Héroïquement maladroit.

Foutu casier qui ne s'ouvre qu'une fois sur deux !
Edouard frappait doucement de son poing le métal du casier, espérant encore une fois que celui-ci daigne bien s'ouvrir. Il en avait marre, et voulait simplement rentrer chez lui. Mais non, ce satané casier refusait de lui obéir, et il ne pouvait pas quitter ce lieu dans son uniforme. Il soupirait alors, passant une main dans ses cheveux pour les remettre en arrière - peine perdu, ceux-ci revenaient en mèches folles sur son front.

Enfin, au bout de la cinquième tentatives, la porte en métal s'ouvrit, et le mineur pu entreprendre de se changer. Pas de chichi, ici les femmes et les hommes étaient tous logés à la même enseigne : pas de séparation des sexes. Mais bon, personne ne regardait vraiment les autres, dans ce lieu. Déjà que les mineurs n'avaient pas une belle vie, ils ne voulaient pas se retirer le peu d'intimité qu'ils avaient. C'était comme un code, un certain respect : on ne regardait pas les autres se changer.
Edouard remit alors ses vêtements de tous les jours. C'était assez basique, un simple pantalon et un t-shirt à manche longue, usé bien-sûr. Il y avait des traces de coutures un peu de partout, exploit de sa tante Emilia, qui arrivait toujours à restaurer ses affaires.

Une fois prêt et sur le départ, il entendit alors des voix qui se voulaient assez fortes. Bien-sûr, curieux, il imita quelques personnes en se tournant vers la provenance des sons. C'était trois mineurs, une femme et deux hommes, qui parlaient assez forts, voulant certainement se faire entendre et avoir un auditoire.

« J'vous jure ! Elle a jeté un sort au grand Joe. Depuis il est éclopé, y dit qu'son pied est mort, et que va falloir le couper. »
Et à un autre de répondre.
« Cette sorcière est vraiment une épine dans nos pieds... »
Il ne réalisa pas, mais les deux autres se mirent un peu à rire, rapport à la blague non volontaire du pied.

Bien-sûr Edouard savait de qui les mineurs parlaient. Meryl Rosenthal, aka la La Sorcière. Des débilités, selon l'avis du rebelle. Il avait déjà entendu des insultes à son sujet. Il fallait avouer que la demoiselle n'était pas vraiment apprécié et qu'elle n'avait pas une bonne réputation. Mais cela n'empêcher pas Edouard de ressentir une certaine injustice en entendant ces propos. Surtout que la concernée était présente, juste à côté d'eux. Ils parlaient sans doute fort exprès pour qu'elle puisse entendre. Le Meneur, dans son esprit de vouloir changer le monde, ne pouvait pas laisser faire. D'un pas assuré, il s'approcha d'eux, les regardants à tour de rôle. « Bon ça suffit maintenant, non ? » Sa voix avait une tonte d'irritation. Se moquer et colporter des rumeurs, c'était une occupation puérile de bourgeois, et si son peuple s'amusait à agir de la sorte, Edouard pensait qu'il devait y remédier. « Elle vous a rien fait Meryl, alors lâchez-là un peu. »

Ah, ce grand chevalier qu'est Edouard Pikes, toujours à vouloir sauver la veuve et l'orphelin. Mais bon, la il s'agissait de Meryl. Il le savait pas encore, mais surement qu'il allait s'en prendre plein la face d'avoir voulu secourir une demoiselle en détresse... pas en détresse du tout.

Meryl était éreintée par son shift dans la mine. Le visage et les mains poisseuses de sueur et de crasse, elle enfila sa robe élimée par-dessus ses vêtements de travail avant de retirer ceux-ci avec une agilité surprenante, elle avait l’habitude.
Ce n’était pas qu’elle était pudique, oh non. C’était qu’elle n’allait pas offrir gratuitement à ses collègues un spectacle qu’elle faisait payer d’ordinaire. Rien n’est gratuit dans la vie !

Elle roula en boule son uniforme et le fourra dans son casier. Libre. Le temps de passer aux bains vite fait… et puis elle pourrait s’arranger ensuite. La relève des gardes était dans 3 heures, avec un peu de bol elle s’en trouverait un tout émoustillé à la sortie. Y avait l’air d’avoir de la chair fraîche dans les rangs ces temps-ci.

Les voix près d’elle la tirèrent de ses méditations. Ça faisait longtemps tiens (non).
Ca l’arrangeait bien, le grand Joe aussi, avec un pied en moins il aurait plus à crapahuter dans les mines, et mettre ça sur le compte de Meryl ça lui assurait plein de compassion et peu de rancœur même s’il avait toujours été fainéant comme pas deux. Ses lèvres s’entrouvrirent pour lâcher un ricanement méprisant mais une voix, jeune et pas si assurée que ça, s’éleva dans le vestiaire :

« Bon ça suffit maintenant, non ? Elle vous a rien fait Meryl, alors lâchez-là un peu. »

C’tait nouveau ça. Et pis pas malin, pas malin du tout. Meryl jouait un jeu délicat, savament dosé, entre les menaces et l’aide providentielle, la peur et la fascination. Personne ne la défendait jamais et c’était très bien comme ça.

Les trois commères s’étaient figés, d’habitude ce genre de médisances ça provoquait surtout des murmures d’assentiment. Faut dire que le gars n’était pas des plus impressionnants non plus, pas forcément l’genre à la ramener contre l’opinion général quoi, pas freluquet mais pas super épais non plus, avec un air de gamin bien gentil, bien élevé. Il essayait d’gagner son paradis en défendant la veuve et l’orphelin ou quoi ?
Meryl toussota légèrement, juste de quoi briser le silence. Elle eut un murmure tout juste audible

« Y aura pas b’soin d’lui couper, y va tomber tout seul. »

Fourrant la main dans la poche de sa robe, elle fixa le pantalon du minier trop bavard avec une intensité très très impolie, commença à marmonner des mots incompréhensibles en remuant les lèvres à toute vitesse et lui jeta une poignée de poussière dessus dans un grand cri victorieux.
Le vestiaire tout entier se mit à paniquer un peu, il y eu plusieurs cris et des personnes sortirent précipitamment pendant que Meryl s’appuyait d’une main au mur pour enfiler ses souliers. Sans regarder Edouard elle lui dit

« J’peux m’débrouiller toute seule »

Edouard avait bien remarqué que les trois miniers avaient été assez surpris de son intervention. En même temps quoi de plus normal ? D'habitude, les gens critiquaient Meryl, personne ne prenait jamais sa défense, les mineurs ne voulaient pas s'y risquer. Mais Edouard, cœur sur la main, en avait eu grandement assez de ces enfantillages, alors il devait bien faire quelque chose.
Mais qui aurait pu prévoir que Meryl elle-même prendrait la parole, et surtout pour remettre convenablement son « sauveur » à sa place.

D'abords, le rebelle fut assez surpris et en perdit ses mots. Il faut dire que quand la femme que les gens craignent et appellent « La sorcière » semble vous jeter une malédiction en prononçant des murmures incompréhensibles et en vous balançant de la poussière en pleine face en poussant un cri, vous ne faite pas trop le malin. En tout cas Edouard lui, il ne faisait pas du tout le malin. Bien qu'il savait que toutes ces histoires n'étaient que des foutaises, et bien il ressentit quand-même une boule d'angoisse naissante dans le creux de son ventre.
Puis, les dix secondes qui suivirent ce spectacle, et bien le peu de mineurs qui étaient restés dans les vestiaires pour faire leurs curieux avaient détallés à toute vitesse, comme à chaque fois que Meryl faisait quelque chose d'étrange.

Rapidement, ils ne restèrent donc que les deux. Edouard n'avait pas bougé, hormis mettre son poing devant sa bouche pour toussoter un petit peu, du à l'amas de poussière qu'il avait reçu. « C'est malin, j'avais lavé mes vêtements y'a quelques jours... ». La surprise passée, il ne semblait pas avoir peur d'elle. Il savait qu'elle n'avait pas de pouvoirs, et qu'elle se servait de sa réputation pour faire peur, ou autre. En tout cas, le mineur parut assez gêné. Lui qui voulait aider et soutenir Meryl, elle lui avait bien fait comprendre qu'elle n'avait pas besoin que quelqu'un lui tende la main. Puis, maladroitement, il rouvrit la bouche pour parler, comme s'il n'était rien de plus qu'un petit garçon, qui venait de se faire gronder. « Je sais bien que tu peux te débrouiller toute seule. Je voulais juste... ». Edouard marqua une courte pause, comme s'il cherchait ses mots pour ne pas offusquer d'avantage la minière, et surtout pour qu'une nouvelle fois, elle ne lui balance pas sa satané poussière dans la poire. « ...Être gentil. »

Y'avaient-ils des personnes gentilles avec Meryl, autre que les gardes qui parfois fricotaient avec elle ? De mémoire, et même s'ils n'avaient jamais parlé entre eux, Edouard n'avait jamais entendu de mineur avoir un mot agréable pour elle. En tout cas, il se recula d'un pas, et se tapota doucement les épaules, pour en faire tomber les résidus de poussières.