A la pêche aux canards

J'étais dans le bar, assise à une des tables du fond. J’avais commandé une boisson, soit-disant aux fruits et sans alcool, à défaut d’être goutteux cela serait au moins désaltérant. Ma chevelure rouge vif bien dissimulée sous ma capuche habituelle, je zieutais les tables alentours, les conversations allaient bon train. Voleurs de passage, contrebandiers, flics à la recherches d'informations, habitués, journalistes pirates comme moi... Tous se côtoyaient ici et chacun s'occupait, en théorie, de ses affaires. J'étais arrivée un peu en avance par rapport à ce qui avait été convenu avec mon interlocuteur du jour, un voleur qui œuvrait dans différents milieux, mais j'aimais bien cette ambiance de brouhaha pour écrire certains articles ou lire les autres journaux à la recherches d'informations et de liens avec les indices qui étaient déjà en ma possession. Cette fois je soupirais en reposant l'un de ces papiers, rien à se mettre sous la dent... J'espérais que mon rendez-vous serait un peu plus fructueux.

Il me fallait de nouveaux éléments sur les meurtres. J'avais commencé à amasser des choses mais ce n'était pas suffisant et avec la mort d'Elena et d'un De Clèves, j'avais l'impression que les choses s’accéléraient et prenaient de l'ampleur. Je poussait un nouveau soupir en repensant à tout cela et quelques images d'horreur me revinrent en tête. Je les chassais bien vite mais je ne pu retenir un frisson et je me crispais l'espace de quelques secondes, mes côtes n'étaient pas encore complètement guéries même si cela était en bonne voie. Après tout, cela ne faisait qu’un peu plus d’un mois...

Dans un coin de ma tête trottait aussi autre chose, il ne me fallait pas oublier de glaner des informations à propos du ministre de l’intérieur. Au vue de comment c'était terminé la dernière entrevue avec un collègue, je savais qu'il tenait probablement quelque chose et je voulais savoir. Ma principale source d'information étant malheureusement décédé, il me fallait continuer à en chercher de nouvelles.

Je secouais la tête, chassant ces quelques pensées négatives pour me concentrer un peu plus sur ce qui m'entourait. Des bribes de conversation me parvenaient aux oreilles mais pas grand chose d'intéressant. Je ne voyais pas non plus de têtes "connues" ou qui étaient susceptibles de m'intéresser. Après quelques minutes, le nez en l'air à regarder un peu ce qu'il se passait dans la salle et ma boisson ayant été apportée, je ne serais plus dérangée. j’eus une soudaine inspiration et plongea les mains dans la petites besace de cuir sombre que j'avais à la cuisse et en sorti mon carnet. Je m'armais également de ma plume et commençait à écrire les bribes de phrases qui me passait par la tête pour mon prochain article. Bien que journaliste non officielle, dans ce repère de gens de toute sorte, je ne risquait, en théorie, pas grand chose. ces quelques lignes étant écrite, je rangeais mon précieux carnet.

Me calant un peu plus confortablement dans ma chaise, je bu quelques gorgées de ce que j'avais commandé et qui m'attendait sur la table sans que je n'y ai touché depuis que j'étais arrivait. Il était bientôt l'heure. L'homme que je devais voir ne devrait plus tarder à présent, du moins je l’espérais, je guettais son arrivée.

Alors que Lock s’apprêtait à rejoindre une table dans un coin en bonne compagnie dans l’auberge ou il était, il fut interpellé par l’aubergiste. Il laissa son compagnon pour entendre ce qu’avait à dire ce dernier. A l’en croire ses dires une demoiselle cherchait Lock les mains vives. Tiens donc…. Il n’avait pas refait surface depuis si longtemps que déjà on le cherchait ? Les nouvelles allaient plutôt ville dans cette ville. Il n’écouta que d’une oreille à savoir si elle était jolie ou quoi….et donc ? Il attendit la suite …qui ne vint pas. Monde d’escroc, l’aubergiste lui réclama quelques pièces s’il tenait à connaitre le contenu du message qu’il avait gentiment pris pour lui. L’ancien voleur retint une remarque acerbe et lui fila sa pièce, pressé de rejoindre son compagnon. Et puis bon….y a pas de petit profit n’est ce pas ? Ainsi cette charmante inconnue lui avait filé un rendez vous. Avant de rejoindre sa table l’aubergiste lui conseilla de se méfier de ce genre de fouille merde. Il fronça légèrement les sourcils lui commanda deux pintes et parti enfin s’asseoir avec l’homme qui l’accompagnait ;

Bien plus tard il prit le temps de réfléchir à ce que lui avait dit l’aubergiste. Il n’avait aucune idée de qui le cherchait mais il ne voyait pas forcément ça d’un très bon signe. Peut être était ce… un des sbires de son ennemi ? Non il n’y avait pas de jolie femme chez lui. Juste une ogresse. Mais ça pouvait très bien être un piège n’est ce pas ? Ceci dit il venait déjà d’agresser ce même jour un pauvre innocent manquant de lui planter une lame en pleine face en pensant être poursuivi. Il fallait qu’il arrête de vivre dans la peur…et dans la paranoïa surtout. Il n’arriverait pas à retrouver une vie normale du jour au lendemain. Seul dans sa chambre il faisait tourner la pointe de la lame de son couteau sur le bord de la chaise en réfléchissant.

Comme avant….quand il était encore Lock le voleur. Qu’aurait fait l’ancien Lock qui avait une vie sans peur sans rien de tout ce qu’il avait vécu ces derniers mois ? Il connaissait la réponse. Il aurait lancé ses dés et selon le résultat il serait allé voir ce que voulait cette intrigante petite personne. Il pouvait….il pouvait faire ça, au moins essayer. La dernière fois ses dés l’avait vraiment….pour le coup envoyé dans un petit traquenard oui dont il avait mis des mois à sortir, et encore pas complètement entier. Il lacha son couteau et prit ses jolis petits cubes. Le souvenir de son dernier lancé lui revint aussi net et précis que si c’était hier.

Le monde tournait tandis qu’un individu le trainait droit vers les enfers, son corps entier le lançait. Le début des flammes de l’enfer mais avant de s’abandonner au diable, sa main gauche encore valide effleura le cube pour le lancer tomber au sol dans un bruit sourd. Le petit objet roula jusqu’à s’arrêter sur un chiffre. Le diable en personne annonça le résultat « un six. C'est un bon chiffre le six, le nombre de la Bête ! » Un chiffre marquant la fin de sa destinée, un chiffre maudit à jamais. Lock les mains vives ne rentrerait pas dans l’histoire, en revanche il rentrait en enfer à cet instant précis.

L’ancien voleur déglutit, il avait perdu pied à ce moment là, la suite il s’en souvenait pas, juste de son réveil, enfin il y en avait eu plusieurs. Il avait perdu le compte, du temps passé la bas. Tout ce qu’il savait c’est qu’on l’avait charcuté, il se retrouvait avec un doigt de fer, marqué par la bête sous le pied. Son pauvre corps n’était plus raideur à force des mois resté allongé, ses muscles avaient fondus. Non plus rien n’allait…. Il inspira profondément, essaya de chasser le souvenir et lança le dé devant lui. L’ancien voleur n’aurait pas eu peur du résultat, c’était le dé du destin et il fallait l’affronter.

Le dé roula…pas dix non….HUIT. Ouf il avait dépassé le 6. Merveilleux petit dé à dix faces. Au moins ne s’était il pas arrêté sur le chiffre fatidique. Huit…chiffre pair. Le dé avait parlé il irait voir ce que lui voulait cette inconnue. Toutefois cela ne voulait pas dire qu’il ne devait pas se méfier. Les précautions toujours. Cette ancienne philosophie…. Devait continuer de le guider.

Le moment du rendez vous venu, il recouvrit ses mains de gantelet dont il avait récemment fait l’acquisition pour cacher cette horrible petit bout de ferraille qui lui tenait lieu de petit doigt, un peu raide d’ailleurs, il glissa plusieurs lames ici et là le long de son corps dans ses moches ou sa botte. Il fit un passage au pub bien avant l’heure. Le monde continuait de tourner oui…il reconnaissait des ombres, il y en avait de nouvelles. Quitte à faire son retour. Il salua vaguement une ou deux connaissances par obligation, esquiva les questions de sa disparition de ces derniers mois. Les affaires…les affaires…il tacha de se renseigner un peu plus sur l’actualité de ce beau petit monde et revint à l’heure dite.

L’attendait elle ? Il semblerait que oui. Beaucoup de gens gardait leur capuche ici. Ça n’avait rien de surprenant. Il y en avait plus d’un qui cherchait la discrétion et il en faisait parti également. Et les tables du fond avec une lumière assez sombre convenaient parfaitement pour achever de rester dissimulé au maximum. Méfiant il s’installa non loin de la jeune personne seule dont il ne parvenait à réellement voir les traits. Qui était elle ? Que voulait elle ? Il avait commandé le breuvage spécial de la maison mais ce n’était pas réellement pour ça qu’il était là. Il ne s’annonça pas, attendant de voir quelle serait sa réaction à l’arrivé du visiteur qu’elle attendait. Si elle était capable de le reconnaitre mais nul doute que oui. Entre demi ombre on sait plus ou moins qu’on à affaire à la personne que l’on a demandé ou qui nous a demandé n’est ce pas ?