Curiosité mal placée ? {PV : Klaas}

La porte du bureau du serken Meyners était fermée depuis les aurores. Le ronchon locataire des lieux était arrivé avant même que le soleil ne soit levé, histoire de profiter du calme des lieux avant que tous les habituels dégénérés ne remplissant les bureaux et que la foire de la journée commence. La masse de boulot qu’il avait à abattre était de colossale depuis qu’on leur avait retiré l’enquête sur les cadavres. Le policier savait que ce n’était sans doute qu’une vieille arnaque pour occuper les petites mains il était trop consciencieux pour laisser ces saletés d’enquêtes de côté. Plus vite il se débarrasser de ce merdier, plus vite il aurait la main libre pour aller mettre son nez dans des affaires qui ne le regardaient pas. Ou ne le regardait plus officiellement, en l’occurrence.

L’agitation pernicieuse de la matinée ne tarda pas à se transformer en une véritable cacophonie au fur et à mesure que la caserne se remplissait. Dans son bureaux aux murs aussi fin que son papier toilette, Klaas grogna en attendant les interjections de ses collègues qui semblaient lui hurler dans les oreilles. Il se massa rageusement les tempes, sa migraine de décuve de la veille lui vrillant l’intérieur de son satané crâne avant de s’enfiler une rasade de café froid, trop cramé et au goût dégueulasse. Le policier tenta de reporter son regard sur la masse de papiers étalés sur son bureaux : compte-rendu, retranscription d’interrogatoires, photos et notes quasiment illisible sauf pour leur auteur - lui-même en l’occurrence. Passer de droitier à gaucher n’avait pas aidé son écriture déjà horrible de nature et il aurait presque fallu un putain de diplôme pour réussir à le relire.

Des coups à la porte retentirent assez fort pour se faire entendre à travers le bordel ambiant mais Nickolas ne releva la tête qu’en entendant la voix qui s’annonça et coupa court au grognement qui s’apprêtait à sortir de sa gorge. Il se redressa sur son siège en suivant des yeux l’homme entrant dans son bureau, ses lèvres se relevant de quelques millimètres - ce qui se trouvait être le plus proche d’un sourire chez lui et se trouvait être assez rare pour être notable.

« Lüwen. Je comprend mieux les piaillements derrière la porte. » Déclara simplement le serken avant de faire un vague geste en direction de la seule autre chaise du bureau. « Reste pas debout comme un baudet et assied toi au moins. Je te déconseille toujours le café, ces imbéciles seraient capable de cramer un putain de morceau de charbon. »

Ses manières de parler n’étaient pas vraiment celle qu’il aurait du avoir face à son ministre. Mais Lüwen était un ancien collègue et un ami d’assez longue date qui avait plutôt l’habitude de son franc parlé et de ses manières… plutôt brutes, quelque soit la personne à qui il pouvait bien s’adresser. Klaas ouvrit un tiroir de son bureau pour en sortir un petit étui et commença à se préparer une cigarette le temps que son ami ne prenne place en repoussant ses dossiers pour se faire une petite place. Cela faisait un long moment qu’il n’avait pas eu l’occasion de croiser ce charmant Ministre en privé - son fameux discours ne comptant évidemment pas - et il ne pouvait s’empêcher de se demander ce qui lui avait fait traîner ses guenilles jusqu’à son bureau. Et s’il était plutôt content de le revoir, il avait conscience qu’entre sa visite et celle du pédant prince les semaines précédentes, les rumeurs qui avaient déjà commencés à courir allaient encore plus partir en couille. Il se posait d’ailleurs la question de savoir si tout cela était lié. Les coïncidences n’avaient jamais été son fort.

Le serken haussa les épaules pour toute réponse aux questions du jeune ministre et se décida à ignorer sciemment la première sans prendre la peine de relever le regard pour le moment.

« Comment tu crois que ça passe ? » Irosina-t-il rhétoriquement. « C’est le merdier pas possible. Caïn est sur les dents parce que les hommes sont partis en vrille après ton annonce et que la moitié d’entre eux auraient pu finir au trou pour diffamation. »

Ses yeux noirs se posèrent sur le jeune ministre pour étudier son visage. Lui-même avait pesté à cette annonce bien sûr, mais il savait… Ou du moins se doutait que Lüwen n’avait pas fait cette annonce de son plein gré. Ils avaient bossés ensemble assez longtemps pour connaître la droiture de l’homme face à lui et ce genre de magouilles lui ressemblait finalement assez peu. Mais il était dans la position de la chèvre sacrificielle et cela se ressentait au niveau de la caserne où la scission avait été forte. Même si peu à peu les choses reprenaient à peu près leur train-train quotidien à force d’engueulades verbeuses et de menaces tumultueuses.

« Mais je suppose que tu as tes propres merdes à gérer là-haut. » De toute façon, à partir du moment où la reine foutait ses sabots dans le plat, tout prenait toujours une ampleur démesurée. « Comment je peux t’aider ? Je ne crois pas que tu te pointes à mon bureau en pleine crise juste pour bavasser, même si ça aurait été foutrement plus agréable. »

Les piaillements hein ? Ce n'était pas faux, au contraire dès qu'il venait les gens s'occupaient de lui ou faisaient comme s'ils étaient très affairés… Tout comme lui, Klaas n'était pas du genre à aimer ce genre de bruits, autant dans le fond que dans la forme. Lüwen se contenta de hausser les épaules comme toute réponse. Il n'avait pas besoin de rétorquer quoi que ce soit, le serken savait très bien ce qu'il pensait de tout cela. Notre ministre n'attendait pas plus que son invitation à s'asseoir pour le faire et se posa donc tranquillement. Il avait bien évidemment l'habitude du langage un peu fleuri du fumeur ici présent mais cela serait un mensonge de dire que cela l'offusquait. Qu'il parle franchement comme il en avait envie.

Sans répondre à sa première question, le policier se contenta de rhétorique pour commencer avant de lui annoncer la couleur. Non, ce n'était pas joyeux, il s'en doutait. Même Caïn était sur les nerfs hein ? Pas de quoi s'en étonner, après tout, c'était à lui qu'aurait du revenir l'enquête.

«  Je ne peux pas leur en vouloir, leur réaction est normale.  »

Klaas était un des seuls à comprendre comment fonctionnait Lüwen, du moins, à peu près, outre sa famille. Et il supposait bien. Il voulait que l'enquête retourne auprès du chef de la Mordkomission.

«  Les policiers ne doivent pas se scinder en groupes. Ils doivent rester unis. S'il le faut utilise le fait qu'ils n'aiment pas ce que j'ai dis ou ce que je suis pour les lier à nouveau. Si tu peux le faire alors enquête de ton côté avec des gens de confiance. Ceux qui sauront garder le silence. Ne notez rien, gardez tout dans vos têtes. Convainc Caïn si tu le peux. Ne dis pas que cela vient de moi. Mais si vous sentez que la milice est à vos trousses, retirez-vous. Moi-même je vais faire en sorte d'en savoir le plus possible mais ça ne sens pas bon.  »

Lüwen avait souvent un regard sérieux. Là il l'était encore plus, légèrement préoccupé. Il ne voulait pas causer de trouble à Klaas mais il savait qu'il pouvait lui demander cela, parce qu'il savait qu'il l'aurait fait sans lui. Et peu lui importait si ses hommes le détestaient, c'était de tout façon déjà à moitié le cas.

Klaas s’adossa un peu plus dans sa chaise et croisa les jambes, haussant simplement les épaules à la réaction logique de Lüwen d’un air désintéressé - parce qu’au fond, il s’en foutait peut-être réellement. Le merdier était toujours normal ici, il était juste un peu plus bordélique en ce moment. Cela faisait bien longtemps qu’il avait appris à nager dans la vase et elle finirait par retomber jusqu’au prochain coup de poignard dans le dos.

Il s’alluma son tabac tandis que son ami déblatérait son discours devant lui. Et il ne put s’empêcher de froncer les sourcils au fur et à mesure qu’il enregistrait les informations qu’il entendait. Son instinct ne l’avait peut-être pas trompé tant que ça : à croire qu’ils s’étaient refourgués le mot pour essayer de le mettre dans la merde. Niveau discrétion, is pouvaient repasser. Il connaissait - et assumait - le bousin qu’était sa réputation des plus merdique. Mais aux dernières nouvelles, il était toujours restés dans les putains de clous. Du moins, officiellement. Nickolas soupira en se grattant sa joue mal rasée et ne put retenir un regard appuyé en direction du Ministre à la fin de sa tirade. Ce genre de regard hautement dubitatif et qui signifie clairement "non mais tu me prend pour un con ou quoi ?" et qui se heurta au regard des plus sérieux de son ami sans ciller ni fléchir.

« Arrête ta comédie Lüwen, tu me prend pour quoi, un bleu ? J’ai passé l’âge de recevoir des leçons. » Grogna-t-il en laissant échapper une vague ondulation de fumée de tabac.

Il avait pas besoin qu’on lui explique comment faire son putain de job, il était pas encore complètement gâteux et faisait ça depuis bien assez longtemps. Surtout venant d’un camarade, ce genre de conneries étaient vexantes au possible. Et si autant Lukas avait fait montre d’un minimum d’urbanité pour s’adresser à lui - pour l’amadouer, il le savait bien - autant Lüwen lui donnait juste l’impression d’être un clébard qu’on envoie chercher les coups de bâton docilement. Le serken savait qu’il se le permettait parce qu’il le connaissait et qu’il devait se douter qu’il n’avait pas envie de lâcher toute cette merde, mais l’arrière goût passait difficilement.

« Au cas où tu l’aurais oublié, j’ai pas vraiment la cote pour rallier qui que ce soit. » Si on respectait son travail pour son efficacité, son foutu caractère de cochon et son affabilité inexistante légendaire étaient loin de faire de lui un quelconque leader. C’était même plutôt l’inverse. « Et Caïn doit avoir au cul tous les espions de la haute pour surveiller qu’il fait pas un pas de travers. Ce bourbier est encore trop chaud pour foutre les mains dedans. »

Il laissait entendre qu’il finirait pas le faire… Peut-être. Mais si Lüwen voulait se trouver un porte-étendard pour rallier tous les idiots de la caserne, il allait devoir s’adresser à quelqu’un d’autre. Klaas repensa un instant au dossier que lui avait amené le prince héritier, des informations sur lesquelles il avait mis la mains - et ce qui lui restait de neurones, se demandant si le Ministre avait lui aussi des infos en plus. Il en doutait fortement vu sa dernière phrase.

« Je peux pas dire que j’veux pas prendre cette affaire, mais merde Lüwen. Qui te dit que j’ai envie de me coltiner la milice et la famille royale sur le dos ? Et franchement c’est pas en te pointant ici que tu m’aides à passer inaperçu. »

Il allait encore devoir se taper une saloperie de réunion avec Caïn pour lui expliquer ce qu’il était venu foutre ici. Déjà que depuis la visite du prince, ce dernier avait tendance à vouloir foutre son œil partout dans ses affaires… Il était obliger de prendre des pincettes pour la moindre de ses putains d’action. Il lui aurait fallu du temps pour laisser retomber tout le foutoir, mais c’était justement ce qui lui manquait.

Aux premières paroles de son estimé ami et subalterne, Lüwen soupira. Il n'avait pas l'air content de ses paroles. Et pourtant, ce n'était pas le but. Lui pardonnerait-il sa maladresse ? Il n'était pas du genre à bouder pour si peu. Du moins, s'il l'avait bien cerné. Et pourtant s'il disait cela qu'il s'inquiétait pour lui, ses paroles trahissaient ouvertement ce qu'il ne montrait pas. Parce que même là, il ne se révélait pas en totalité.

«  Loin de moi l'idée de te prendre pour un bleu, Nickolas…. Ce n'était pas intentionnel.  »

Il était vrai que Klaas n'était pas forcément du genre très… unification avec les autres. Et pourtant il était persuadé que quelques collègues l'appréciaient pour ce qu'il était, et que s'il s'y adonnait un peu, il pouvait parfois faire se mouver les foules. Son caractère allait pourtant contre cela. Et il ne pourrait pas le changer. Il avait sale caractère mais au moins il avait le mérite d'être honnête, et ça, Lüwen l'appréciait chez lui et c'est ce qui lui avait donné en partie envie de faire équipe avec lui.

«  Dans ce cas, oublions Caïn pour le moment.  »

Stratégie trop dangereuse refusée. Il n'avait pas qu'il arrive quoi que ce soit à des gens intègres, et pourtant c'était bien eux qui allaient devoir se donner du mal. Et non, Lüwen n'était pas le genre à les utiliser comme des pions, bien au contraire, il détestait cela. Il était aussi certain que Klaas voulait découvrir le complot derrière cette affaire. Car cela en était un. Les deux risquaient leur place si on les découvrait, si ce n'était plus.

«  Personne n'a envie de se les coltiner. Mais je ne veux pas que tu sois en danger pour autant…  » L'homme aux yeux rouges se massa l'arête du nez. Dilemme. «  Les messages peuvent être lus. Ils sont trop peu confidentiels. Et je n'ai aucun messager qui soit de confiance pour te joindre par un intermédiaire… La prochaine fois, si ça concerne cette affaire, rencontrons nous dans un autre lieu. Directement en ville. Je serai discret.  »

Lüwen se permit de prendre un sous main, une feuille et un stylo avant d'écrire sur une feuille pendant plusieurs minutes, laissant son cerveau fuser et un blanc dans la conversation. Il lui tendit ensuite un papier. Pour chaque lettre, un symbole.

«  Apprends-le et brûle-le. Et quand je t'enverrai des messages, tu chaufferas le papier avant.  »

Ha bah, il fallait bien s'appeler Lüwen de Clèves pour faire ce genre de stratagème.

«  Que tu prennes part ou non à l'enquête je te tiendrais au courant. Au cas ou.  »

Inutile de préciser le pourquoi du comment, l'on était jamais trop prudent.

« Je t’assure que j’ai pas besoin de toi pour me foutre dans la merde… » Maugréa le policier dans sa barbe avec un soupir contrarié. Il haussa un léger sourcil à la dernière phrase de son interlocuteur. « Discret ? Va falloir laisser tomber les lentilles et tout le tintouin. Ah ! » Sa main tapa avec amusement sur un coin du bureau tout en faisant légèrement trembler le bois. « Rien que pour voir ça j’accepte ton invitation. » Railla-t-il avec un demi sourire ironique.

Il faut dire que Lüwen est plutôt du style… tiré aux quatre épingles. Et encore, tiré était un putain d’euphémisme. Nickolas n’était pas certain de l’avoir déjà vu fringué autrement qu’avec l’accoutrement classique de la Mordkomission quand il y était encore. Depuis, ce n’était même pas la peine d’en parler. Faut dire qu’un ministre en frusques pouilleuses, ça aurait de fait jaser la populace. Alors l’imaginer ramener ses fesses au milieu de la ville en péquenaud lambda… Ça avait le mérite de valoir un putain de déplacement.

Il l’observa sans en sortir une l’homme face à lui lui voler ses affaires et commencer à griffonner ses symboles sur un papier. Quand il eut noirci la moitié de la feuille, Klaas comprit soudainement ce qu’il était en train de faire et ne chercha même pas à masquer le soupir dépité qui s’échappa de ses lèvres. Franchement. Il avait l’impression d’être dans un vieil enregistrement à l’image rongée par les mites. Il attrapa malgré tout la feuille, lui jetant à peine une seconde d’attention avant de reporter ses yeux sombres sur Lüwen. Son cerveau avait réussi à oublier ce genre de bizarreries qui lui était propre, dans le temps.

« T’es au courant que la transcription d’alphabet, c’est le premier truc à la con que vont tester tous les premiers troufions venus ? T’aurait au moins pu choisir un code à la place. »

Il secoua la tête et plia le papier pour le ranger dans une de ses poches intérieures - celle qui n’était pas trouée à force d’usage intempestif. Visiblement, il devrait s’en contenter. D’un geste un peu brusque, il écrasa la fin de sa cigarette dans le récipient prévu à cet effet qui émit un grincement de protestation et jeta un bref regard à la porte fermée du bureau. Son visage, déjà tiré et sérieux, perdit toute trace d’amusement pour se retrancher dans sa neutralité agressive habituelle. Il avait laissé son ami faire son petit show, mais il commençait à s’en lasser.

« Quoi que je fasse tu me lâcheras pas avec ta foutue affaire, j’ai bien compris. J’ai appris certaines choses… avant qu’on nous enlève cette putain d’enquête. Mais si j’dois aller creuser, j’ai besoin qu’on m’oublie, Lüwen. » Et pas d’avoir des messages codés foireux qui attireraient encore plus l’attention s’ils sont découverts. « Trouve toi quelqu’un à qui tu peux te fier. Un larbin, une catin, ou coupe la langue à un serviteur, que sais-je encore. En attendant, c’est moi qui viendrait à toi. J’ai mes propres moyens. » Les doigts de sa main gauche tapotèrent un instant sur le bureau. « Et j’ai pas une chiée de population collée à surveiller mes basques ni d’autres ministres qui cherchent à m’évincer. Tu ferais mieux d’éviter les vagues, si tu veux mon avis. »

Il mentait, bien sûr. Toutes les informations qu’il avait en plus, c’était Lukàs qui les lui avait fourni. Pas grand chose en soit, mais assez pour potentiellement commencer à tirer des ficelles… Quand enfin il n’aurait plus les yeux du commissariat rivés sur sa gueule. En attendant, il faisait jouer son réseau comme il pouvait. Mais tout cela passait inaperçu au milieu du reste de son discours. Si Lüwen avait vraiment envie de foutre ses deux pieds dans la boue, autant qu’il le fasse correctement. Des yeux et des oreilles dans la Cours étaient toujours exploitables et une potentielle corde de secours qui ne l’étranglerait pas au passage serait putain de bienvenue.

Lüwen ne préférait rien dire à sa première remarque, il ne savait que trop bien qu'il n'avait pas besoin de lui pour avoir des ennuis… Et il ne semblait pas comprendre dans les premières secondes comment Lüwen allait réellement se faire discret… jusqu'à voir comme un scintillement dans ses yeux. Il avait enfin réaliser. Oui, Lüwen était prêt à aller dehors sans tout son attirail. Il se ferait passer pour un serviteur et voilà, ou quelque chose du genre.

«  Eh bien. Peut-être devrais-je faire cela plus souvent. Mais oui, tu me verras en effet sans lentilles et sans tout ça.  » Il fit un geste pour montrer toute sa belle tenue.

A vrai dire Lüwen se demandait si le Serken connaissait la véritable couleur de ses yeux. Certainement que non. En revanche, il ne l'avait jamais vu autrement que très bien habillé et propre sur lui. Bon, il n'allait pas venir sale, hein… Il avait ses limites.

«  C'est un code, je l'ai fais moi-même. Et personne ne le connaît, même pas ma famille.  » C'était la raison pour laquelle il l'avait écrit aussi vite. «  Je n'écrirai pas sous forme de symbole. Je te ferai passer une lettre, le recto sera un texte banal, et il faudra faire chauffer le recto pour faire apparaître l'écriture. C'est au jus de citron. Simple, mais efficace.  »

Parfois les tactiques les plus simples étaient les meilleures. Et il n'était pas anormal que deux collègues gardent contact.

«  Et non, je ne te lâcherai pas. Tu es l'une des seules personnes de confiance que j'ai. Et la seule sur laquelle je sais que je peux compter pour cette affaire. Il va falloir t'en contenter. Je ne suis pas encore à ce poste depuis assez longtemps pour savoir à qui je peux me fier.  »

Et c'était un véritable compliment qui lui était adressé dans cette phrase. Il était certain de la droiture de cet homme.

«  Si tu as besoin d'aide pour te rendre discret, tu peux toujours me demander bien que je ne sache comment te l'apporter.  » Ha bah oui, question discrétion… C'était bien pour cela qu'il lui posait la question directement. «  Ha et j'irai voir Caïn après. Comme ça, il ne viendra pas te voir.  »

C'était déjà ça de pris. Il pouvait toujours dire qu'il était venu voir Cain à la base et qu'il en avait profité pour passer voir un ancien collègue. Il devait aussi trouver quoi dire à Cain. Ha. Oui. Il avait déjà une idée. Il allait lui poser des questions sur l'attitude des gardes, et savoir si personne n'avait tenté une enquête. Histoire de devancer toute l'histoire.

«  Oh, et la deuxième raison de ma venue. J'ai entendu parler de la visite du prince chez toi. Il s'est passé quelque chose avec lui ? Si c'est personnel oublie, mais si c'est en rapport avec notre affaire, n'hésite pas à m'en faire part.  »

Il avait hésité à dire cette phrase car il pouvait l'utiliser comme porte de secours mais il se relâchait de temps en temps… Et puis s'il devait manipuler et douter de tout le monde, il n'en aurait pas fini.

Klaas laissa tomber cette histoire de code qui lui sortait à moitié par les yeux. Le Ministre pouvait se montrer aussi tête de cul que lui quand il le voulait et il avait pas une journée à balancer à la poubelle. Simple, ouais. Un peu trop. M’enfin il devrait s’en contenter, au moins dans un sens. Tant qu’aucun débile ne tombait sur ce genre de merde, ça ne risquait pas grand-chose.

Il prit les paroles de Lüwen pour ce qu’elles étaient : un compliment. Et bien qu’il ait conscience que son ami en soit plutôt avare, les paroles lui volèrent au-dessus de la tête comme un rat courant les rues. Comme toute les conneries de remarques concernant son propre travail et se contenta d’un vague haussement d’épaule nonchalant. Il n’avait qu’un seul et unique référent en termes de satisfaction, et c’était son propre putain d’avis. Un défaut qu’il avait gardé de ces années à la con passés aux Mines où la réussite se résumait à un foutu jeu de cartes rapiécé.

A la proposition d’aide de Lüwen, il se contenta d’un vague grognement en lui lançant un « j’y penserais » évasif. Pensant que cette conversation était enfin terminé, il s’apprêtait à retourner au putain de dossier qui s’était encore plus étalé sur son bureau. Mais alors qu’il remettait la main sur une feuille gribouillée en tous sens, la voix du Ministre retentit une nouvelle fois. Nickolas haussa un sourcil dubitatif. Caïn venait toujours le voir. Enfin, les autres couillons aussi. C’était comme ça, il aimait tout surveiller. Surtout en ce moment. Il le comprenait.

« Ouais ouais… fais-moi plaisir et passe moi une gueulante en sortant, tu veux ? Au moins les autres me foutront la paix. Tu dois bien avoir ça en stock. »

Bonjour la sinécure. Qui viendrait franchement le voir pour le plaisir d’une discussion ? A moins d’être maso et d’aimer se faire traiter de tous les noms imaginables en moins d’une heure… Y’avait des collègues vachement moins chiant et avec des babillages plus communs - et donc foutrement inintéressants. Genre un des crétins qui venait d’avoir son premier marmot dans le mois et qui arrêté pas de le beugler dans toute la caserne. Klaas était certain que le gamin devait faire moins de bruits que le paternel en question.

Une bonne scène d’engueulade et de remontrances ça lui paraissait déjà beaucoup plus crédible. Pas comme s’il s’en régulièrement vu ses manières brutes. Ça ferait jaser et rigoler dans son dos une heure et tout le monde retournerait à son putain de travail.
A nouveau, Nickolas se laissa surprendre par la question de son ami. Sa main - gauche - qui avait attrapé le papier se crispa légèrement avant qu’il ne secoue la tête avec un "ksst" énervé audible en posant un regard suspicieux sur le Ministre.

« Ouais, chaque putain d’habitant a dû en attendre parler à l’heure qu’il est… » Quand il parlait de discrétion foireuse c’était exactement à cette merde qu’il faisait référence. « Et tout ce qui s’est passé c’est qu’il m’a foutu un putain de dossier de cadavre de jeune femme en plus dans les pattes. » Grouma-t-il avec un rictus sardonique. « Je sais pas de quel chapeau à la con mon nom est tombé mais ils devraient jouer à la roulette russe, ça me changerait. D’autres questions, Monsieur ? »

Son dernier mot était teinté d’une ironie moqueuse bien trop exacerbé même sortant de sa bouche mais qui lui offrait une excuse parfaite pour s’énerver s’il le souhaitait tout en changeant tranquillement de sujet. Il avait hésité à lui dire la vérité, même si ça lui aurait arraché les dents - il avait toujours préféré la jouer solo -, mais… Pour l’instant, le policier préférait jouer sur tous les tableaux à la fois. Comme ça, si l’un venait à lâcher… Il se retrouverait pas forcément dans la merde tout de suite. Ni lui… ni les autres tableaux, d’une certaine manière.

Ha oui lorsque notre ministre voulait quelque chose, surtout avec ceux qu’il connaissait il n’allait pas laisser tomber aussi facilement. Il ne s’attendait pas forcément à ce que Klaas réplique au compliment qu’il lui lançait après tout il était pareil que lui pour ce genre de choses : maladroit… Il était inutile de revenir sur le sujet, le serkens avait compris. Il avait intérêt d’y penser.

L’idée qu’il aille parler lui-même à Caïn semblait lui aller, voire même le fumeur désirait qu’il l’engueule, qu’il lui passe un bon savon. Ca il savait faire, clairement, l’on ne pouvait pas le lui reprocher.

«  Comme tu veux, si ça peut t’aider.  »

En même temps Lüwen se mettait dans l’ambiance. Il se demandait s’il ne faisait pas exprès de parler de façon encore plus vulgaire que d’habitude. Ou alors il n’avait juste pas aimé sa question vu le regard suspicieux qu’il lui adressait. Non, il n’était pas content.

Quoi qu’il en soit il lui rétorquait que le prince lui avait rajouté un autre dossier. Oh. C’était surprenant. Etait-il lié à quelque chose d’illégal ? Il ne pouvait pas dire qu’il connaissait bien ce dernier, il ne connaissait pas ses motivations réelles et aurait certainement bien aimé les savoir pour être sûr de la façon dont il allait se positionner dans le futur.

Il se contenta de simplement hocher la tête. Il verrait plus tard s’il lui demandait plus d’informations ou non… Pour le moment il avait une petite comédie à jouer. Ainsi, il choisi d’élever la voix maintenant.

«  Adressez-vous à moi sur un autre ton, Monsieur Meyners !  »

Il se leva de sa chaise et vérifia simplement du regard que rien n’était tombé de ses poches bien qu’il n’ait pas grand-chose. Simple manie. Il fit exprès d’entrouvrir la porte.

«  N’oubliez pas le respect avec lequel vous devez vous adresser à moi. Veillez à améliorer votre comportement la prochaine fois !  »

Et bim. Claquage de porte. Ha. Il faudrait expliquer cela à Caïn maintenant car il y allait avoir du remue-ménage.