv.Prudence|   La mécanique des mots |pv.Prudence| EmptyMar 3 Sep - 23:08

Elle sentirait presque la colère de son hôte, coincée entre les parois râpeuses de sa gorge. L’impuissance dans son aveu. Ses mâchoires se serrent. Il n’a pas vu le corps de son ami, gisant comme un vieux morceau de carne desséché, avec pour linceul des vêtements usés. Son regard se perd sur le faux membre de métal. Il est si large qu’elle pourrait y glisser son propre bras de chair. Elle fait jouer l’articulation du coude, qui lui adresse un cri plaintif. Un peu trop lâche. Prudence s’empare d’un tournevis pour ôter les plaques de métal d’un coup de levier sec, révélant la structure de Sel et de bois. Des os améliorés. Elle écoute Deevoy réduire sa carrière à quelques mots. La commissure de ses lèvres s’ourle d’un demi-sourire. Elle aurait sans doute usé des mêmes sobriquets pour décrire la Marketpolitzei. Les sales gosses de la maréchaussée. Embourbés dans la fange qu’ils ont contribué à épaissir. Comme pour illustrer ses mots, Prudence étouffe une quinte de toux dans son coude.

L’Ingénieure hoche la tête avec douceur. Mais son phrasé martèle l’atmosphère.

« De l’eau. Pas d’alcool quand je travaille. »

Son outil dévisse dans un grincement les rouages qui retiennent le coude factice. Un frisson lui pourlèche la colonne vertébrale quand son patient revient à son sujet initial. Ses dents mordent avec virulence l’intérieur de sa lèvre, alors qu’elle tourne la tête, feignant l’indifférence. Elle laisse les mots de Deevoy se cogner à sa froideur. Et pourtant, elle bout. Comment ose-t-il. Comment ose-t-il enfoncer les lames de sa curiosité dans une plaie encore béante ? Et à quoi bon essayer de ranimer un cadavre qui pourrit depuis deux ans ? Il n’a qu’à faire comme elle. S’incliner. Supporter. Ainsi, peut-être vivra-t-il plus longtemps que son ami défunt.

« Je peux, tranche-t-elle. Mais il faudra passer à l’atelier. En attendant, je vais remplacer les petites pièces pour réparer les articulations. »

Elle inspire. Sait qu’il ne la laissera pas éluder. Mais elle ne le laissera pas s’immiscer ainsi dans leur vie privée.

« Il souffrait d’addiction à la Sélidoine. Un jour, il a fini par en mourir. L’atelier semble bien vide sans cet idiot dans les parages. »

Dans un sourire, elle souffle, comme l’on étouffe un rire après une blague douteuse. Et pourtant elle retient avec force le sanglot qui lui brûle la poitrine. Inspirant, Prudence pioche un petit rouage fêlé au cœur de l’articulation, pour le remplacer par un tout neuf. Elle fait de même avec quatre ou cinq, les dispose comme les pièces d’un casse-tête dont elle aurait mémorisé la solution.

« J’ignorais qu’une enquête avait été officiellement ouverte sur son décès. », reprend-elle, flegmatique.

A-t-il seulement le droit de lui poser toutes ces questions ? De la cuisiner, ici, à l’abri de ses comparses ? Elle resserre l’articulation, avant de lui administrer une petite goutte d’huile à l’aide d’une pipette. Elle fait à nouveau plier la carcasse, l’éprouvant même. Satisfaite, elle repose l’ossature sur la table, puis replace de quelques coups de marteaux sa chair de fer.

« Il n’y a rien à dire sur Magnus. »

Et ses propres mots lui crachent leur fausseté au visage.

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